I-Une pluriactivité ancienne.

Au début du siècle des Lumières, les toiles de chanvre fabriquées en Bas-Dauphiné, de piètre qualité, sont essentiellement destinées à l’autoconsommation paysanne, bien qu’une partie soit déjà destinée à approvisionner des marchés extérieurs 191 . La manufacture voironnaise connaît un formidable essor au XVIIIe siècle avec son insertion dans les « jeux de l’échange » et sa participation à l’économie-monde. Elle profite de l’engouement des marchés pour les étoffes de lin et de chanvre de qualité 192 . En 1730, l’activité toilière de la nébuleuse voironnaise occupe déjà plus de trois mille cinq cents fileurs et mille cinq cent soixante-quinze tisserands, ce qui fait d’elle la plus importante de la province de Dauphiné. Mais, à cette époque, les sept mille sept cent cinquante-deux toiles de chanvre produites par la nébuleuse voironnaise, sont quasiment toutes destinées à l’autoconsommation villageoise. Un demi-siècle plus tard, à la veille de la Révolution, les tisserands ont fourni plus de vingt-quatre mille pièces de toiles aux négociants pour qu’ils les vendent sur des marchés lointains, dans le Midi, en Espagne ou en Amérique 193 . Cette forte croissance tire son origine, semble-t-il, essentiellement dans la prise de contrôle du marché des toiles voironnaises par Jacques Perier à partir des années 1760-1770.

Notes
191.

BOTTIN (J.), 1998, pp. 53-78. À la fin du XVe siècle, le Bas-Dauphiné s’insère dans une vaste aire de culture du chanvre et de fabrication de toiles de chanvre, qui concerne un « vaste croissant toilier », de la Normandie jusqu’à la région lyonnaise, en relation avec la Grande Société de Ravensburg.

192.

TERRIER (D.), 1996, p. 22. Dans le Saint-Quentinois, Didier Terrier constate un processus similaire de croissance de la manufacture de lin au XVIIIe siècle : « la manufacture des toiles de lin fin s’épanouit pleinement par le double biais d’une internationalisation croissante de ses débouchés et de l’essaimage vers les campagnes des activités liées à la fabrication proprement dite ».

193.

POUSSOU (J.-P.), « Un grand pays industriel : la France d’autrefois », in LEVY-LEBOYER (M.), 1996, pp. 38-39.