2.1.1.2 Les statuts des autorités organisatrices

Il existe six cadres légaux principaux destinés aux autorités organisatrices de transport urbain. Ils ne sont cependant pas tous accessibles à l'ensemble des communes. Bien souvent, des critères de taille limitent le nombre d’alternatives. Plusieurs traits différencient les types juridiques (CERTU 2003b) parmi lesquels le financement, qui peut être assuré par une fiscalité directe locale (Communautés) ou par les contributions des membres (Syndicats).

La commune (C) est la forme juridique la plus simple et celle qui a été historiquement le support des réseaux de transport collectif. Mais le développement de l’urbanisation a rendu nécessaire l’adaptation des TPU aux « bassins de vie ». La commune n’est globalement restée l’autorité organisatrice que dans les petites agglomérations. Dans les autres cas 84 , les communes se sont regroupées au sein d’un Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI), n’ayant pas forcément pour seule mission l’organisation des transports publics urbains.

Le syndicat intercommunal est une association dans laquelle les communes contribuent et coopèrent sans pour autant déléguer leur pouvoir. Il s’agit la plupart du temps de faire preuve de bon sens en offrant aux usagers les liaisons attendues entre les communes d’une aire urbaine. Le syndicat intercommunal peut être à vocation unique (SIVU) ou à vocation multiple (SIVOM). Les SIVU (1890) sont des associations entre plusieurs communes, pas nécessairement limitrophes, se regroupant pour gérer une seule activité. Ils sont généralement de taille réduite, et les compétences les plus communément partagées concernent l’eau et les activités périscolaires. Les SIVOM (1959) étendent l’association prévue par les SIVU. Ils sont utiles lorsque les élus locaux souhaitent gérer plusieurs activités en commun. Le syndicat de communes incluant les transports urbains est encore utilisé par au moins 6 agglomérations de plus de 100 000 habitants : Cannes, Douai, Limoges, Thionville, Valence et Bourges.

La communauté de communes (CC) est instituée en 1992 et complétée par la Loi d’Administration Territoriale de la République du 12 juillet 1999 dite « loi Chevènement » du 12 juillet 1999. C’est une structure qui s’adresse aux espaces ruraux  « d’un seul tenant et sans enclave » ; la compétence des transports urbains y est facultative. Les communautés de communes, par définition rurales, concernent peu le transport urbain.

La communauté d’agglomération (CA) est destinée aux ensembles de plus de 50 000 habitants (dont 15 000 en centre-ville) sans enclaves et d’un seul tenant (instituée par la loi « Chevènement »). Le transport urbain fait partie des quatre compétences obligatoires. Toutefois, l’organisation du transport urbain peut être déléguée à un syndicat mixte ou intercommunal. Cette forme a bénéficié d’un vif succès. La majorité des Districts Urbains (DU) se sont transformés en Communauté d’Agglomération (CA) après 1999. La mutation est identique pour les Communautés de Ville (CV), mais dans des proportions très différentes puisque celles-ci étaient peu nombreuses. Ces formes d’intercommunalité ont aujourd’hui disparu.

La communauté urbaine (CU) est, depuis la loi « Chevènement », réservée aux périmètres réunissant plus de 500 000 habitants en « un seul tenant et sans enclave ». Elle a été récemment retenue par Marseille et Nantes. On notera que la dénomination « Communauté Urbaine » existait précédemment (depuis 1966). Elle avait été imposée à Bordeaux, Lille, Lyon et Strasbourg et adoptée par 11 autres agglomérations (e.g. Nancy, Brest, Dunkerque, Le Mans). Cette forme juridique offre la possibilité de déléguer certaines compétences à des syndicats mixtes, comme le fait par exemple Lyon pour ses transports publics.

Les syndicats mixtes (SM) sont analogues aux syndicats de communes mais associent plusieurs niveaux de collectivités locales et de groupements de collectivités. Ils sont notamment utilisés à Lyon, Toulouse, Grenoble, Valenciennes, Clermont-Ferrand, Mulhouse, Caen, Avignon, Bayonne, Belfort et Calais. La loi SRU offre la possibilité pour plusieurs AO (par exemple Département, Région et Communauté Urbaine) d’utiliser cette forme d’association pour développer une offre de transport public périurbaine ou intermodale.

Les statuts légaux des autorités gouvernant le transport urbain sont donc multiples, mais ont aussi varié de manière tangible durant la dernière décennie. D’après Faivre d’Arcier (2005), la généralisation du Versement Transport 85 et l’instauration de taux plafonds en fonction de la population par la loi de 1996 (Tableau 9) ont eu un impact indéniable sur la définition des Périmètres de Transports Urbains. Ce désir de « profiter » de la manne financière du Versement Transport a conduit à l’émergence d’un grand nombre de structures intercommunales afin d’atteindre le seuil de population nécessaire.

