1.1.2.2 Les déterminants de la fonction de demande de réglementation

Les électeurs sont considérés comme « rationnellement ignorants » (Peltzman 1993), étant donné les faibles incitations à acquérir individuellement de l’information. Leurs gains individuels associés à la réglementation sont trop faibles pour générer une recherche d’informations sur son bien-fondé. Ils ne peuvent donc être un soutien pour le régulateur vertueux.

A l’inverse, les producteurs ou certains groupes d’intérêt ne sont pas « rationnellement ignorants », étant donné les conséquences individuelles de la réglementation sur leur profit ou satisfaction. Une fois informées, il ne reste plus qu’à ces minorités à transformer leurs connaissances en un pouvoir de pression capable d’orienter le processus de politique de réglementation. D’autre part, les groupe formé d’un petit nombre de parties ont moins de difficultés pour gérer le free-riding inhérent à l’action collective (Olson 1965). Au total, les producteurs et petits groupes d’intérêt ont des avantages décisifs sur les consommateurs en termes d’information et de coût d’organisation.

Peltzman (1993) remarque que les mécanismes conduisant l’offreur à privilégier un groupe d’intérêt partenaire plutôt qu’un autre ne sont pas non plus développés par Stigler (1971). Pour sa part, Posner (1974) propose un détour par la théorie des cartels pour expliquer la demande de réglementation 49 .

Les cartels sont fondamentalement fragiles. La valeur de la cartellisation est faible lorsque l’élasticité-prix de la demande du produit est forte et lorsque le coût d’entrée d’une nouvelle entreprise est faible. Pour exister, le cartel doit assumer le coût de la négociation d’un accord sur les prix de vente et sur la répartition de la production entre ses membres 50 . Les coûts de coordination peuvent être prohibitifs dans un secteur peu concentré. Mais surtout, faire respecter l’accord conclu peut être difficile car chacun a plus ou moins intérêt à s’écarter du prix négocié pour augmenter son profit personnel. Les coûts de sécurisation de l’accord et de cohésion du cartel peuvent être très élevés.

Posner (1974) analyse la réglementation comme un substitut à la cartellisation. Il considère que la demande de réglementation est plus élevée dans les secteurs où la cartellisation est irréalisable ou très coûteuse. Cela dit, l’établissement d’une réglementation nécessite une intervention politique. Or certains secteurs peuvent être plus ou moins aptes à bénéficier d’un soutien politique (le problème du passager clandestin reste sérieux) à moindre coût, et rien ne permet d’affirmer que ce sont les mêmes qui sont capables de se réunir en cartel au coût le plus faible. Enfin, pour Posner (1974), la réglementation est capable de mieux prendre en compte la variété des firmes d’un secteur. La prise en compte de l’asymétrie des membres au sein d’un cartel est en revanche difficile.

Peltzman (1976) identifie chez Stigler une loi de décroissance des rendements de l’action politique lorsque la taille du groupe demandeur augmente, et rejoint sur ce point Olson (1965). La domination des petits groupes sur les grands groupes (consommateurs), possède un certain nombre d’arguments concordants :

Notes
49.

Le cas du cartel des entreprises de transport de voyageur est exposé dans le , au , p.242.

50.

En maximisant les profits joints, l’accord détermine les prix, les quantités, et indirectement le profit de chacun.