Les banques grenobloises, comme Mounier-Dubeux & Perrin, Gaillard, Charpenay, Lamberton, ces deux derniers faisant figure de banquiers des entrepreneurs, n’ont rien à voir avec leurs homologues dispersées dans les contrées voisines : ils brassent des centaines de milliers de francs, voire de millions pour la banque Charles Durand. Cette dernière offre un cas exceptionnel de participation active au financement de l’industrie, par l’exploitation d’un haut fourneau à Rioupéroux ou d’une fabrique de toile. Les Gaillard apparaissent déjà comme banquiers pendant la Révolution. Il est possible qu’ils interviennent également dans le négoce des toiles à Voiron , puisque le cadastre voironnais mentionne la propriété d’une maison à un dénommé Gaillard, négociant à Grenoble. Quant aux Durand, la fortune familiale remonte au commerce des draps et des toiles de Voiron par le père de Charles, au XVIIIe siècle. La banque Charpenay débute en 1863 avec un capital de 300.000 francs. C’est peu en regard des capitaux mis en œuvre à la même époque pour constituer le Crédit Lyonnais, la Société Générale ou la Société Lyonnaise, mais cela reste hors de portée des petits banquiers locaux. En 1859, la banque Jouvin augmente son capital et le porte à un million de francs, puis cinq ans plus tard, à deux millions sur l’avis de son président, Alphonse Perier 3123 .
Grâce à l’intervention du banquier parisien Joseph Perier, l’un des fils de Perier-Milord, et du préfet Pellenc, une personnalité gravitant dans l’entourage des Perier, le département de l’Isère obtient dès 1840 l’établissement d’une succursale de la Banque de France à Grenoble 3124 . Certes, aucun négociant voironnais ne participe à cette création, mais celle-ci ne peut que servir les intérêts de leur place, en raison de la proximité géographique du chef-lieu départemental. Le nouvel établissement rencontre des débuts timides, victime de la terrible crise bancaire de 1839-1840 et de la pauvreté du département. Berriat et ses amis espèrent favoriser le développement économique et industriel de l’Isère en abaissant le coût du crédit par la création de ce comptoir. Cependant, les milieux d’affaires voironnais, soutenus par les banquiers grenoblois, ne sont pas favorables à l’arrivée de la Banque de France à Grenoble. D’ailleurs, il semble qu’ils n’utilisent pas les services de la Banque de France. En 1848, la succursale grenobloise se préoccupe seulement des affaires de ganterie et de bois. Dans les dernières années du Second Empire, les responsables de la Banque de France à Grenoble tentent vainement de convaincre les façonniers voironnais d’adresser leurs papiers commerciaux à Grenoble, dans leur établissement, pour l’escompter. Mais ceux-ci, de l’aveu même de la Banque de France, préfèrent recourir aux services du Crédit Lyonnais, à Lyon . D’ailleurs, lorsque le Crédit Lyonnais s’installe à Grenoble, il peine à séduire les façonniers en soieries du département qui ont déjà leurs habitudes. Ce n’est qu’à partir des années 1880, alors que le crédit se fait plus rare, que le Crédit Lyonnais réalise une percée à Voiron 3125 .
En 1898, alors que la plupart des façonniers voironnais ont succombé à la crise industrielle des années 1880, la Banque de France installe un bureau à Voiron , dans la maison bourgeoise d’un ancien façonnier, Pochoy 3126 .
CHABASSEUR (O.), 1942, pp.26-27, 33 et LEON (P.), 1954a, pp. 538-541 et 546-549. La banque Durand suspend ses paiements en 1840. La Banque Mounier-Dubeux & Perrin est fondée en 1834 et est liquidée vingt ans plus tard.
BOUSSUGES (C.), 1990, TUDESQ (A.-J.), 1964, vol. 1, p. 308 et MONTERGNOLE (B.), 1994. À l’époque, Joseph Perier occupe le poste de régent de la Banque de France.
ABdF, Rapport d’inspection de la Banque de France à Grenoble, années 1852, 1869, 1886.
LABASSE (J.), 1955, pp. 19-20 et BOUSSUGUES (C.), 1990.