2.2. Le choix des modes de gouvernance par les autorités publiques

Les autorités organisatrices choisissent librement le mode de gestion des services de transport urbain dont elles ont la responsabilité (LOTI, art. 7 II). Cette liberté n’a pas abouti à l’éviction d’un régime de propriété au détriment de tous les autres. Deux constats principaux peuvent être tirés de l’observation du choix de la nature du propriétaire de l’exploitant. D’une part, la gestion déléguée est très fortement dominante. Et d’autre part, la répartition entre régie, délégation à une société d’économie mixte (SEM) et délégation à une société privée est stable dans la dernière décennie.

Comme le montre la Figure 14, en 2002, 90% des 165 autorités organisatrices de province constituant notre échantillon 125 ont recours à la gestion déléguée pour organiser la fourniture de services de transport urbain. Plus précisément, le cas de figure le plus répandu est la délégation à une entreprise privée (69%), par opposition à la délégation à une société d’économie mixte (21%). Les régies ne représentent que 10% des opérateurs.

Figure 14 : Choix du régime de propriété en 2002 (en % du nombre de réseaux)

Etablissement public : EPIC et régie municipale (7,25%) ou régie départementale (2,75%)

Société privée : SA, SARL, GIE ou SNC

Les 35 Sociétés d’Économie Mixte recensées en 2002 se partagent entre celles qui sont exploitées en collaboration avec Transdev (14) et celles qui sont organisées en coopération avec un exploitant local (14). Marginalement, Kéolis et Connex se sont insérés dans la gestion par SEM 126 .

La préférence pour la gestion déléguée, et en particulier à une entreprise privée, ne semble pas récente. Le partage entre régie directe, délégation « pure » et délégation à une SEM est resté stable entre 1995 et 2002. Les changements sont rares et ne s’orientent pas dans un sens particulier 127 .

Dans les cas où l’AO opte pour une délégation, la loi impose la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres pour choisir un exploitant (marché public ou délégation de service public). Cette procédure est une mise en concurrence, qui doit permettre de sélectionner le meilleur candidat (cf. section 4.1). Cela dit, les SEM sont un partenariat liant les parties de manière plus étroite, et la pression concurrentielle y est moins vive (cf. 2.3.1.2). Enfin, l’autorité organisatrice propose un contrat lors de l’appel d’offres, qui est plus ou moins incitatif selon le type retenu (cf. Figure 15).

Figure 15 : Le choix de la structure de gouvernance

Au total, la délégation est dominante et relativement plus complexe que la régie, car elle nécessite un contrat explicite avec l’exploitant. La délégation se distingue aussi de la régie car elle nécessite la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres. Toutefois, la classification juridique traditionnelle entre régie et délégation nous semble pouvoir être avantageusement approfondie en distinguant au sein des délégations celles qui le sont avec une société privée et celle qui le sont avec une SEM. La nature du propriétaire est un critère simple et classique qui nous semble devoir être pris en considération, notamment parce que les réseaux exploités par une SEM occasionnent des appels d’offres qui ne sont pas souvent réputés ouverts. La conséquence de cette prise en compte est que la typologie que nous utiliserons distingue fondamentalement dans une première dimension (la seconde est celle du type de contrat) les régimes de propriété : régie, SEM et délégation (sous-entendu à une société privée).

Nous proposons dans ce qui suit de présenter les pratiques contractuelles des autorités organisatrices de transports publics urbains sur la période 1995-2002, sur la base de « l’enquête cahiers verts » et des contrats de délégation dont nous disposons (cf. Encadré 1 p.15). La section 2.2 s’organise en deux sous-sections : en premier lieu nous proposons d’identifier les trois grands types de contrat par leurs principales caractéristiques, et dans un second temps de nuancer les différences par une description plus détaillée de leur contenu.

Notes
125.

 Les 165 autorités organisatrices de province qui constituent notre échantillon correspondent à 69% de l’ensemble des AO recensées en 2002 hors Ile de France (Enquête annuelle 2003 sur les transports collectifs urbains réalisée par le CERTU, la DTT, le GART et l’UTP).

126.

Sans pour cela prendre la suite de Transdev dans les réseaux que ce dernier exploitait en 1996.

127.

 Deux réseaux exploités par une SEM (La Rochelle et Le Puy) sont passés en régie municipale et un réseau en régie (Béziers) a opté pour la délégation. De leur côté, les communes de Rennes, Douai et Bayonne sont passées de la délégation à une SEM à la délégation « pure », tandis que Martigues et Saint-Denis de la Réunion ont fait le mouvement inverse.