Il faut ajouter à cet effet du VT celui de la loi Chevènement qui a créée des mesures fiscales incitatives au regroupement, et notamment la « taxe professionnelle unique ». Par ailleurs, l’une des contributions de la loi Chevènement a été d’imposer une continuité du territoire de l’EPCI (d’un seul tenant et sans entrave), ce qui est fondamental pour la définition d’un Périmètre des Transports Urbains cohérent. Cette concentration des AO est évidemment un paramètre de nature à favoriser une gestion stratégique de l’ensemble des transports d’une agglomération, et permet sans doute d’éviter quelques gaspillages. Cela dit, Faivre d’Arcier (2005) précise que ce mouvement d’extension des périmètres a eu comme contrepartie la nécessité de desservir des communes périphériques de faible densité de population et d’emploi, et donc de générer des services peu attractifs, parfois très déficitaires.

Tableau 9 : Les taux plafonds actuels du Versement Transport
Population du PTU Taux applicable à la masse salariale Conditions particulières
de 20 000 et 100 000 habitants 0,55 %  
Supérieure à 100 000 habitants
1,00 %  
1,75 % Si existence d’un TCSP
De 1,30 à 2,50 % Région Ile de France
Pour tous 0,05 % Majoration dans le cas de communautés de communes, de communautés d’agglomération et de communautés urbaines

Source : Code Général des Collectivités locales (CGCT)- Article L. 2333-67

Pour autant, comme le montre le Tableau 10, la compétence transport n’est obligatoire que dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, i.e. les pôles urbains les plus importants. Elle reste facultative au niveau des communautés de communes, qui ont tendance à se développer en périphérie des grands pôles urbains, souvent comme le moyen pour ces communes périphériques d’avoir un poids politique plus important dans les négociations. Faivre d’Arcier (2005) constate ainsi que la constitution des EPCI à fiscalité propre découle souvent d’une logique financière et politique. « L’accord politique entre les communes concernées est un élément bien plus important que la cohérence fonctionnelle des transports ». Dans les communautés qui bénéficient d’une délégation de compétence multiple et d’une fiscalité propre, c’est la même structure intercommunale qui assume la responsabilité de la politique de transport. Dans les syndicats de communes sans fiscalité propre, ou dans le cas de syndicats mixtes, les prérogatives des autorités organisatrices sont de nature à générer des conflits avec les communes y participant car leurs élus ont perdu une partie de la maîtrise de leur politique urbaine et continuent d’en payer le prix.

Tableau 10 : Compétences des EPCI à fiscalité propre et transports urbains
  Communauté Urbaine (CU) Communauté d’Agglomération (CA) Communauté de Communes (CC)
Seuil de population > 500 000 habitants > 50 000 habitants et commune centre de plus de 15 000 habitants (ou chef-lieu de département)  
Compétences obligatoires développement économique
aménagement de l’espace
équilibre social de l’habitat
politique de la ville
gestion des services d’intérêts collectifs
environnement
gestion des déchets
développement économique
aménagement de l’espace
équilibre social de l’habitat
politique de la ville


actions de développement économique
aménagement de l’espace
Compétences optionnelles   Au moins 3 sur 4 :
Voirie et stationnement
Assainissement
Eau
Environnement
Equipements sportifs, culturels
Une au moins parmi 4 :
Voirie
Logement et cadre de vie
Environnement
Equipements sportifs, culturels, écoles
Compétences facultatives Oui   Oui
Compétence
transports urbains
Obligatoire (au titre de l’aménagement de l’espace communautaire) Obligatoire (au titre de l’aménagement de l’espace communautaire) Soit à titre obligatoire (intérêt communautaire), soit à titre facultatif

Source : Faivre d’Arcier 2005

En résumé, l’organisation des transports urbains peut se faire dans plusieurs cadres institutionnels :

Notes
84.

 Nous ne considérerons pas les Syndicats d’Agglomération Nouvelle (SAN) comme des institutions de coopération et de regroupement. Institué en 1983 pour répondre au besoin des villes nouvelles créées dans les années 1970, ce statut est un « substitut » assez proche de la Commune.

85.

Le « VT » est un impôt dédié aux autorités organisatrices de transport urbain, prélevé sur la masse salariale des employeurs des secteurs public et privé qui emploient plus de 9 salariés dans le PTU.

86.

  Compétence du département, d’après l’article 25 du décret d’application de la LOTI n°85-891 du 16 août 1985.