Ces quelques lignes, écrites par un façonnier membre du Syndicat du Tissage Mécanique, à la fin des années 1880, reflètent l’état d’esprit qui règne dans les usines de soieries de la région lyonnaise. Les façonniers, tacitement, reconnaissent la supériorité des fabricants de soieries pour commander et superviser l’ensemble de l’activité. Or, il s’agit au mieux d’un arrangement, puisque le façonnier est propriétaire de son affaire. Par conséquent, il est théoriquement indépendant du fabricant de soieries 1764 . En devenant façonniers, Florentin Poncet , Claude-Antoine Chapuis et les autres acceptent intentionnellement la supériorité hiérarchique des fabricants de soieries 1765 .
Pour mieux comprendre la place occupée par les façonniers dans l’organisation économique de la région lyonnaise, il est nécessaire d’avoir une vision plus large, et par conséquent d’étudier également, sur le même plan – ou presque – les fabricants de soieries, domiciliés à Lyon. En étudiant ces deux groupes, il s’agit d’avoir une perspective d’ensemble du milieu patronal régional pour mieux comprendre l’organisation socio-économique de l’industrie textile lyonnaise 1766 . Façonniers et fabricants n’appartiennent pas au même monde. Incontestablement, ces derniers, par leur fortune, par leur position sociale et leur style de vie, peuvent être classés parmi les « classes supérieures » de la bourgeoisie, ou mieux, des classes dirigeantes, où gravitent les grands hommes d’affaires. Comme le souligne Youssef Cassis, le terme d’élite convient davantage « pour désigner les groupes socioprofessionnels qui sont au sommet de la hiérarchie sociale », puisqu’il indique « une position de pouvoir au sein de leurs champs respectifs ». Indéniablement, les fabricants lyonnais intègrent les trois caractéristiques pour y figurer, c’est-à-dire « pouvoir économique, prestige social, influence politique », même s’ils se situent à un niveau moindre que celui des grands financiers et banquiers parisiens, ou des grands usiniers du Nord par exemple 1767 .
LAGRANGE (J.), 1888, p. 36.
Voir les analyses de MENARD (C.), 1997.
Voir MENARD (C.), 2004.
CHARLE (C.), 1978, pp. 83-84.
CASSIS (Y.), 1996 et STOSKOPF (N.), 2002.