Le retour de la grande propriété aristocratique.

La noblesse du XIXe siècle reconstruit son autorité et son prestige sur la société française grâce à la possession de vastes domaines 1194 . Pour les ultraroyalistes, sous la Restauration, la grande propriété foncière est un élément consubstantiel de la noblesse : elle favorise la stabilité de la société, le maintien de l’autorité des institutions traditionnelles et de l’ordre social. Elle assure également des revenus indispensables à la noblesse 1195 . La propriété foncière lui garantit aussi sont indépendance économique, surtout après 1830, et lui assure aussi son enracinement dans le terroir, tout en maintenant le souvenir des ancêtres.

Certes, dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, les grandes familles de la noblesse dauphinoise participent au remembrement de la propriété foncière en Bas-Dauphiné, soit par des achats, comme le marquis de Langon, ou surtout par des ventes à des roturiers 1196 . En Bas-Dauphiné, à la veille de la Révolution, la propriété aristocratique représente au moins 45% du sol 1197 . À la veille de la Révolution, la propriété ecclésiastique est plutôt rare en Bas-Dauphiné : pour le seul district de La Tour-du-Pin , elle représente moins de 3% de sa superficie, soit à peine trois mille deux cents hectares, un quart appartenant aux seuls R.P. Chartreux. Cela s’explique par la rareté des établissements religieux, à peine une dizaine dans ce district 1198 .

Cependant, la Révolution et la vente des Biens nationaux ont considérablement amoindri le patrimoine foncier de la noblesse dauphinoise. Ainsi, avant les événements de l’été 1789, le président Pierre-Marie de Vaulx possédait près de sept cent soixante-dix hectares à Roche et à Vaulx-Milieu. Haï, il voit son château ravagé par les masses paysannes qui traversent les Bas-Dauphiné à la fin du mois de juillet 1789 1199 . Sa fortune immobilière ne résiste pas aux affres de la Révolution.

Malgré la Révolution, subsiste néanmoins la grande propriété aristocratique, vestige de l’Ancien Régime 1200  : Arthur Berger de la Villardière à La Frette (cent treize hectares), M. de Saint-Romans dans la commune éponyme (trois cent vingt-cinq hectares), le duc de Clermont-Tonnerre dans le canton de Roybon (mille cinq cent quarante-trois hectares), Alexandre de Mortillet à Renage (cent un hectares), Louis Chabert d’Hières à Chatte (cent vingt-sept hectares), le comte de Menon à Saint-Savin (deux cent quatre-vingt-quatorze hectares), le marquis Corbeau de Vaulserre à Saint-Albin (trois cent cinq hectares), le comte de Meffray à Chèzeneuve et Maubec (trois cent soixante et onze hectares) sans compter les domaines dont il a hérité à Vourey 1201 , Alfred Constantin de Chanay à Saint-Nicolas-de-Macherin (cent soixante-huit hectares)… D’ailleurs, plus de la moitié des trente plus imposés du département dans les dernières années de l’Empire, sont de grands propriétaires fonciers en Bas-Dauphiné 1202 .

