1-Diederichs.

À ses débuts, Théophile I Diederichs , alors directeur d’un tissage de coton à Jallieu , exerce ses talents de mécanicien directement sur les métiers à tisser installés dans les ateliers. Puis, de son propre chef, il élabore les plans d’un métier à tisser la soie dont il confie l’exécution à un industriel alsacien, Keim, au début des années 1860.

Devant le succès de son premier métier à tisser, il aménage progressivement le modeste atelier de réparation du tissage Caffarel (Perrégaux) en atelier de construction mécanique. À la fin des années 1860 ou au début de la décennie suivante, il agrandit son atelier artisanal en récupérant les locaux d’un atelier de dévidage contigu. En 1872, alors que Théophile I Diederichs inaugure son propre tissage de soierie à Bourgoin , il en profite pour démonter tous les métiers à tisser occupant le rez-de-chaussée du vieux tissage Caffarel et le transforme en atelier de construction 3215 . Mais jusqu’en 1869, cette activité demeure assez marginale au sein de la maison L. Perrégaux & Fils, l’employeur de Diederichs. À partir de 1869, les résultats des ateliers de construction apparaissent dans les papiers des Diederichs et des Perrégaux. Pour le premier exercice, 1869-1870, la construction de métiers à tisser dégage seulement 2.000 francs de bénéfices, mais il est vrai que les frais généraux sont reportés sur le tissage de soieries 3216 .

L’accord avec Léon Permezel fait sa fortune puisqu’en une décennie, Diederichs doit livrer aux façonniers de ce fabricant de soieries au moins trois mille deux cents métiers à tisser dans le Sud-est, en particulier en Bas-Dauphiné. Dès 1875, il construit un métier à tisser à quatre navettes pour un industriel roannais tissant du vichy, tandis que Charles Diederichs et l’un des ingénieurs de la maison, Frédéric Ménégaud, démarchent les industriels des Vosges à la fin de la décennie.

En 1882, Théophile I Diederichs transforme son ancienne société, L. Perrégaux & Th. Diederichs, en société anonyme, les Tissages et Ateliers de Construction Diederichs. La raison sociale rappelle les deux activités principales de l’entreprise, le tissage de soieries à façon et la construction mécanique, mais la première branche réalise alors la majorité du chiffre d’affaires 3217 .

La forte mécanisation des tissages de soieries dans le dernier quart du XIXe siècle stimule la croissance de la firme et la pousse à s’agrandir avec la construction en 1887 d’une vaste halle pour abriter ses ateliers de construction et ses soixante-dix-neuf ouvriers (au nombre de deux cent quatre-vingt-dix deux ans plus tard) 3218 . Deux ans plus tard, grâce à la renommée acquise localement, les Diederichs exposent leurs métiers à tisser à l’Exposition Universelle de Paris , puis à celle de 1900. Entre 1888 et 1895, les ventes sont multipliées par trois passant de 444.000 à 1.488.000 francs, au point de surpasser le chiffre d’affaires des tissages de soieries de l’entreprise. Pourtant, les Ateliers Diederichs ne rivalisent pas encore avec la toute puissante Société Alsacienne de Construction Mécanique, et ses six millions de francs de ventes en 1888 pour le seul département textile 3219 . En 1900, les ventes de Diederichs dépassent les deux millions de francs. En une trentaine d’années, Diederichs a déjà placé trente mille métiers à tisser de sa fabrication 3220 .

En trente ans, entre 1893 et 1923, les Ateliers de Diederichs ont vendu quarante-deux mille cinq cents métiers à tisser, dont plus de dix-sept mille pour la Fabrique lyonnaise, neuf mille huit cents à Roanne, onze mille dans le reste de la France et seulement trois mille huit cents à l’exportation 3221 . La firme s’est lancée dans les ventes à l’étranger pendant les années 1880. Elle place ses premiers métiers mécaniques au Japon en 1888 grâce à un accord avec la maison Inabata qui la représente sur place 3222 . Dès 1891, elle dispose d’un représentant à Barcelone, la maison Guillermo Pettberg & Cie 3223 . En 1911, les Giraud lui commandent huit cents métiers à tisser pour les installer dans leur tissage de Moscou. En 1910, Diederichs fait des émules en Suisse avec la constitution de Textil-Union Rüti-Zurich , une société par action ayant un capital de six millions de francs, rassemblant à la fois le tissage de la soie et la fabrication des métiers à tisser, par la réunion de plusieurs entreprises proches de Caspar Honegger. Selon le Bulletin des Soies et des Soieries, il s’agit d’un projet de trust financier conçu pour mobiliser et attirer davantage de capitaux, mais contrairement à Diederichs, il n’y a pas de projet industriel 3224 .

Avec deux cent quatre-vingts ouvriers s’activant dans leurs ateliers de construction en 1894, les Diederichs dominent le secteur, alors que leur principal concurrent local, Béridot, dans ses ateliers de Voiron , n’emploie que quarante et un ouvriers 3225 .

Notes
3215.

APJD, Rapport dactylographié de Théophile II Diederichs , sd [1904-1907].

3216.

ROJON (J.), 1996a, p. 37.

3217.

CLERMONT (M.-H.), 1958, RAVERAT (H.), 1982, ROJON (J.), 1996a, ROJON (J.) et CHASSAGNE (S.), 1996b.

3218.

La SACM, à Mulhouse, double ses ventes en matériel textile entre 1879 et 1885. Voir BERNARD (F.), 2000, p. 107.

3219.

BERNARD (F.), 2000, pp. 112-113.

3220.

ACBJ, Fonds Diederichs, Procès-verbaux des assemblées générales des actionnaires entre 1888 et 1895 et ROJON (J.), 1996a, p. 69.

3221.

Banque du Dauphiné, n°77, du 20 décembre 1923.

3222.

CAYEZ (P.), 1977, vol. 2, p. 604.

3223.

ADI, 3Q4/174, ACP du 28 janvier 1891 (Pouvoir devant Me Martin, à Bourgoin , le même jour).

3224.

Bulletin des Soies et des Soieries, n°1757, du 7 janvier 1911.

3225.

ADR, 10M446, Statistiques ms de l’inspection du travail dans l’industrie en Isère, en août 1894.