I-Portrait de la main d’œuvre à la fin du XIXe siècle.

Selon ses plus ardents défenseurs, la Fabrique lyonnaise assure l’existence d’une population totale de huit cent mille personnes au moins en France 3256  ! Les recensements de la population en 1901 et 1906 sont moins optimistes puisque seulement cent vingt-deux mille neuf cents et cent dix mille deux cents personnes déclarent travailler dans l’industrie de la soie en France, mais ils ne tiennent pas compte des milliers d’éducateurs de cocon 3257 . En Isère, en 1886, l’industrie textile occupe environ quarante-cinq mille personnes dont quinze mille neuf cents considérés comme patrons dans les listes nominatives de recensement, probablement des ouvriers en chambre 3258 . En 1889, alors que la crise industrielle sévit toujours en Bas-Dauphiné, la Fabrique lyonnaise de soieries assure du travail à près de quinze mille personnes en usines en Bas-Dauphiné 3259 , dont onze mille sept cent trente-sept femmes, tant pour le tissage de soieries, du tulle ou de la passementerie, que de la filature ou du moulinage. Au tournant du siècle, les seules usines des vallées de la Fure et de la Morge occupent dix mille huit cents ouvrières. En guise de comparaison, l’industrie drapière viennoise occupe une population active en usine sensiblement identique, avec treize mille deux cent soixante-dix-sept ouvriers, dont la moitié dans des tissages, le solde dans les activités annexes comme l’apprêt, le cardage, le lavage… Mais la comparaison entre ces deux branches s’arrête là, car ces statistiques ne tiennent pas compte des travailleurs en chambre pour le tissage de la soie ou des éducateurs de vers à soie. De plus, la draperie iséroise est une activité essentiellement urbaine et concentrée dans la seule ville de Vienne, alors que le tissage de la soie est plutôt une activité rurale et dispersée 3260 . La production de masse, rendue possible par la mécanisation et le succès des soieries de demi-luxe, permet alors de satisfaire la distribution de masse 3261 .

Notes
3256.

Exposition Universelle de Vienne, La Fabrique lyonnaise de soieries, son passé, son présent, Lyon , Imprimerie Louis Perrin, 1873, p. 27.

3257.

FLEURY (A.), 1911, p. 118.

3258.

ROBERT (F.), 2000, p. 150.

3259.

Et peut-être autant pour le travail à domicile.

3260.

ADI, 138M16, Statistiques de la situation industrielle en Isère en 1889 et ARDOUIN-DUMAZET, Voyage en France, le Bas-Dauphiné, tome 9, 1909, p. 11, cité par JOUANNY (J.), 1931, p. 52.

3261.

CHANDLER (A. D.), 1988, p. 270.