Jean-François Rigaud de Sérézin reconstitue sa fortune foncière rapidement, mais apporte des modifications importantes à la localisation de ses investissements. Il délaisse partiellement la région viennoise, terre de ses ancêtres, au profit d’une réorientation en direction des Terres Froides. Il acquiert notamment le château de Montcarra et de vastes domaines à Saint-Chef , entre Bourgoin et La Tour-du-Pin , estimés en 1840 à 265.000 francs environ, tandis que ses biens à Saint-Quentin et Bonnefamille dépassent les 314.000 francs. Enfin, il possède 78.140 francs de terres au Grand-Lemps , à Châbons , Burcin et Colombe, dans le canton du Grand-Lemps 1203 . La grande propriété aristocratique touche de façon inégale le Bas-Dauphiné : elle est ainsi quasiment absente de la plaine de Bièvre et des alentours 1204 , à l’exception notable du domaine d’Arthur Berger de la Villardière, à La Frette . Les sols caillouteux n’ont en effet réussi à attirer que les paysans défricheurs du XVIIIe siècle, à la recherche de terres. D’ailleurs, cette commune rassemble cinq cent soixante-dix petits propriétaires qui possèdent plus de moitié du terroir. Certes, il en découle pour cette masse une existence misérable, mais jalouse de son indépendance. Comme à La Frette, la partie centrale du Bas-Dauphiné est largement dépourvue de propriétés aristocratiques 1205 . Non loin de là, à Saint-Hilaire-de-la-Côte , en 1834, les deux tiers des propriétaires de la commune possèdent moins d’un hectare, soit au total un quart de la surface totale. Six cent un propriétaires sur les six cent cinquante-neuf dénombrés, disposent d’une propriété inférieure à cinq hectares, ce qui représente en fin de compte la moitié de la superficie de la commune. Comme à La Frette, on retrouve un village composé surtout de petits travailleurs de la terre. À l’opposé, la propriété du principal possesseur du village, un noble, n’excède pas les quarante-six hectares 1206 . La grande propriété aristocratique se retrouve surtout dans le canton de Crémieu, Morestel , La Tour-du-Pin et Virieu. Pour le seul canton de Crémieu, la valeur des propriétés des nobles et assimilés dépasse le million de francs sous le règne de Charles X 1207 .

Tableau 17-La persistance de la propriété aristocratique en Bas-Dauphiné sous la Monarchie de Juillet.
Nom Domicile Contribution foncière en 1841
(en francs)
Principales propriétés
Louis-Achille de Meffray Vourey 8.630 Moirans, Maubec, Voiron, Châtonnay, Vourey
Famille Pourroy de Quinsonnas Crémieu 8.601 Crémieu, La Balme, Morestel
Famille Flocard de Mépieu Sermérieu 5.314 Saint-Chef, Morestel, Sermérieu, Arandon
Charles du Vivier Saint-Jean-de-Soudain 4.731 La Tour-du-Pin, Cessieu, Saint-Chef
Joseph-Louis-Auguste de Menon Saint-Savin 4.583 Roybon, Jallieu, Saint-Chef, Saint-Savin
Famille de Saint-Romans Saint-Romans 3.952 Saint-Romans, Pont-en-Royans
Louis-Camille de Bectoz de Vaubonné Anjou 3.722 Anjou, Chirens
Hector d’Algout Voreppe 3.679 Les Avenières, Moirans, Voreppe
Charles-Scipion de Vallier Bouvesse 3.632 Arandon, Saint-Geoire
Famille Corbeau de Vaulserre Saint-Albin-de-Vaulserre 3.174 Pont-de-Beauvoisin, Saint-Geoire, Saint-Albin
Joseph-César du Colombier Saint-Didier-de-la-Tour 2.997 La Tour-du-Pin, Cessieu
Henri de Vallier de By Voreppe 2.647 Voreppe, Chélieu, Moirans, Cessieu, Dolomieu
Gustave-Adolphe de Monts La Côte-Saint-André 2.582 La Côte-Saint-André, Champier
Gabriel de Virieu Virieu 2.524 Virieu, Chélieu, Bizonnes
Othon de Moidière Bonnefamille 2.328 La Verpillière, Champier, Saint-Laurent-de-Mure
Famille de La Motte Moirans 2.326 Moirans
Pierre-Hippolyte de Montauban La Verpillière 2.246 La Verpillière
Joseph-Eugène Rivoire de la Batie Les Eparres 2.197 Les Eparres, Maubec, Jallieu
Famille Barge de Certeau Passins 2.124 Morestel, Dolomieu, Saint-Chef
Vincent-Léon Chabert d’Hières Chatte 2.033 Chatte, Saint-Marcellin, Saint-Romans
Antoine-Léonard de Vallin Saint-Victor 2.021 Cessieu
Amédée de Barral Voiron 1.934 Voiron, Entre-deux-Guiers
Alexandre de Mortillet Renage 1.808 Rives
Baron Quiot Passage 1.712 Chélieu, La Tour-du-Pin
Louis-Arnaud de Michallon Roche 1.692 La Verpillière, Saint-Georges
François-Charles de Monclat Dolomieu 1.659 Dolomieu
Jacques-Pierre de Chaléon L’Albenc 1.625 L’Albenc
Euvrard de Courtenay Optevoz 1.617 Trept
Jean-Laurent Reynaud de Bellescize Satolas 1.546 Sain-Laurent-de-Mure, Satolas
Arthur Berger de la Villardière La Frette 1.478 Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs
Famille de Drujon de Beaulieu La Balme/ Saint-Romain 1.469 Crémieu, La Balme
Joseph de Neyrieu Domarin 1.404 Maubec, Bourgoin
Balthazard-François-Amédée de Pina Chevrières 1.389 Chatte
Jules Driez de la Forte Bouvesse 1.363 Bouvesse, Arandon
Alphonse Garempel de Bressieux Tullins 1.297 Tullins, Vinay, L’Albenc
Alexandre de Longpra La Buisse 1.240 Voiron, Voreppe, Chirens, Moirans
Pierre-Emilien Pascalis de Longpra Saint-Geoire 1.214 Saint-Geoire, Virieu, Chirens
Alfred Constantin de Chanay St-Nicolas-de-Macherin 926 Saint-Nicolas-de-Macherin
Pamphile de Rosière Bourgoin 824 Bourgoin, Jallieu
Jean-François de la Poype Trept 787 Trept

