1-Charles-Emmanuel Perrégaux .

Originaire du canton de Neuchâtel , en Suisse, Charles-Emmanuel Perrégaux 479 est le fils d’un médecin-chirurgien parti s’engager au service de la Prusse. Pour subvenir aux besoins de ses cinq enfants, son épouse, restée seule, s’endette. Elle n’a d’autre choix finalement que de placer ses fils en apprentissage dès qu’ils sont en âge de travailler. Charles-Emmanuel rejoint alors la fabrique du Bied en 1760, dont il ne sort que cinq ans plus tard, devenu graveur sur bois et dessinateur. Son frère puîné, Frédéric, est expédié dans les Alpes pour y apprendre l’horlogerie, tandis que le dernier des garçons s’engage à quinze ans dans un régiment au service de la Suisse. Son frère Henri s’en va quelques mois ou quelques années à Nantes, dans une manufacture d’impression, avant de rejoindre Charles-Emmanuel à Jallieu .

Fort de ses nouvelles qualifications, le jeune Charles-Emmanuel quitte momentanément la Suisse pour s’installer à Mulhouse, au service de la manufacture Dolfus. Insatisfait de sa condition, il émigre dans l’Empire des Habsbourg et se fixe quelque temps à Frydau, près de Vienne. Eternel migrant, il reprend la route d’Augsbourg où il entre au service de la fabrique d’Emmerich. Il y fait une rencontre importante pour sa formation, celle de l’imprimeur anglais Johnston. Celui-ci lui enseigne la gravure sur cuivre en taille douce. Fort de ce capital technique, il obtient rapidement une situation avantageuse. Il complète ses revenus en important de Neuchâtel des montres. Cela ne l’empêche pas en 1774 de suivre l’un des frères Haussmann, alors commis principal, pour rejoindre le reste de la fratrie Haussmann à Colmar, où tous fondent une nouvelle manufacture d’impression à la plaque de cuivre l’année suivante 480 , forts du savoir acquis à Augsbourg par Perrégaux. Disposant de compétences fort rares alors, il se laisse de nouveau débaucher six ans plus tard par l’un des principaux indienneurs suisses, Dupasquier, qui lui offre non seulement d’être intéressé aux bénéfices de la fabrication en cuivre (pour un tiers), mais aussi de revenir dans son pays natal, puisque l’établissement se trouve à Cortaillod 481 .

Grâce à ses multiples expériences – la gravure sur bois, le dessin, la gravure sur cuivre, impression sur plaque de cuivre, une forte mobilité géographique, de nombreuses relations dans la profession – il apparaît comme l’homme idéal pour la très puissante maison Pourtalès & Cie qui cherche à étendre ses installations européennes 482 . Depuis les Edits de Calonne en 1785, la France interdit les importations de toiles blanches et d’indiennes dans le royaume. Par le passé, la prohibition des indiennes n’a jamais été très efficace, puisqu’un important trafic s’est développé autour des frontières 483 . Comme chez son confrère Oberkampf, à Jouy-en-Josas, on assiste donc à l’alliance d’un technicien, embrassant des savoirs multiples, appris grâce à une importante mobilité, à des financiers 484 .

Notes
479.

Voir aussi CHASSAGNE (S.), 1991, pp. 94-95, 100.

480.

CHASSAGNE (S.), 1991, pp. 539 et sq.

481.

APJD, Mémoire ms de la famille Perrégaux, établie à Jallieu près Bourgoin en 1787, commencé en 1810 par Fritz Perrégaux , puis continué par sa fille Augusta, CASPARD (P.), 1978, p. 40.

482.

CASPARD (P.), 1978 et BERGERON (L.), 1970.

483.

FUKASAWA (K.), 1987.

484.

CHASSAGNE (S.), 1980, pp. 25-31.