En l’an XIII est fondée la Condition des Soies de Lyon, rattachée à la Chambre de Commerce de la ville 1954 .
Une première tentative de « Réunion des fabricants », avec une centaine de maisons, voit le jour en 1825 afin de lutter contre le piquage d’once et d’éviter la fuite vers l’étranger des ouvriers et des techniciens lyonnais, mais l’expérience fait long feu, car la Réunion est interdite deux ans plus tard. Dès les dernières années du Second Empire, les fabricants lyonnais ont compris que pour faire prévaloir leurs intérêts auprès de leurs différents interlocuteurs – Etat, façonniers, ouvriers – ils ont besoin de rassembler leurs forces au sein d’organisations puissantes et unies. Le front commun qu’ils offrent alors, constitue un atout indéniable pour contrôler l’ensemble de la filière 1955 . En octobre 1846, une Association lyonnaise pour le libre-échange voit le jour, avec l’autorisation du gouvernement, à l’initiative de Brosset et Arlès-Dufour, mais elle ne rassemble que dix-neuf membres 1956 .
À partir du Second Empire, la Fabrique lyonnaise s’affiche ouvertement comme libre-échangiste, pendant près d’un demi-siècle, après une longue période de maturation et de réflexion sous la Monarchie de Juillet. Les fabricants se proclament d’autant plus favorables au libre-échange qu’ils s’estiment en position de force sur le marché mondial des soieries, du point de vue esthétique, technique, financier… L’ouverture des frontières douanières leur permet alors de conquérir les deux marchés les plus importants, les Etats-Unis et l’Angleterre, et de s’approvisionner facilement en soies italiennes et asiatiques. Sous l’égide d’Arlès-Dufour et de la Chambre de Commerce de Lyon, la Fabrique défend alors majoritairement le libéralisme économique 1957 . Dépassant les traditionnels réseaux confessionnels, les milieux d’affaires de la Fabrique n’hésitent pas à unir leurs efforts pour assurer l’essor de leurs entreprises et de la place lyonnaise. Ainsi, ils forment un groupe de pression colonial particulièrement actif autour d’Ulysse Pila 1958 .
L’Association de la Fabrique Lyonnaise est fondée en 1868 afin de constituer un groupe de pression au service des fabricants, mais aussi pour fournir une assistance professionnelle à ceux-ci, par exemple à travers la collecte de renseignements soigneusement classés sur des fiches 1959 où figurent des éléments sur la clientèle de la Fabrique. Réduire l’asymétrie d’information devient une obsession pour les fabricants à partir des années 1860 : fonctionnant sur un modèle déconcentré, peut-être avantageux économiquement et financièrement, les fabricants ont besoin de compenser l’absence d’information liée à une excessive sous-traitance (achat des matières premières, moulinage, tissage, vente). Leur solidité financière dépend de leur connaissance et de leur maîtrise des marchés, donc de la solvabilité de leurs clients 1960 . Une fois de plus, le célèbre adage, « l’union fait la force », est plus que jamais l’arme des fabricants lyonnais, dont on dénonce pourtant régulièrement l’égoïsme et l’individualisme acharné. Cette nouvelle chambre syndicale dispose aussi d’un service de contentieux et propose ses bons offices pour des médiations en cas de litiges ou de faillites pour « éviter les frais judiciaires » 1961 . Parmi les cent quatre-vingt-deux membres adhérents à la fin de 1868, on retrouve toutes les principales maisons de la place, sous l’égide des plus éminentes maisons : Brosset-Heckel , Servier , Landru, Gourd , Bardon , Pariset, Algoud , Sévène 1962 , Schulz 1963 , Brunet-Lecomte, Montessuy , Trapadoux … Autant d’individus gravitant à la fois dans la sphère d’influence de la Chambre de Commerce, que dans les réseaux protestants et catholiques. Un groupe de pression telle que l’Association de la Soierie lyonnaise a les moyens de ses ambitions et de ses opinions. Ainsi, pour obtenir une augmentation des droits de douanes sur l’entrée des soieries suisses en France, en 1906, ses membres auraient dépensé cent mille francs en lobbying 1964 . En 1870, est constituée une seconde chambre syndicale, l’Union des Marchands de soie de Lyon.