Source : ADI, 4M21, Liste générale des jurys pour l’année 1841.

Les listes électorales de la monarchie censitaire permettent de reconstituer partiellement les hiérarchies sociales, selon différents critères de fortune 1208 . La contribution foncière est un indicateur imparfait de l’état de la propriété foncière, puisqu’elle ne repose pas uniquement sur la superficie. En Bas-Dauphiné, l’emprise nobiliaire sur le sol est moins forte que dans l’Ouest de la France, d’autant que la petite propriété y est particulièrement dynamique. En 1841, les propriétaires nobles (ou assimilés) fournissent environ 10% de la contribution foncière de l’arrondissement de La Tour-du-Pin 1209 . C’est peu, mais dans une contrée où domine la petite propriété, une telle survivance du passé finit par se remarquer. Comme pour le département de la Manche ou en Dordogne, la grande propriété aristocratique contrôle sans doute moins de 10% de terres, mais les nobles paient les contributions foncières les plus élevées 1210 . La noblesse du Bas-Dauphiné n’occupe donc pas une position dominante, mais cette grande propriété aristocratique exceptionnelle n’en est alors que plus visible aux yeux des contemporains. À la même époque, les nobles français déclarent en moyenne une taxe foncière de 2.050 francs, ce qui place ainsi les nobles du Bas-Dauphiné parmi les plus riches et les mieux lotis si l’on examine le tableau ci-dessus 1211 . D’ailleurs, ils parviennent à conserver de solides positions au moins jusqu’à la fin de la monarchie censitaire : en effet, les nobles du Bas-Dauphiné « en fin de race » lèguent le plus souvent leurs biens à des parents eux-mêmes nobles qui préservent l’intégrité des domaines.

Le marquis Corbeau de Vaulserre conserve entre ses mains une propriété de trois cent cinq hectares à Saint-Albin-de-Vaulserre et Saint-Jean-d’Avelanne. Les Flocard de Mépieu ou les Pourroy de l’Auberivière de Quinsonnas figurent également parmi les grands propriétaires fonciers de l’arrondissement 1212 . Marquée politiquement par les événements révolutionnaires, la noblesse dauphinoise adopte néanmoins une attitude moins rétrograde dans l’exploitation de ses domaines. Alors qu’ils embellissent leurs châteaux et autres nobles demeures, comtes et marquis du Bas-Dauphiné s’engagent également dans la réorganisation de leurs biens fonciers, selon des techniques éprouvées par quelques grands agronomes et autres spécialistes de la question rurale de l’époque 1213 . Meffray de Césarges passe ainsi pour un propriétaire foncier éclairé, adoptant sur ses terres les techniques agricoles les plus modernes. Rivoire de la Batie, ancien maire des Eparres et gros propriétaire terrien dans les villages environnants, se lance sous la Monarchie de Juillet dans l’industrie sucrière, avec l’exploitation d’une raffinerie à Sérézin (Nivolas ). Le plus souvent, les propriétaires nobles transforment une grande partie de leur ancienne réserve seigneuriale en fermes, conservant pour leur usage personnel, le château et quelques hectares de terres autour de celui-ci. Lorsque le dernier des Pascalis de Longpra s’éteint en 1844 en son château de Saint-Geoire , il laisse à sa cousine, Eugénie du Colombier, un domaine de deux cent vingt et un hectares, évalué alors à 190.000 francs, dont seulement 14.000 francs pour sa noble demeure, sous-estimée par le déclarant. Ses terres sont divisées en huit fermes, toutes situées à Saint-Geoire 1214 .

