1.2.1 Mise en évidence d’une défaillance institutionnelle

1.2.1.1 Le rôle des élus locaux

D’un point de vue normatif, l’objectif des Autorités Organisatrices est de maximiser le bien-être collectif lié aux TCU, c’est-à-dire de minimiser le coût unitaire du service public dont elles ont la responsabilité (ou réciproquement de maximiser le service public de transport à budget donné). L’intérêt des salariés est fortement lié à leurs revenus et aux conditions de travail. Celui des entreprises exploitantes correspond globalement à une maximisation de leur profit (y compris les rentes de situation). A priori, les intérêts des salariés s’opposent donc à ceux des entreprises et des AO lors de la fixation des salaires.

Dans le cas d’une industrie standard, toute hausse du coût de production se traduit par une baisse du résultat net pour l’entreprise. A prix de vente constant, la négociation entre les syndicats de salariés et les organisations patronales sur la répartition de la valeur ajoutée est un jeu à somme nulle 53 . Si les salariés améliorent leur rémunération, les actionnaires acceptent dans le même temps de réduire la leur. Dans les TCU, le système franchit cette double barrière : la hausse salariale va pouvoir être financée sans réduire le service rendu et la rémunération des actionnaires. L’augmentation des subventions le permettant est cependant coûteuse pour la collectivité, pour les contribuables.

Le subventionnent massif de l’activité introduit un acteur inhabituel dans la fourniture d’un service marchand : la collectivité. Dans les TCU, les recettes commerciales d’un réseau moyen ne couvrent que 15% à 25% des dépenses totales (y compris les investissements) et 35% à 40% des dépenses d’exploitation (GART 2003).

L’AO a une demande (i.e. une disposition à payer) pour le service « transports collectifs ». Elle finance de nombreuses missions de service public rassemblées dans un seul contrat de délégation, qui simplifie aussi beaucoup les relations entre les usagers et l’opérateur choisi 54 . Les AO sont donc les principaux clients des entreprises exploitantes.

Les collectivités sont toutefois des clients particuliers. L’AO n’est pas une institution indépendante, c’est une administration placée sous la direction des élus de l’agglomération. Les responsables politiques ont une position stratégique importante par rapport aux usagers et aux contribuables, qui ont individuellement un coût élevé pour acquérir de l'information. L’AO peut notamment signer un mauvais contrat du point de vue de l’intérêt général sans risquer que des électeurs détournent notoirement leur vote pour protester. Mais l’AO est elle-même en déficit d’information par rapport aux exploitants, qui sont naturellement plus au fait des réalités techniques du transport collectif. En particulier, le contrat n’est signé qu’au terme d’un processus de négociation durant lequel des modifications substantielles peuvent être incorporées.

Par manque d’expertise et de compétences, les élus peuvent se tromper. Mais sans naïveté, ils peuvent aussi engager la collectivité en prenant en compte leur propre point de vue plutôt que l’intérêt général. Les perspectives électoralistes de court terme sont malheureusement structurelles. En particulier il semble que les élus craignent plus un blocage temporaire des TCU de leur agglomération que l’augmentation des dépenses de la collectivité à long terme. Sachant qu’un conflit social va leur porter préjudice lors des prochaines élections, les élus vont agir pour éviter la grève, quitte à endetter l’agglomération.

Notes
53.

En ignorant ce qui relève d’un salaire d’efficience, dont le niveau théorique ne dépasse toutefois jamais la productivité marginale.

54.

Ce système engendre une certaine stabilité des services, mais permet surtout d’assurer une intégration physique du réseau et une intégration tarifaire (les titres de transports sont valables sur tout le territoire de l’AO)