2.1.1.3 Le choix des autorités organisatrices

Par rapport aux autres services publics locaux, le transport urbain se caractérise par une beaucoup plus nette délégation de compétence à une structure intercommunale, et par une faible proportion de régies (cf. Tableau 11). A l’opposée de la restauration scolaire, qui est le plus souvent administrée et gérée par les communes, les transports urbains sont administrés au niveau de l’agglomération et gérés par une délégation à une entreprise (cf. 2.2). Le traitement des déchets ménagers est aussi dans ce cas, alors que la production, la distribution et l’assainissement de l’eau et la collecte des déchets ménagers sont dans des situations intermédiaires.

Tableau 11 : Gouvernance des services publics locaux, les choix des villes-centre
 
Niveau de gouvernance 87 Mode de gouvernance
communale intercommunale régie délégation
Restauration scolaire 100% (97%) 0% (3%) 63% (65%) 37% (32%)
Production et distribution d’eau potable 54% (39%) 46% (61%) 47% (33%) 53% (66%)
Assainissement des eaux usées 22% (45%) 78% (55%) 58% (35%) 42% (65%)
Collecte des déchets ménagers 43% (14%) 57% (86%) 57% (67%) 43% (33%)
Traitement des déchets ménagers 10% (3%) 90% (97%) 19% (41%) 81% (58%)
Transports collectifs urbains 4% (14%) 96% (86%) 0% (15%) 100% (84%)

Nota : Pour chaque critère, la première colonne indique la proportion des villes-centre de plus de 100 000 habitants, et la seconde colonne (valeurs entre parenthèses) la proportion des villes-centre entre 20 000 et 100 000 habitants.

Sources : Enquête AMGVF/Dexia sur les villes-centre de plus de 100 000 habitants au 1er janvier 2002, Les services publics locaux, 2004 ; http://www.grandesvilles.org/IMG/etude_sves_pub.pdf
Enquête FMVM/Dexia sur les villes-centre de 20 000 à 100 000 habitants au 1er janvier 2005, Les services publics locaux dans les Villes Moyennes et leurs intercommunalités, 2006 ; http://www.villesmoyennes.asso.fr/imgs/publications/enqspl_060201145024.pdf

Par ailleurs, l’observation des données par agglomération dont nous disposons pour les TCU 88 sur la période récente (Tableau 12 et Figure 10) montre clairement un changement de nature de la coopération institutionnelle. De 1996 (en colonne) à 2002 (en ligne), le croisement des 161 données disponibles montre une importante stabilité (diagonale en vert) et quelques changements massifs (en jaune). De moins en moins d’AO contrôlées par une seule commune (de 42 à 14), ou par un syndicat intercommunal (de 56 à 21). En revanche, le nombre de Communautés a doublé sur la période, en particulier sous la pression des regroupements en Communauté d’Agglomération qui représentent, en 2002, 75% des communautés de notre échantillon 89 et presque 50% des cas. Enfin, il est important d’ajouter au constat précédent que les périmètres de transport urbain ont dans de nombreux cas été modifiés. Le changement de statut de l’autorité organisatrice s’est souvent accompagné d’une redéfinition des PTU.

Tableau 12 : Les communes et les syndicats intercommunaux se muent en Communauté d’Agglomération et en Syndicat mixte

Source : Enquête Cahiers Verts

Figure 10 : Les AO optent pour des statuts de plus en plus intégrés, communautés et syndicats mixtes se substituent aux communes et syndicats intercommunaux

Source : Enquête Cahiers Verts.

Au total, tout comme il est difficile de conclure à un processus de convergence de la gouvernance des entreprises (Aoki 1995, Geoffron 1999, Cohen 2002), il semble que certaines pratiques se généralisent sans pour autant devenir exclusives. Les communes ont tendance à se rassembler au sein d’une autorité organisatrice unique par agglomération, sans que l’on puisse dire si ce processus est définitif. Par ailleurs, plusieurs formes de coopération intercommunale subsistent et semblent pérennes. Cette observation n’est pas en soit surprenante, dans la mesure où le processus de concentration des AO a des avantages et des désavantages.

Lorsque plusieurs communes se regroupent pour organiser leurs transports collectifs, on peut penser que c’est une manière pour elles d’accroître leur capacité d’expertise. A l’inverse, cette centralisation peut aussi avoir pour conséquence une perte de contrôle. L’information nécessaire à la caractérisation de la demande et des coûts est plus difficile à collecter et à traiter. Dans un sens, on accroît les ressources humaines et financières permettant de développer une capacité d’expertise en transports urbains. De l’autre, on augmente le risque de perte du contrôle par un éloignement des sources d’informations. L’effet est ambigu, mais peu d’éléments portent à croire que cet arbitrage est au centre des débats. Il semble plutôt que les déterminants du statut des AO sont liés à des considérations politiques, financières et fiscales (Faivre d’Arcier 2005).

En conclusion, les AO des transports urbains disposent de pouvoirs relativement étendus sur leur territoire. Pour mettre en œuvre leurs compétences légales, les communes bénéficient d’une liberté importante, dans le choix du statut de l’AO et de son périmètre. Ces prérogatives décentralisées peuvent permettre d’adapter localement le cadre d’organisation, notamment en termes de financement et de desserte. La question de la bonne gestion du réseau vient ensuite, l’acteur clé en est l’exploitant.

Notes
87.

Les communes peuvent déléguer leur compétence à une structures intercommunales « à fiscalité propre » (communautés de communes, communautés d’agglomération et communautés urbaines), ou à un syndicat.

88.

 218 autorités organisatrices de transport urbain sont associées au sein du Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART), créé en 1980. Nous supposons que les 20% d’adhérents du GART pour lesquels nous n’avons pas de renseignements sont dans une situation similaire.

89.

 Les Communautés de Communes et les Communautés Urbaines se répartissent les 25% restant de manière égale. Les SAN disparaissent progressivement.