Charles-Antoine d’Auberjon de Murinais (1804-1872), proche du mouvement légitimiste, débute sa carrière sous le règne de Charles X comme attaché à la Cour de Florence, en Toscane. À son décès en 1872, il laisse une fortune gigantesque de plus de 2.800.000 francs à sa sœur. Il est alors l’un des plus importants, si ce n’est le premier, propriétaire foncier du Bas-Dauphiné. Il possède plus de quatre cent six hectares de terres autour de son château de Marlieu, sur les communes de Montagnieu, Sainte-Blandine , Saint-Didier, Torchefelon, Cessieu , soit un revenu de 31.556 francs, en majorité affermés sous deux formes : soit des amodiations en bloc avec des fermes (environ une dizaine) de trente à soixante hectares, rapportant au moins deux mille francs chacune de revenu annuel, soit des amodiations parcellaires avec des prés ou des bois de quelques ares pour un loyer annuel de quelques dizaines ou centaines de francs. À Sainte-Blandine et Montagnieu, près du château de Marlieu, seulement une cinquantaine d’hectares, soit 12à 15% de ses terres dans le canton, ne sont pas affermées. Autour de sa résidence principale, le château de Murinais, près de Saint-Marcellin , ses biens fonciers s’élèvent à trois cent quarante-sept hectares, dont une cinquantaine d’hectares affermés seulement, lui assurant un revenu de 21.795 francs supplémentaires. Dans la mutation par décès, les deux cent quatre-vingt-dix-huit hectares non affermés, dont le château, sont qualifiés de « réserve » par le déclarant, comme sous l’Ancien Régime, ce qui fournit une indication sur le mode de gestion et sur la conception du domaine foncier dans la noblesse du Bas-Dauphiné. On retrouve la même expression de « réserve » dans la mutation par décès de sa mère, à propos des biens et domaines qu’elle laisse dans le bureau de Crémieu, à Chozeau, Panossas, Vénérieu, Saint-Hilaire-de-Brens… En revanche, rien ne permet d’affirmer que Charles de Murinais impose encore à ses tenanciers le paiement de redevances en nature et exerce un droit de chasse et de pêche sur ses terres. Enfin, ses terres de Doissin, Chélieu, Montrevel, Panissage et du Passage lui procure encore 19.907 francs de revenus 1215 . La concentration des terres en quelques grandes fermes pousse les tenanciers à recourir à une importante masse de salariés agricoles, maintenus ainsi indirectement sous la coupe des hobereaux du cru, renforçant ainsi le clientélisme nobiliaire.

Dans l’arrondissement de Vienne, l’emprise nobiliaire, quoique réelle, se fait beaucoup moins sentir 1216 . Des membres de la noblesse grenobloise conservent également des biens dans le Bas-Dauphiné, comme une branche de la famille Planelli de Lavalette qui, depuis leur château de Varces, gèrent leurs terres de Morestel , des Avenières , de Virieu et de Chélieu. De même, les Sibeud de Saint-Férréol, qui habitent à partir de 1821 dans leur château d’Uriage, ont reçu par héritage de vastes propriétés à Chélieu et Virieu, dont le château des Prunier de Saint-André 1217 . Les grands propriétaires nobles font jalousement respecter leurs droits sur leurs biens, comme l’atteste l’affaire Simon dit Richard. Ce dernier, un modeste paysan de Chèzeneuve , près de Bourgoin , abat l’un des gardes au service de la puissante famille de Meffray de Césarges, alors qu’il coupe du bois dans les forêts du comte de Meffray 1218 . À l’époque, Louis-Achille de Meffray 1219 est à la tête d’un vaste domaine de plus de trois cents hectares à Maubec et Chèzeneuve 1220 . L’existence de cette grande propriété nobiliaire ainsi que la disparition des biens communaux et des droits de vaines pâtures, favorisent les délits ruraux et forestiers. Dans l’arrondissement de La Tour-du-Pin , ils représentent le quart des crimes et délits constatés, avec de nombreux vols et actes de braconnage 1221 .

