Les industriels façonniers occupent une position relativement ingrate : ils participent à la fabrication des fameuses soieries lyonnaises, et pourtant, ils ne reçoivent aucun éloge, ni aucune récompense, notamment à l’occasion des Expositions universelles, qui viendraient consacrer leur réussite. Les seuls susceptibles de recevoir des récompenses à cette occasion, sont les mouliniers qui possèdent une marque à défendre. Ainsi, Aimé Belin , moulinier en soie à Saint-Jean-de-Bournay entre 1868 et 1898, accumule les titres et les honneurs, d’abord à Lyon en 1872, puis à Vienne en 1873 et à Paris cinq ans plus tard. Il se voit également décerner des récompenses par l’Académie nationale agricole, manufacturière et commerciale de Paris en 1874 et 1879 3702 .
Quelques-uns obtiennent, toutefois, la Légion d’honneur. Mais la fameuse croix n’est attribuée que parcimonieusement aux façonniers : elle est le privilège des fabricants lyonnais. Il suffit de voir l’acharnement que mettent les Poncet père et fils, de Lyon , pour l’obtenir à l’occasion de chaque exposition universelle, pendant une vingtaine d’années, prétextant que leur maison est la seule, parmi les plus importantes de la place, à ne pas avoir été ainsi récompensée, ce qui leur cause un préjudice moral, voire commercial. Louis Poncet 3703 décède en 1889 sans avoir reçu la décoration tant convoitée. L’activisme religieux et politique de sa famille est en cause. Finalement, son fils, Claude 3704 , est récompensé dans les mois qui suivent 3705 .
Façonniers |
Fabricants |
H. Brunet-Lecomte, T. I Diederichs, T. II Diederichs, A. Michal-Ladichère, F. Poncet | Atuyer, A. Baboin, Bardon , Bellon , Bonnet, Boucharlat , Bouffier, J. Brosset , E. Brosset-Heckel, Brunet-Lecomte, Chavent, Chevillard, Chomer, Durand, Emery, Favrot, C. Gindre, Gourd, Heckel, Aug. Isaac, Jaubert, Montessuy, Pariset, J.I. Paulmier-Duval, Permezel, Cl. Poncet, Ponson, Pravaz, Savoye, Schulz, Sevène, Teillard, Tresca |
Les façonniers ainsi récompensés le sont rarement pour leurs talents de façonniers, mais pour d’autres raisons : les Diederichs, père et fils, sont récompensés pour la qualité de leurs métiers à tisser présentés aux Expositions Universelles sur lesquels ils ont bâti leur réputation internationale. De même, André Michal-Ladichère entre dans l’ordre de la Légion d’honneur aussi bien grâce à ses activités politiques comme conseiller général de l’Isère et de maire de Saint-Geoire , que pour la renommée de ses usines. Les seuls à l’obtenir en tant que façonniers sont Florentin Poncet et Henry Brunet-Lecomte . Encore faut-il mettre à part ce dernier : son activité d’imprimeur sur étoffes le rapproche de la création artistique et le distingue ainsi du simple façonnier du tissage. Quant à Florentin Poncet, il a toutes les peines du monde pour être distingué ; ses multiples demandes sont sans cesse repoussées, on lui préfère notamment un Blanchet , de Rives 3706 . Il ne devient chevalier de la Légion d’Honneur qu’à la fin du Second Empire. Hors de notre période, notons que Louis Couturier, l’un des fils d’Alphonse, et Hubert Revol, fabricant de tulles à Saint-Clair-de-La-Tour, entrent à leur tour dans l’ordre de la Légion d’honneur.
Ils ne peuvent pas non plus être distingués personnellement à l’occasion des expositions universelles par une médaille, puisque les soieries présentées portent la marque du fabricant. Comble de l’ingratitude, ils ne sont même pas admis à prétendre à une récompense à titre de collaborateurs : en effet cette catégorie de distinction, décernée à l’occasion des expositions universelles, est réservée aux ouvriers, employés, contremaîtres et directeurs travaillant directement pour un fabricant, en usine ou non. Ainsi en 1889, trois directeurs de la maison Tresca frères, Sicard & Cie sont récompensés : Victor-Joseph Bourguignon (usine de Pont-en-Royans ), Gaspard Clémençon (usine de Vizille et frère de Benoît, l’un de nos façonniers) et André Mermet (comptoir de La Murette ) 3707 . Indirectement, pourtant, le prestige du fabricant rejaillit sur son façonnier puisqu’il a contribué à la fabrication de l’étoffe. Mais il ne possède pas de véritable marque à son nom permettant une telle reconnaissance.
Dictionnaire biographique départemental de l’Isère, dictionnaire biographique et album, Paris , Librairie E. Flammarion, 1907, pp. 101-102.
Fabricant de soieries, né à Gex (Ain), de père inconnu, le 26 novembre 1807, Louis-Eugène-Félix Poncet fonde sa maison en 1849. Jeune rubanier récemment installé à Lyon , il a épousé en 1831 Marguerite Truchet (ou Tronchet), tailleuse de son état. En 1881, sa maison, Poncet père & fils , dispose d’un capital social d’un million de francs, ce qui en fait l’une des plus importantes de la place. À son décès, à Lyon le 8 juillet 1889, il laisse à son fils unique une fortune estimée à 690.219 francs (ses avoirs dans son affaire s’élèvent alors à 700.374 francs).
Fabricant de soieries, Claude-Antoine Poncet est né à Lyon le 28 août 1832. Chevalier de la Légion d’honneur depuis 1892, il siège à la chambre syndicale de la Fabrique Lyonnaise entre 1872 et 1874 puis entre 1880 et 1882. Catholique et considéré comme monarchiste, il possède une propriété à Neuville-sur-Saône, et est membre du Cercle du Commerce. Il épouse la fille de Campionet, un maître de forge de Gueugnon. Il associe à ses affaires Joannard, un conseiller d’arrondissement lyonnais.
ADR, Dossier de Légion d’honneur de Claude Poncet.
DARNAULT (C.), 2000.
« Récompenses décernées aux collaborateurs des exposants, Exposition Universelle de 1889 », Bulletin des Soies et des Soieries, n° 655, le 26 octobre 1889.