Pour compenser le retrait de capitaux exercé par Tristan Legros et Fritz Perrégaux à la fin des années 1820, Debar place la dot de sa fille Elisa, soit 70.000 francs, en compte courant à La Grive et refuse de récupérer des dividendes. Il préfère assurer la solidité financière de la filature en lui garantissant des fonds abondants pour se développer.
Sa maison lyonnaise possède aussi un compte courant dans la filature, qui sert d’amortisseur en période de crise : en 1839, alors que l’établissement réalise ses pertes les plus importantes, le compte courant de la maison Debar & Morin, de Lyon, monte jusqu’à 362.000 francs, sans doute pour régler la matière première et les invendus. Au contraire, lorsque la filature gagne de l’argent, pendant les années 1840, Adrien Morin réduit fortement le montant du compte courant. Cependant, les initiatives prises par Loeber , le nouveau gérant, tardent à donner des résultats significatifs.
Les différents comptes de Debar sont : sa mise de fonds, son compte courant libre et son compte courant obligé. Ne sont compris ici ni le compte de 70.000 francs de sa fille Elisa (déposés jusqu’en 1844), ni les fonds de la maison lyonnaise Samuel Debar. Source : APYVM, Bilans ms de La Grive .
Après plusieurs années de pertes, la fabrique parvient à l’équilibre et dégage d’importants bénéfices à partir des années 1840. Entre 1834 et 1840, le déficit cumulé de la fabrique s’élève à 113.000 francs environ, avec des pertes considérables entre 1837 et 1840. À partir de 1841, les bénéfices deviennent récurrents. Entre 1841 et 1850, ils se montent en moyenne à 36.600 francs par an 610 . Cette amélioration des comptes s’explique à la fois par la réduction des coûts et par l’accroissement de la production. En 1841, la filature produit quatre-vingt-neuf mille kilogrammes de filés de coton et treize mille cinq cents pièces de calicots. En 1843, la production de filés de coton s’établit à cent vingt-cinq mille kilogrammes, dont la moitié est destinée au tissage Debar (soit quatorze mille pièces de soixante à soixante-trois mètres chacune). En 1845, cent soixante mille kilogrammes de filés de coton sortent de la filature et servent à tisser seize à dix-sept mille pièces de calicots. L’année suivante, la filature produit pour cent quatre-vingt mille kilogrammes de filés de coton, dont cent trente mille sont employés au tissage Debar, le solde étant vendu soit à Perrégaux, soit à Caffarel. Debar fabrique ainsi en 1846, dix-neuf mille cinq cents pièces de calicots. Au total, le chiffre d’affaires du seul tissage de La Grive s’élève à 600.000 francs. En cinq ans, la production de filés a doublé, tandis que celle de calicots a augmenté de 50%. En 1847, les calicots et autres étoffes de coton qui sortent du tissage Debar sont destinés soit au marché algérien (entre un tiers et 40%), soit au marché métropolitain (le solde) 611 .
À la fin de la décennie, la situation financière de la fabrique de La Grive s’améliore et laisse augurer un avenir radieux à son principal propriétaire. En changeant d’échelle et en portant un regard sur l’ensemble du foyer cotonnier local, l’optimisme doit être plus mesuré, tant la filature et le tissage Debar sont isolés dans un territoire industriel en voie de conquête par le tissage de soieries. Dans de telles conditions, les économies d’échelle externes sont bien maigres.
APYVM, Journal de Samuel Debar et Bilans ms de La Grive .
ACB, 1.824.1, Statistique industrielle en 1843, Rapport sur l’industrie et le commerce dans la ville de Bourgoin en 1845, Lettre ms et statistique dressée par Loeber pour le maire de Bourgoin le 1er juillet 1846, Statistique industrielle, sd [1847].