La période qui s’ouvre en 1830 est plus difficile pour la paysannerie car la noblesse, retirée de la vie politique, se retire sur ses terres. Stendhal le constate d’ailleurs en 1837 :

‘« maintenant [la noblesse] vit à la campagne, ne mange que les deux tiers de son revenu et améliore ses terres. Outre les fermes, chaque propriétaire a une réserve de 150 arpents qu’il fait valoir, beaucoup achètent tout ce qui est à vendre autour d’eux, et dans dix ans ces messieurs auront refait des terres magnifiques » 1222 . ’

Ainsi, Alfred Constantin de Chanay , propriétaire du château de Hautefort, à Saint-Nicolas-de-Macherin , accapare le marché foncier local sous la monarchie constitutionnelle, grâce au crédit hypothécaire.

Au cœur des Terres Froides, les Nodler, une riche famille installée à Paris, possèdent de vastes parcelles de terres et de marais. Elle dispose en effet d’une concession pour assécher les marais de Bourgoin . Au milieu du XIXe siècle, ses biens fonciers sont évalués à au moins 640.000 francs, répartis sur les cantons de Crémieu et surtout autour de Bourgoin. La médiocrité des revenus générés à l’hectare par les marais suppose alors la possession de vastes étendues marécageuses 1223 . Joseph-Sébastien Marion, magistrat de carrière, a acquis le château de Faverges au début du XIXe siècle et se comporte en grand propriétaire, avec un domaine évalué à 164.000 francs et une fortune mobilière de 303.000 francs 1224 . Cette assise financière et foncière permet, à lui et à ses héritiers, d’obtenir une position de notables locaux et d’entamer des carrières politiques.

Dans les dernières années de la Restauration et sous la Monarchie de Juillet, des « bandes noires » s’emparent de plusieurs domaines aristocratiques pour les revendre morcelés, amenuisant sensiblement la présence des vieilles familles nobles dans les campagnes du Bas-Dauphiné, comme les mille cinq cents hectares du duc de Clermont-Tonnerre dans le Chambaran, dispersés entre 1836 et 1842. Elles profitent du train de vie fastueux de quelques héritiers pour rafler à vils prix les terres familiales ou de la disparition de quelques grands noms de la noblesse, décédés sans descendance, et dont les divers héritiers se partagent les propriétés. Ainsi, la gigantesque fortune foncière de Marc-Antoine Berger de Moydieu, estimée à près de deux millions de francs (soit deux mille six cents hectares) à son décès en 1820, est disloquée entre ses parents, les Léotaud d’Artaud de Montauban, dont la dernière représentante décède en 1841, et l’Hospice de Grenoble 1225 . Les Argoud, propriétaires depuis 1755 du château de Veyssillieu, s’en séparent en 1828. Les Flocard de Mépieu, leurs voisins, vendent leur domaine en 1864 1226 . Mais contrairement à l’image largement répandue, les domaines nobiliaires disloqués de la sorte ne forment qu’une minorité comme l’atteste la liste électorale de 1841, sur laquelle figure le montant payé par chaque électeur censitaire pour les « quatre vieilles ». Les nobles appartiennent au cercle restreint des plus gros contributeurs fonciers du Bas-Dauphiné. Selon Jonas, la grande propriété se disloque surtout après 1860 et l’arrivée de grains étrangers en France 1227 .

Depuis la Révolution, les paysans ne cessent de grignoter les grands domaines à leur profit. La noblesse ne représente donc plus une menace de ce point de vue.

Notes
1194.

DAUMARD (A.), 1988, p. 84.

1195.

WARESQUIEL (E. de), 2006, pp. 213-219.

