En 1889, l’industrie de la soie reste une activité encore peu soumise à la hiérarchie. En Bas-Dauphiné, d’après une enquête réalisée par les autorités administratives, on ne dénombre que cent soixante contremaîtres, soit une moyenne d’un contremaître pour quatre-vingt-treize ouvriers 3377 . Chez Diederichs, le plus important façonnier du Bas-Dauphiné, également en 1889, le ratio, une contremaîtresse pour soixante-quatre ouvrières, indique un meilleur encadrement de la main d’œuvre, alors que le tissage affiche une rentabilité élevée 3378 .
En 1911, le niveau d’encadrement du personnel s’est à peine amélioré si on prend comme exemple le cas des tissages Monrozier de Châtonnay et du Vernay (Nivolas ) 3379 . Les vingt-neuf ouvriers (dont seulement trois hommes) sont surveillés par un seul contremaître, logé et chauffé, alors que le tissage du Vernay comporte, lui aussi, un contremaître, mais pour cent quatre ouvriers 3380 .
Les tissages à façon sont gérés, le plus souvent, directement par le patron et ses fils (ou ses gendres), avec un personnel de bureau réduit au strict minimum. Au contraire, les fabricants-usiniers, dont les bureaux sont à Lyon , délèguent la gestion quotidienne de leurs usines à des directeurs et à une petite armée d’employés, capables de remplir une comptabilité rigoureuse, de suivre au mieux la production et d’en rendre compte régulièrement. À Moirans , en 1906, trois tissages fonctionnent, dont deux appartiennent à des façonniers : le tissage Martin et la Société anonyme de Tissages mécaniques de Moirans (anciennement tissage Antoine Giraud ). Face à eux, il y a un tissage de velours construit une décennie plus tôt par une maison lyonnaise, Bickert . Les deux tissages à façon emploient respectivement trois et quatre employés, contre vingt-deux chez Bickert 3381 .
Ce n’est donc pas par un meilleur encadrement que les industriels en soieries parviennent à améliorer leurs performances. Les façonniers, présents le plus souvent dans leurs ateliers, n’aiment pas déléguer une partie de leur autorité, car elle symbolise leur réussite et leur statut de patron.
ADI, 138M16, Statistiques de la situation industrielle en Isère en 1889.
ACB, 1.824.1, Statistiques des industries de Bourgoin en 1889.
Lucien Monrozier est un descendant de la famille Faidides.
APJM, Copie d’une lettre ms de Lucien Jocteur-Monrozier du 29 janvier 1912. Parmi les cent quatre ouvriers du Vernay, on dénombre, deux gareurs, deux employés, un chauffeur mécanicien, un garçon de peine (aussi camionneur) et une cantinière. Tous les autres ouvriers travaillent dans les ateliers.
ADI, 123M121, Listes nominatives de recensement de la population en 1906 à Moirans .