La scission de l’Association de la Fabrique lyonnaise en 1892 en deux syndicats patronaux rivaux, l’un partisan du libre-échange, et le second, l’Association de la Soierie lyonnaise, protectionniste, crée une rupture au sein de la profession et de solides inimitiés, par exemple entre le libéral Auguste Isaac et le protectionniste André Martin, patron de la firme J.B. Martin. Cependant, cette fracture n’est que de façade et ne brise nullement la cohésion du groupe des fabricants. Le même Isaac consent sans problème au mariage de ses fils Humbert et Daniel avec Marie-Louise et Germaine Tresca , les filles de Pierre Tresca, l’un des fabricants de soieries favorables au protectionnisme et ancien président de l’Association de la Soierie lyonnaise 1965 .
CAYEZ (P.), 1978, pp. 101-102.
VERNUS (P.), 2002 et 2004b et CAYEZ (P.), 1978, p. 168.
CANTON-DEBAT (J.), 2000, p. 585.
VERNUS (P.), 2004a.
KLEIN (J.-F.), 2004 et 2006.
VERNUS (P.), 2002.
Rapport annuel de l’Association de la Fabrique Lyonnaise, année 1868, Lyon, imp. Stork, 1869, p.2.
Rapport annuel de l’Association de la Fabrique Lyonnaise, année 1868, Lyon, imp. Stork, 1869, p.4.
Fabricant de soieries, de confession protestante, Julien-Auguste Sévène est né à Rouen le 12 mars 1827, fils d’un « commerçant ». Il épouse en 1849 Suzanne-Emilie Sévène, richement dotée (187.000 francs environ), alors que lui-même possède un quart d’une filature dans la région rouennaise. Sévène fonde sa maison de soieries en 1838, sous la raison sociale Sévène, Barral & Cie. Il participe successivement au Conseil des Prud’hommes (1862-1869), à la Chambre de Commerce, d’abord comme trésorier (à partir de 1875) puis comme Président, succédant à un autre protestant, le banquier Galline, son mentor. À partir de janvier 1872, il est également administrateur de la Banque de France à Lyon, du Magasin Général des Soies, de la Société Lyonnaise et de la Société des Eaux d’Evian. D’abord chevalier de la Légion d’Honneur en 1876, il devient Officier douze ans plus tard. Il décède le 31 octobre 1893 en laissant à ses trois filles une succession d’au moins 1.595.535 francs.
Fabricant de soieries de confession protestante, né à Hanau, en Hesse Electorale, le 8 novembre 1817, Emile-Théodore Schulz est le fils de Daniel, « conseiller et négociant » de sa ville natale. Il s’associe sous le Second Empire avec Michel Béraud pour diriger une maison réputée pour ses soieries imprimées de luxe. Il épouse en 1849 Antoinette-Catherine-Adèle Koch, la fille d’un brasseur lyonnais : les biens de Schulz sont alors estimés à plus de 135.000 francs. Naturalisé français en octobre 1854, sans doute dans l’espoir de recevoir une récompense à l’Exposition universelle de Paris, l’année suivante, il ne reçoit finalement la Légion d’honneur qu’en 1874. Il fait un passage rapide à la Chambre de Commerce de Lyon. Il préfère siéger au Consistoire de l’Eglise réformée de Lyon. Il a été également vice-président du conseil d’administration de l’Ecole Supérieure de Commerce. Schulz se retire des affaires au printemps 1880, en laissant sa maison, E. Schulz & Cie au capital d’un million de francs, à ses fils. Il décède le 13 mai 1904 en laissant à ses trois enfants une succession évaluée à 2.114.445 francs nets, dont plus d’un million de francs en valeurs ferroviaires françaises.
Estimation donnée par un des adversaires de l’Association de la Soierie lyonnaise, ISAAC (A.), 2002, p. 40.
Voir ISAAC (A.), 2002.