Pendant longtemps, Henry Brunet-Lecomte contourne le principe du rabais imposé par les fabricants lyonnais : il semble refuser toute discussion, et toute négociation sur le sujet. Il accorde systématiquement à tous ses clients, sur toutes leurs factures, un rabais de cinq pour cent sur le montant total à régler en contrepartie d’éventuelles malfaçons, qu’elles soient réelles ou non. Cela lui évite toutes sortes de tractations désagréables avec les fabricants et ceux-ci n’ont alors que peu de prise sur lui. Pourtant, à partir du milieu des années 1870, les dirigeants de la manufacture Brunet-Lecomte (faut-il y voir l’influence du fils, Michel Brunet-Lecomte , de plus en plus présent ?) modifient leur politique commerciale et industrielle en la matière. Désormais, ils demandent à leurs clients de justifier les rabais concédés en fournissant un relevé mensuel des réclamations pour taches, déchirures, erreurs de couleurs et autres malfaçons faites dans les ateliers d’impression. Ces relevés sont confrontés aux étoffes tarées : la maison Brunet-Lecomte refuse d’accorder des rabais pour des défauts venant de ses auxiliaires, grilleurs, teinturiers… 2484 :
‘« Ainsi que je vous l’ai dit verbalement, Messieurs, je suis convaincu que les rabais que j’ai subis, ne sont pas pour vous une source de bénéfices, et qu’ils ne sont que la juste compensation du préjudice que vous avez éprouvé ; mais ils n’en constituent pas moins pour moi, une lourde charge que je dois chercher à diminuer par tous les moyens possibles. Et comme moyen, je n’en aperçois qu’un : celui de montrer aux ouvriers la preuve de leur manque de soins, afin d’appuyer mes observations et mes remontrances par la présentation des foulards tarés » 2485 . ’Il ne s’agit pas de simples propos pour justifier auprès du fabricant la nouvelle politique de la maison. En février 1878, un avis est affiché dans les ateliers de la manufacture menaçant de retenue sur le salaire, les ouvriers peu soigneux dans leur travail 2486 . En comprimant le montant des rabais, les Brunet-Lecomte espèrent augmenter leurs marges bénéficiaires, d’autant que les fabricants lyonnais se sont engagés depuis quelques années dans un mouvement de réduction des façons accordées aux façonniers. Cette compression des tarifs concerne également les imprimeurs sur étoffes. En outre, les Brunet-Lecomte souffrent de la concurrence des imprimeurs lyonnais, et par conséquent de l’éloignement géographique de ses clients. Pour justifier des prix identiques ou supérieurs, ils doivent donc produire des étoffes irréprochables du point de vue de la qualité.
AMBJ, Fonds Brunet-Lecomte, Registre de copies de lettres, Lettre ms adressée à la Maison Perrin & Revol-Sandoz , de Lyon, du 17 décembre 1875.
AMBJ, Fonds Brunet-Lecomte, Registre de copies de lettres, Lettre ms adressée à la Maison Favrot frères, de Lyon, le 25 février 1878.
AMBJ, Fonds Brunet-Lecomte, Registre de copies de lettres, Avis adressé aux ouvriers de la manufacture, le 19 févriers 1878.