4.1.1.2 Le processus de choix de l’exploitant

La sélection des candidats

Dans un marché public, la sélection des candidatures se fait sur la base de documents « permettant d’évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat », et de documents « relatifs aux pouvoirs de la personne habilitée pour l’engager » (art. 45 du CMP). Les conditions sont donc définies très précisément 249 , et sont rassemblées dans les formulaires « DC4 » et « DC5 » traditionnellement demandés aux soumissionnaires de marchés publics.

Pour les DSP, de manière moins précise et détaillée, l’article L.1411-1 du CGCT stipule que « les candidats [sont] admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières (…) et leur aptitude à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public ». La condition de « garanties professionnelles et financières » (inscription au registre des transports, bilans et comptes de résultat des trois derniers exercices…) paraît relativement légitime, et pouvant être jugée sur la base de documents administratifs. Elle peut toutefois permettre d’écarter avant l’étude de ses propositions, tout candidat ne présentant pas encore de références correspondant au service à exploiter : les nouveaux entrants 250 , mais aussi les opérateurs n’ayant jamais exercé en France 251 , ou encore les opérateurs n’exploitant que des réseaux de taille inférieure. C’est un avantage concurrentiel qui serait accordé aux opérateurs en place, aux grands groupes français pour être tout à fait explicite.

Mais les conditions associées au service public (« continuité » et « égalité des usagers ») sont plus problématiques encore, car « beaucoup plus subjectives, voire insaisissables au moyen de documents administratifs » (CERTU 2003c, p. 35). Il y apparaît de façon plus manifeste, s’il le fallait, que les candidats qui ne sont pas déjà fortement implantés sur le marché français peuvent être écartés sans avoir la possibilité d’expliciter leur offre. De surcroît, la loi n’impose pas d’obligations de motivation d’une exclusion par les autorités organisatrices à ce stade de la procédure de DSP 252 . Un recours est bien entendu toujours possible, mais il est coûteux et incertain, et ne pourra pas, en tout état de cause, être mis en œuvre par les candidats qui se sont autocensurés (en ne faisant pas acte de candidature).

Dans les faits, il y a peu d’évictions des exploitants au stade de la candidature. Les exploitants répondent généralement bien aux critères administratifs fixés par l’AO 253 . Le CERTU (1998a, p.11) relève toutefois que « le motif invoqué le plus souvent [par les AO] est le manque de références dans l’exploitation de réseaux de taille comparable ». C’est pourtant illégal. En effet, les juges administratifs semblent relativement attentifs aux demandes de références tendant à restreindre le libre jeu de la concurrence. Ont par exemple été sanctionnées (GART 2001), les autorités publiques qui écartaient les candidats au motif :

  • De ne pas être « une entreprise qui ne disposait pas à la date de la soumission d’un parc d’autocars en rapport avec le service à assurer », Tribunal administratif de Nantes, 11 avril 1996, Cie des transports de l’Atlantique.
  • De « références pour les services publics de taille comparable », Tribunal administratif de Pau, 23 mars 2004, SIAEP de Fleurance.
  • De « références sur les trois dernières années attestant que [le candidat] est spécialisé dans le contrôle administratif, technique et financier des contrats d’affermage », Cour administrative d’appel de Douai, 31 mars 2005, Thermotique SA.

A l’issue de cette première sélection, les entreprises disposent en moyenne de 6,5 semaines (entre 4 et 8 semaines) pour répondre à la consultation des AO, et envoyer leurs offres (CERTU 1998a).

Notes
249.

« La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie » (Art. 45)

250.

Conscient de cette difficulté, le législateur a voulu souligner dans la loi du 2 janvier 2002 (codifiée à l’article L. 1411-1) l’état d’esprit à adopter, en précisant que « les sociétés en cours de constitution ou nouvellement crées peuvent être admises à présenter une offre dans les mêmes conditions que les sociétés existantes »

251.

L’opérateur britannique Southern Vectis a présenté une candidature dans au moins 9 réseaux entre 1993 et 1997 (CERTU 1997, 1998a). Après examen de ses candidatures et ses offres, il n’a été retenu dans une seule phase de négociation, à Epinal, réseau dans lequel l’entreprise locale sortante a été reconduite. Le groupe espagnol Siberbus a déposé au moins 3 offres entre 2000 et 2001 (CERTU 2003d), et il a mieux réussi à pénétrer le marché en remportant d’abord le réseau le plus proche de son siège, à Perpignan (1998), puis en devenant exploitant de ceux de Narbonne (2005) et d’Antibes (2006).

252.

« La loi du 11 juillet 1979 sur l’obligation de motivation ne semble pas s’appliquer ici a priori » (CERTU 2003c, p.43)

253.

Tout au plus, peut-on remarquer, si l’on est soupçonneux, que les « erreurs de débutant » des grands groupes sont parfois troublantes : la candidature de CGFTE (Connex) à Orléans est rejetée car l’entreprise aurait omis de joindre une attestation fiscale, et la candidature de Cariane (filiale SNCF) à Montbéliard est déposée hors délai (CERTU 1997).