4.2.3.2 Caractéristiques communes des systèmes européens et typologie

Dans le cadre de la réglementation européenne actuelle, cohabitent de multiples exemples d’organisation des transports publics urbains. L’autorité des transports peut jouer plusieurs rôles, plus ou moins dominants selon les États :

Concernant les deux premiers rôles, l’octroi de licences professionnelles et l’octroi des autorisation d’accès au marché, l’ambiguïté des termes doit être levée par quelques précisions.

Une licence professionnelle atteste de la capacité (réputation, fiabilité financière, compétence professionnelle) d’un opérateur à réaliser un service de transport en commun. Il est impossible de travailler sans licence professionnelle, y compris dans un système avec libre entrée. L’autorité en charge des les délivrer transforme la spécification à des standards techniques en laissez-passer juridiques.

L’autorisation est un droit, exclusif ou non, auquel les exploitants (avec licence) peuvent prétendre. L’autorisation d’exploitation en question concerne un service donné. Une procédure doit permettre à l’autorité de contrôler et de sélectionner le(s) candidat(s), notamment sur la base des conditions de rémunération.

En France, l’autorité organisatrice n’a pas de facto l’initiative de créer des services de TC, mais de jure. C’est la loi qui accorde exclusivement cette compétence à l’autorité organisatrice. Aucun service commercialement viable ne peut émerger par un processus de marché autonome, l’entrée n’est pas libre 315 . Cette situation, légalement contrainte, ne doit pas être confondue avec le cas où l’autorité prendrait de facto toujours l’initiative. Dans ce dernier cas, il s’agit d’un régime avec libre entrée (avec ou sans licence professionnelle).

La mise en œuvre selon différentes conceptions de l’ensemble des rôles reconnus au niveau européen aboutit à différents « modèles », différentes pratiques de l’organisation institutionnelle et opérationnelle des transports collectifs urbains. Le projet QUATTRO (1998) a utilisé une classification schématique des modèles organisationnels en vigueur dans l’Europe des transports en commun :

Cette classification identifie les trois grandes catégories de pratiques observables en Europe. La pratique contractuelle n’a pas le même sens selon le cadre réglementaire considéré. Les « règles du jeu » sont aussi très différentes.

Dans les modèles avec concurrence limitée, le contrat est le support essentiel de la mission déléguée. Dans les modèles de propriété publique, le contrat sert avant tout à clarifier les rôle et les responsabilités de chacun. La pression concurrentielle est uniquement interne : procédures d’appel d’offre internes ou benchmarking interne des performances. Dans le modèle dérégulé, aucun contrat entre les autorités publiques et les exploitants n’est exigé.

Dans la « dérégulation » britannique (sauf Londres), les compagnies privées y ont le droit d’initiative pour créer et adapter les services de transport offerts. Les autorités publiques ne peuvent qu’encourager les réponses aux besoins sociaux qui ne seraient pas spontanément satisfaits par le marché. Cette concurrence sur le marché est très orientée vers les gains en termes de coûts, mais a le désavantage d’être instable à moyen terme, voire porteuse de situations monopolistiques à plus long terme (Darbera 2004). Dans les systèmes régulés, avec une concurrence pour le marché, la priorité est implicitement donnée à une offre plus stable et plus intégrée verticalement. La question de la productivité est généralement traitée par des instruments indirects : comparaison longitudinale d’indicateurs clés ou comparaison croisée (benchmarking) entre des réseaux relativement proches.

Figure 39 : Formes organisationnelles dans le transport public en Europe

Source : Van de Velde (1999, 2002), ISOTOPE (2001) et MARETOPE (2001)

A partir de fondamentaux communs, d’un nombre limité de rôles des autorités organisatrices, les modèles d’organisations mis en œuvre dans les agglomérations européennes sont clairement variables. D’une part, aucun modèle n’a encore montré sa supériorité systématique, même si celui de la concurrence régulée tend quelque peu à se généraliser (il est clairement favorisé par la nouvelle proposition de règlement, cf. p.230). D’autre part, puisque les objectifs des autorités locales ne sont pas toujours les mêmes (coûts, rôle social, aménagement du territoire, environnement, congestion) ou évoluent 316 , il paraît bien légitime que les outils utilisés soient différents.

La Figure 39 propose de rassembler les forme d’organisation existant en Europe dans une typologie simplificatrice mais utile pour comprendre la diversité des situations. Les deux dimensions retenues sont « l’initiative », puis l’unicité ou non dans le cas d’une initiative publique, et la modalité d’accès au marché dans le cas d’une initiative privée. La France, pour le transport urbain en Province, se situe dans les deux catégorie en bas à droite, selon que l’opérateur est une régie ou un délégataire privé (ou semi-public). Les cas d’allotissement se retrouvent dans la catégorie « Planification centrale et appels d’offres ». Ils concernent principalement les pays du nord de l’Europe.

L’étude détaillée de ces dispositifs d’allotissement constitue le point de départ des travaux de Nicolas Puccio. Nous renvoyons donc le lecteur aux recherches et futures recherche de N. Puccio 317 pour plus de détails. Nous ne traiterons ici que le cas le Londres, de manière à illustrer notre propos.

Notes
315.

Rappelons pour l’exemple, qu’aucun service de car régional régulier ne peut être mis en œuvre par une entreprise si la Région ne le décide pas elle-même, même s’il est rentable financièrement. Alors même que les cars transportent partout dans le monde plutôt des personnes non motorisées (jeunes, pauvres, personnes agées) et que ce mode peut parfois avantageusement remplacer un service ferroviaire déficitaire, les entreprises n’ont pas le droit d’initiative, quand bien même elles auraient une meilleure connaissance du marché que les élus du Conseil régional. D’aucuns suspectent une protection inefficace de la SNCF.

316.

On observe depuis 2000 dans de plus en plus nombreux cas, une moindre attention sur les coûts, et plus grande focalisation sur la compétitivité par rapport à l’automobile, donc sur la qualité de service rendu au client

317.

Thèse en cours sous la direction d’Yves Croissant, financée par Véolia Transport.