Les fabricants n’abandonnent pas le tissage à façon. Plus de la moitié (53%) des métiers à tisser mécaniques au service de la Fabrique lyonnaise dans le Sud-est appartient à des façonniers en 1899 (61% en Isère) 2925 . La coexistence entre les entreprises intégrées des fabricants de soieries et les entreprises façonnières permet une production souple, adaptée à la conjoncture et aux commandes. Ainsi, les fabricants de soieries sont capables de traiter aussi bien les grandes séries que les petites. Ils peuvent donc moduler le rythme des usines à l’état du marché. Grâce à ces structures souples, les fabricants de soieries offrent à leurs clients une grande variété de produits 2926 .
L’économiste Alfred Marshall suggère de prendre en compte non plus l’entreprise seule, mais d’analyser le phénomène à une autre échelle, celui du territoire et du secteur industriel : à ce niveau, une entreprise de petite taille peut espérer elle aussi réaliser des économies d’échelle externes 2927 . Pour conserver leur suprématie et mieux coordonner leurs actions, les fabricants de soieries et leurs façonniers doivent mettre en place des ressources communes garantissant « un flux régulier d’informations entre partenaires » 2928 . De leur côté, les façonniers, soutenus par les élus et les milieux d’affaires locaux, s’efforcent d’offrir des prestations supplémentaires pour conserver les faveurs de leurs donneurs d’ordres.
Comment s’organise le tissage à façon en Bas-Dauphiné au tournant du siècle ? Pourquoi conserve-t-il de solides positions ?
Tout d’abord, il semble nécessaire de dresser un tableau du tissage à façon au début du XXe siècle. Puis, il faut envisager les différentes sources d’économies d’échelle externes dont il bénéficie : le maillage bancaire, le réseau de transport, la formation professionnelle et la présence d’industries annexes.
ANGLERAUD (B.) et PELLISSIER (C.), 2003, pp. 103-104. Ces deux auteurs affirment qu’à la fin du XIXe siècle, que « le cas de Léon Permezel demeure atypique, si les fabricants ont recours au travail à façon ce n’est plus que de façon sporadique, en complément d’une activité qui est majoritairement en usine ».
Comme d’ailleurs les patrons de Philadelphie, voir SCRANTON (P.), 1983.
MARSHALL (A.), 1906, pp. 459-466, cité par PICORY (C.), 1994.
MENARD (C.), 2003.