Des partenaires.

Les façonniers sont loin d’être aussi bien organisés que les fabricants lyonnais avec leurs diverses chambres professionnelles qui constituent de solides groupes de pressions, telles que l’Association de la Fabrique Lyonnaise ou sa rivale protectionniste l’Association de la Soierie Lyonnaise, ou bien encore l’Union des Marchands de Soie de Lyon . À dire vrai, il leur manque sans doute un esprit de cohésion. Quoi de commun entre un André Michal-Ladichère , grand patron vivant dans un château, conseiller général, avec plus de quatre cents ouvrières dans ses usines, et un Bizollon qui emploie moins d’une trentaine de tisseurs ? À cette différence de taille, s’ajoute une opposition technique entre les partisans de la mécanisation et les petits patrons farouches défenseurs du métier traditionnel à bras. Leurs intérêts ne peuvent que diverger.

Parmi les façonniers du Bas-Dauphiné, rares sont ceux qui fréquentent régulièrement leurs donneurs d’ordres. Alphonse Couturier , l’un des plus importants de la contrée grâce à ses tissages de Bévenais puis de Charavines , de Colombe, du Grand-Lemps et de La Frette , participe occasionnellement à quelques affaires lyonnaises. En juin 1882, il place 10.000 francs dans le capital de la maison A.L. Trapadoux frères & Cie, tandis que ses confrères voironnais Bertet & Tivollier apportent le double à cette augmentation de capital 3775 . Plus discrètement, Alphonse Couturier accepte de participer à la commandite d’un marchand de soie lyonnais, Alexandre Billion & Cie, à hauteur de 50.000 francs, aux côtés de fabricants de soieries tels que Hubert Audras et son associé Henri Jaubert , Emmanuel Brosset-Heckel , le courtier Benoît Tabard ou le banquier Auguste de Riaz 3776 . Mais ce mélange entre fabricants et façonniers semble assez rare et exceptionnel.

André Michal-Ladichère participe volontiers à plusieurs affaires aux côtés du fabricant lyonnais, Léon Permezel . Ainsi, au milieu des années 1880, les deux hommes s’associent pour fonder leur journal, L’Avenir de l’Isère, chargé de combattre le radicalisme et de diffuser leurs idées libérales 3777 . L’un et l’autre espèrent ainsi trouver un écho favorable à leurs idées parmi la population tout en exerçant des pressions sur les autorités et les divers élus à l’heure de l’avènement de la presse populaire à grand tirage 3778 . Pour Michal-Ladichère, conseiller général de l’Isère, cela lui permet d’accroître son influence à l’assemblée départementale, tandis que Permezel, en finançant de ses deniers cette feuille, peut espérer en retour une certaine complaisance de la part de son ami Michal-Ladichère, notamment dans l’attribution des subventions du Conseil général (par exemple sur les voies de chemins de fer locales). Mais, devant l’échec du journal, les deux hommes se retirent de l’affaire au bout de quatre années.

Certains fabricants (voir plus loin) participent même aux syndicats de façonniers, tandis que les seconds siègent, plus rarement, à la Chambre syndicale de la Fabrique lyonnaise.

Notes
3775.

ADR, 6Up, Acte de société sous seing privé du 6 juin 1882.

3776.

ADR, 49Q247, ACP du 25 avril 1888 (Acte de société devant Me Coste, à Lyon , le 17 avril). Le capital de la société est de 2.300.000 francs.

3777.

BARRAL (P.), 1962, p. 340.

3778.

EVENO (P.), 2003, cité par GARRIGUES (J.), 2006, p. 82.