Introduction générale

La problématique sectorielle des transports collectifs urbains

Les services publics de transport collectif 2 urbain regroupent l’ensemble des services réguliers de transport de personnes sur le périmètre d’une commune ou d’un regroupement de communes donné (LOTI 3 , art. 27). Constituées en « autorités organisatrices », ces collectivités locales ont légalement la charge « d’organiser et de promouvoir » (LOTI, art. 5) les lignes régulières de transport collectif sur leurs territoires. Le rôle des autorités organisatrices n’est pas obligatoirement de subventionner le transport collectif, mais fondamentalement de réguler ce marché monopolistique pour le compte des usagers. En fait, les autorités organisatrices s’impliquent de façon très variable dans « l’exécution du service » (LOTI, art. 7-II), mais toujours financièrement. Et comme le montre la Figure 1, elles sont un lien essentiel pour les interactions entre les trois autres types d’acteurs du marché : les citadins (notamment les électeurs, les contribuables et les usagers), les élus municipaux, et les exploitants fournissant le service.

Figure 1 : L’encadrement institutionnel du marché des transports collectifs en France

Le constat de la crise nationale du secteur des transports collectifs urbains est maintenant partagé, ce qui n'était pas forcément le cas au début de cette recherche, en 2003. De nombreux rapports officiels se sont penchés sur la situation préoccupante des transports collectifs urbains en France ces dernières années, notamment le rapport Ries du Commissariat Général au Plan en 2003, le rapport parlementaire de Christian Philip en 2003 et le rapport de la Cour des Comptes en 2005. Globalement, le diagnostic partagé établit l’incompatibilité entre l’augmentation des coûts des transports en commun et l’amélioration de la mobilité en ville, qui ne peut plus passer par l’automobile pour des raisons évidentes de congestion urbaine, et de progression des préférences environnementales.

Figure 2 : Le constat interpellant de la dernière décennie (évolution en rythme annuel) Les coûts d’exploitation et les recettes sont en euros constants

Source : UTP (2003) sur 104 réseaux

Ce constat peut par exemple être mis en évidence sur la base des ratios qui agrémentent les tableaux de bord des parties prenantes du secteur 5 . La Figure 2 propose une synoptique de l’évolution des principaux ratios sur la dernière décennie (1992-2002). On observe que le maintien du taux d’utilisation des transports en commun par la population (voyages / habitants) s’est fait au prix d’une forte augmentation de l’offre, ce qui a entraîné une chute du taux de remplissage (voyages / véhicules-km), car les usagers ne sont pas devenus beaucoup plus nombreux. L’effort des collectivités en termes d’offre de services 6 (véhicules-km / habitant) et de politique tarifaire (recettes / voyages), s’est soldé par un taux de couverture (recettes commerciales / dépenses d’exploitation) qui s’est dramatiquement détérioré entre 1992 et 2002, passant au niveau agrégé de 54% à 39,5% 7 . Les transports collectifs urbains deviennent donc de moins en moins un service autofinancé, ce qui n’est pas sans peser sur les finances des collectivités locales, et interroge la « soutenabilité » d’un secteur considéré comme l’un des instruments du développement durable des villes.

Cette détérioration du taux de couverture est bien sûr liée à l’extension des réseaux dans les zones peu denses, par une sorte de fuite en avant des collectivités locales, qui courent après l’urbanisation des zones périphériques 8 . Mais ces évolutions ne peuvent être que l’une des causes de la forte augmentation observée du coût unitaire des voyages (+2,37% par an). Cette hausse de l’offre de service ne peut pas vraiment justifier l’augmentation des dépenses au kilomètre (+1,56% par an). En effet, l’augmentation des dépenses par voyage peut être la conséquence du moins bon remplissage des bus dans les zones peu denses, mais il est peu probable que les dépenses par kilomètre augmentent pour les mêmes raisons, car la vitesse de circulation en périphérie est bien souvent meilleure qu’en centre-ville.

En termes de réponse à apporter, certaines collectivités locales se demandent si l’exploitant de leur réseau n’est pas en cause. D’autres s’interrogent sur les mesures souhaitables de la performance des services publics. Et toutes ont légalement (hors ferroviaire et Paris) le choix de l’exploitant, de son mode de gouvernance, du niveau de service à produire et des objectifs collectifs à atteindre. Il peut donc être utile de rechercher, en réponse à ces interrogations, l’effet des choix de réglementation ou de gouvernance sur la performance des services publics de transport collectif urbain.

Notes
2.

 Le terme « transports publics » est relativement courant, tout autant que celui de « transports collectifs ». Toutefois, cette première expression alimente la confusion chez le néophyte entre les services qui relèvent d’un usage collectif (c’est le sens de « public » en anglais) et ceux qui sont fournis par une entité contrôlée financièrement par la collectivité, c’est à dire le « secteur public ». Ces deux ensembles ont une intersection non nulle, mais ne doivent pas être confondus.

3.

Loi d’Orientation des Transports Intérieurs, n°82-1153, 30 décembre 1982.

4.

Les coûts d’exploitation et les recettes sont en euros constants

5.

DAEI/SES 2003, GART 2003 et UTP 2003 (sachant que toutes ces publications sont annuelles).

6.

C’est d’autant plus vrai que l’extension des zones géographiques considérées (les PTU) vers la périphérie des villes aurait dû faire chuter ce ratio (hausse du dénominateur), les zones périphériques étant relativement plus faiblement dotées en transports publics (très faible hausse du numérateur).

7.

Il était de 34% en 2003 et en 2004 (GART 2005b). En 2004, les recettes commerciales représentent 21% des dépenses totales (incluant les dépenses d’investissement spécifiques).

8.

Le rapport Ries (CGP 2003) fait sur ce point le tour de la question.