1196.

TURC (S.), 2005, vol. 1, pp. 218-221.

1197.

NICOLAS (J.), 1989, p. 12.

1198.

JULLIEN (P.), sd [1974], pp. 27 et 34-35.

1199.

CHAGNY (R.), 2001.

1200.

GIBSON (R.), 1981.

1201.

D’après VIGIER Philippe, 1963b. Pour une synthèse, voir aussi BARRAL (P.), « Le Dauphiné des notables (1790-1870) », in BLIGNY (B.), 1973, pp. 351-353.

1202.

Voir la liste des trente plus imposés en annexe de TURC (S.), 2005, vol. 2, pp. 1030-1031.

1203.

3Q4/924, Table des décès et successions, 3Q10/332, Table des décès et successions, et 3Q35/207, Mutation par décès de Jean-François Rigaud de Sérézin du 2 décembre 1840.

1204.

A savoir les cantons de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs , une partie du canton de Rives

1205.

VIGIER (P.), 1963b, pp. 69-72 et BERNARD (P.), 1952.

1206.

CHORIER (B.), 1966.

1207.

3Q7/423, Table des décès et successions, nous avons relevé entre 1825 et 1829, sept successions déclarées pour des nobles représentent une valeur immobilière cumulée de 1.039.420 francs.

1208.

TUDESQ (A.-J.), 1958, POUTHAS (C.-H.), 1961, KENT (S), 1971.

1209.

Charles-Antoine de Murinais, pourtant l’un des plus gros propriétaires, figure dans la liste que pour 446 francs seulement.

1210.

GIBSON (R.), 1981, GUILLEMIN (A.), 1985. En Franche-Comté, selon BRELOT (C.-I.), 1992, vol. 1, p. 227, les nobles possèdent 8% de la superficie. Dans le Calvados et le Pas-de-Calais, la propriété nobiliaire accapare environ 16 à 17% de la superficie, contre plus de 22% dans le Loir-et-Cher.

1211.

HIGGS (D.), 1990, p. 103. Dans le département de la Manche, 28 propriétaires nobles paient une contribution foncière supérieure à deux mille francs en 1831, soit un niveau proche de celui de l’Isère. Voir GUILLEMIN (A.), 1976.

1212.

TURC (S.), 2005, p. 775.

1213.

Voir à ce sujet, POSTEL-VINAY (G.), 1988, pp. 200-201.

1214.

ADI, 3Q25/199, Mutation par décès de Pierre-Louis-Emilien Pascalis de Longpra, décédé le 4 mai 1844.

1215.

ADI, 3Q32/495, Table des décès et mutations pour Charles Auberjon de Murinais , 3Q32/317, Mutation par décès du 10 juillet 1872, 3Q29/802, Table des décès et des mutations, 3Q29/662, Mutation par décès du même jour, 3Q40/350, Table des décès et mutations. 3Q7/289, Mutation de Rosalie-Louise de Loras le 14 juillet 1857. Voir en guise de comparaison le cas de la famille Vaulchier du Deschaux étudié par BRELOT (C.-I.), 1988.

1216.

VIGIER (P.), 1963b, pp. 94-100 et 104

1217.

TURC (S.), 2005, vol. 2, pp. 713, 727.

1218.

ADI, 4U71, Cour d’Assises de Grenoble, dossier de Louis Simon dit Richard (crime du 12 octobre 1816).

1219.

PINAUD (P.-F.), 1990,

1220.

ADI, serie U.

1221.

THORAL (M.-C.), 2004, pp. 718-719.

1222.

STENDHAL, Mémoires d’un touriste, 19 avril 1837, cité par SOBOUL (A.), 1976, pp. 298-299.

1223.

ADI, 3Q4/926, et 3Q7/424, Tables des décès et successions, Décès de Clémentine-Jeanne-Joséphine Lapierre-Sillans, épouse Nodler, décédée pendant l’été 1848.

1224.

3Q32/490, Table des décès et successions.

1225.

TURC (S.), 2005, vol. 2, pp. 770-772.

1226.

Histoire des communes, 1987, pp. 211 et 290.

1227.

JONAS (R. A.), 1994, p. 17.