1.2.1.4 La pérennisation des hausses de coût

Au moment de la négociation du contrat de délégation, sur la base d’un cahier des charges identifiant les missions à accomplir sur la période, l’AO et l’exploitant se répartissent les risques et fixent le montant de la subvention transférée. Généralement, seuls les risques sur lesquels le comportement de l’exploitant a un fort impact lui sont laissés. L’AO se charge globalement plutôt des risques macro-économiques et institutionnels.

A priori, la Convention Collective Nationale (CCN) parait exogène à l’exploitation locale des services. L’affaire est donc entendue, c’est un risque que doit prendre l’AO. L’exploitant est certainement prêt à réduire significativement le montant de subvention demandé s’il ne prend pas à sa charge les dépenses qu’engendreront les modifications de la Convention Collective.

A cet instant, les élus locaux ne réalisent sans doute pas que presque toutes les agglomérations font de même et que cette généralisation rend la CCN endogène, ce qui créait un dysfonctionnement institutionnel durable. Le salaire peut s’écarter de ce qui est économiquement souhaitable s’il est fixé par la confrontation entre les intérêts syndicaux et les intérêts des élus locaux. Plus précisément, il n’y a aucune raison qu’il ne s’écarte pas de la productivité marginale du travail. Les opérateurs sont les mieux à même de négocier avec les syndicats un niveau de salaire relativement proche de la productivité marginale du travail, lorsqu’ils sont créanciers résiduels.

A long terme, dès lors que des niveaux de salaire ou de condition de travail sont inscrits dans la CCN, toutes les entreprises y sont soumises. C’est une obligation fondamentale, et précieuse dans de nombreux secteurs de l’économie. Aucune pression concurrentielle, y compris un appel d’offres parfaitement mené, ne pourra revenir sur les acquis des salariés. L’unique moment où la Convention Collective est en discussion est celui des négociations paritaires, négociations biaisées comme nous l’avons vu. Les offres futures de service incluront donc des surcoûts, qui seront transférés définitivement aux collectivités. Il n’existe aucun mécanisme de correction spontanée.

Individuellement, les entreprises n’ont pas de raisons de s’opposer aux acquis sociaux puisqu’ils s’appliquent aussi aux entreprises concurrentes, et qu’elles ne décident pas de leur niveau de production (fixé dans le cahier des charges). En outre, avoir des salaires élevés évite un certain nombre de difficultés managériales pour les entreprises (turnover, motivation du personnel…). Mais surtout, les conditions de la CCN sont une limite à la pression concurrentielle sur le prix du principal facteur de production, déterminant majeur des coûts. Les entreprises trouvent donc leur compte dans cette situation, et elles ne vont pas s’opposer à une hausse des salaires plus rapide que l’exigerait l’efficacité économique.

Dans les termes de la théorie de la capture et des groupes d’intérêt, la réglementation est ici capturée. Les salariés, en tant que groupe d’intérêt, utilisent le rapport de force en leur faveur. Les élus locaux s’efforcent de lutter à court terme contre les blocages des transports en commun. Ils investissent à ce moment les négociations paritaires. La hausse des rémunérations des salariés va être financée par les contribuables. Les entreprises bénéficient alors d’une relative tranquillité dans les rapports avec leurs salariés et en termes de concurrence lors des appels d’offre. L’électeur-contribuable est fortement perdant à long terme, mais ne s’en rend pas compte.

Afin de s’assurer que tout cela correspond à des comportements économiques vraisemblables, nous proposons la modélisation suivante.