3.1.1.1 Le processus de production : quels moyens et quels résultats ?

La mesure de la production

Dans les services publics de transports de personnes, la spécification de l'output s'avère être une phase délicate. Plusieurs manières de mesurer la production de ce genre d’activité peuvent être distinguées, selon que l'on se positionne du coté de l'offre ou de la consommation. L’une des difficultés majeure du secteur est d’ailleurs l'adéquation entre l’offre et la demande. Les stations de métro ou les arrêts de bus sont parfois surchargés de voyageurs, l'offre est dans ce cas insuffisante par rapport à la demande. Plus souvent, une offre excédentaire est disponible, son coût est encouru, mais il n'y a pas de voyageurs achetant les places.

Les services de transport collectif ne sont pas stockables 181 , ils se détruisent dès qu’ils sont produits. Le processus de production (de prestation) suppose une proximité de temps et d’espace, et une interaction étroite entre prestataire et usager.

L’analyse de la production des transports collectifs urbains se fonde traditionnellement sur deux mesures. Les indicateurs d’offre qualifient le niveau de service, alors que les indicateurs de consommation ne considèrent que les services vendus aux usagers. Il existe donc :

  • Des indicateurs d’output dits « orientés offre » : le nombre de kilomètres offerts (KO ou véhicules-kilomètres) et les places-kilomètres offertes (PKO) notamment.
  • Des mesures de la demande satisfaite, des indicateurs « orientés demande » : le nombre de voyages réalisés, le nombre de déplacements 182 ou la quantité de voyageurs-kilomètres.

Les indicateurs précédents ne sont cependant qu’une approximation de la réalité. En effet, les services de transport urbain possèdent des caractéristiques pouvant varier considérablement d’un kilomètre à l’autre, en termes de qualité de service (vitesse, fréquence, régularité, confort...) d’une part, et de localisation d’autre part.

La complexité liée à la non-standardisation du service n’est pas prise en compte dans les indicateurs agrégés « orientés offre ». La qualité de service est supposée homogène dans des indicateurs comme les véhicules-kilomètres ou les PKO. La Figure 21 montre un exemple de la diversité de l’offre entre des villes relativement comparables. Sur la partie gauche du graphique, on remarquera que Bordeaux, Nice et Toulon ne disposent pas de « TCSP lourds » 183 . Et il paraît a priori approximatif de comparer les performances des TCU de Bordeaux et Toulouse sans considérer cette différence structurelle. Il est par ailleurs très probable que ces différentes qualités de service impliquent des différences dans les ressources consommées en input.

Figure 21 : TCSP lourds dans les grandes villes de Province

Source : Enquête des cahiers verts

D’autre part, la spatialisation de l’offre n’est pas non plus prise en compte dans une variable agrégeant les kilomètres ou les places-kilomètres. Les caractéristiques spatiales des services sont ignorées, alors qu’elles peuvent être déterminantes sur le coût et l’utilité sociale de ce kilomètre. Par exemple, la variable PKO d’un réseau assimile sans distinction les places parcourant un kilomètre à n’importe quel endroit de l’agglomération. Et pour une offre kilométrique constante, si la part des trajets en périphérie passe de 10% à 50%, il paraît difficile de supposer que l’utilité sociale du service et son coût restent constants.

Les outputs orientés « demande » intègrent quant à eux la qualité de service, par le biais du choix des consommateurs. Si un service est de meilleure qualité (plus rapide par exemple), ceteris paribus, le nombre d’usagers ne peut pas diminuer. Toutefois, si la production des voyages dépend de l’offre, elle dépend aussi de la tarification et de paramètres propres à l’agglomération et à sa population. Tout ou partie de la qualité de l’offre est donc intégrée dans les indicateurs orientés demande, mais la comparaison entre deux lignes de bus ou deux agglomérations est rendue délicate par certains paramètres d’environnement (cf. infra.).

Notes
181.

 Un contre-exemple partiel est le « transport à la demande », dans le cadre duquel les moyens de transport collectifs ne sont mobilisés que si l’usager en fait la demande en contactant le centre d’appel.

182.

 La distinction entre « voyage » et « déplacement » est traditionnelle dans le secteur. Un déplacement peut être l’occasion de plusieurs voyages. Dès qu’il y a un changement de véhicule (correspondance) le déplacement correspond à deux voyages. Le taux de voyages par déplacement est généralement estimé par une enquête ad hoc. Ce taux est notamment conséquent dans les grandes agglomérations lorsque le réseau s’organise par un « rabattement » vers les axes lourds. Il augmente aussi lorsque le transport collectif est « pensé » en termes de réseau (fortes interconnexions) plutôt qu’en lignes relativement indépendantes.

183.

Transport en Commun en Site Propre sur voie ferrée, typiquement un métro ou un tramway