Si la majorité des bras au service de la nébuleuse voironnaise se trouve à la campagne, le bourg comporte quelques échoppes de tisserands ou de fileuses. Ces tisserands se concentrent dans quelques rues, autour de la place d’armes, à proximité des maisons des négociants, leurs clients.
Source : ACV, 1F2, Tableau de la population agglomérée de Voiron le 16 mars 1817.
La rue Sermorens a été conçue pour être le prolongement de la rue des Quatre Chemins, où se situent les deux cabarets servant aux négociants pour traiter leurs affaires. Cette rue abrite en 1817 une dizaine de tisserands, seize fileuses et pas moins de vingt-trois blanchisseurs, logés par leur patron, Joseph Calignon . À l’époque, cette rue constitue le faubourg de la cité en expansion, avec la présence à son extrémité de la blanchisserie Calignon, alors entourée par de vastes prairies recouvertes de toiles séchant au soleil. C’est dans la rue Sermorens que les Faige-Blanc, une autre grande famille de négociants, ont établi leur siège. L’imposante demeure familiale du clan Tivollier-Perier-Lagrange la domine par son fronton et ses trois étages. La famille Géry s’installe à son tour dans cette rue sous la Restauration. Leur maison ne se remarque que par la présence d’un balcon à l’étage.
Plus à l’est, dans la vieille ville, les rues Haute, Pissechet et de la Bouverie, proches les unes des autres, rassemblent au total trente et un tisserands et autant de fileuses, illustrant l’ancienneté de cette implantation proto-industrielle. Au-delà de ces trois artères commerçantes et industrieuses, on dénombre, ça et là, un ou deux tisserands par rue. En revanche, les fileuses sont davantage dispersées et surtout plus nombreuses : la rue des Quatre Chemins en compte six, la rue neuve trois, la rue Haute quatorze, la rue de la Bouverie dix-huit, la Grande rue treize aux côtés d’une vingtaine de marchands, la rue Grenette sept… Au total, ce sont plusieurs dizaines de travailleurs au service de la Fabrique toilière tenant boutique dans un méandre de ruelles étroites 236 .
Au début du XIXe siècle, les ouvriers du textile ont en partie déserté les vieilles rues du centre-ville où ils se massaient les siècles précédents, notamment la rue de Venise où se tenait sous l’Ancien Régime le marché du chanvre et des toiles, la rue Blancherie où s’activaient les blanchisseurs de toiles rousses et la rue du Rouet, aux noms évocateurs. Seule la Grande rue demeure le cœur commercial de la ville jusqu’au milieu du XIXe siècle. C’est dans cette rue que le marché du fil de chanvre s’est installé sous la Restauration, à moins que ce ne soit sous l’Empire. L’attroupement que provoque le marché, entraîne des difficultés de circulation pour les voitures chargées de grains, tant la rue semble étroite. En 1819, la municipalité voironnaise, conduite par un négociant en toiles, Calignon, décide donc de déplacer le marché du fil pour le rétablir dans la rue du Four où il se tenait quelques années auparavant, prolongée par la rue Genevoise. Déjà, sous l’Ancien Régime, la population voironnaise avait pris l’initiative de s’établir à l’extérieur des murs d’enceinte de la cité, alors que des mesures d’embellissement de la vieille ville sont entreprises, comme le pavage des rues dans les années 1760 237 .
ACV, 1F2, Tableau aggloméré de la ville de Voiron , le 16 mars 1817.
ADI, 141M31, Extrait du registre des arrêtés du maire de Voiron le 25 juin 1819, MASSY (Y.), 1991, pp. 9-12. Sous l’Ancien Régime, les tisserands voironnais fabriquaient du linge dit « de Venise ».