III-La « ruralisation » de la Fabrique lyonnaise de soieries.

Loin d’être désorganisée et peu efficiente, la proto-industrialisation révèle une dynamique interne qui donne naissance à des territoires spécialisés et complémentaires. Dès le XVIe siècle, les Lyonnais ont recours à des territoires satellites pour organiser la production de soieries, surtout pour le moulinage et l’ourdissage, confiés tantôt à la région de Saint-Chamond, tantôt à celle de Nantua, Genève, Annecy ou Macon 765 .

Les Lyonnais font le choix de l’essaimage et du métier à bras, alors que leurs concurrents anglais de Macclesfield et de Spitalfield font le pari inverse avec la concentration et la mécanisation du tissage. Pourtant, les premiers, tournés vers des méthodes éprouvées dans le passé, ont traversé le siècle avec succès tandis que les seconds, malgré des semblants de modernité, n’ont pas résisté et l’industrie soyeuse anglaise achève le siècle moribonde 766 . Dès le début du XIXe siècle, les fabricants lyonnais de soieries choisissent de dilater leur territoire de production au-delà du cadre urbain, comme jadis les fabricants de draps de Sedan 767 .

Pourquoi les fabricants ont-ils choisi massivement le travail à domicile à la campagne, plutôt que le travail concentré en fabrique ? Pourquoi privilégier le traditionnel métier à bras au détriment du métier mécanique ? Alors que l’industrie cotonnière est déjà largement concentrée dans des fabriques, plus ou moins mécanisées, les fabricants lyonnais ne tentent l’expérience que tardivement. Hormis le cas de la Sauvagère, les premiers établissements tissant la soie ne sont édifiés qu’à partir des années 1820, et encore ce sont des cas isolés. Archaïsme contre modernité ? Tradition contre efficacité, à l’heure où l’Angleterre et l’Alsace adoptaient le factory system ?

Notes
765.

ZELLER (O.), 1996, p. 384, en Italie septentrionale, cette spécialisation semble également s’engager, dès la période napoléonienne d’après DEWERPE (A.), 1985, p. 51.

766.

COTTEREAU (A.), 1997, pp. 76-77.

767.

GAYOT (G.), 1998, pp. 143-153 en particulier.