École inclusive

L’expérience acquise avec l’intégration scolaire et toute la réflexion qu’elle engendra sur l’école qui exclut une partie considérable de ses élèves, pas seulement ceux qui se trouvent en situation de handicap, aida à enclencher le mouvement de l’inclusion qui prétend promouvoir la réussite personnelle et académique de tous les élèves, dans une école inclusive.

Nous pouvons dire que inclusion est le mot qui aujourd’hui prétend définir l’égalité, la fraternité, les droits de l’homme ou la démocratie (Wilson, 2000), concepts que nous aimons, mais que nous ne savons pas ou ne voulons pas mettre en pratique. L’inclusion scolaire prend ses origines au centre des personnes en situation de handicap et s’insère dans les grands mouvements contre l’exclusion sociale, célébrant la diversité humaine (Ainscow & Ferreira, 2003). Pour ceci, nombreux sont ceux qui pensent que l’inclusion scolaire est pour les jeunes en situation de handicap, mais pas, elle doit prendre en considération tous les enfants et les jeunes auxquels sont attribués des besoins éducatifs.

L’école dans laquelle nous vivons et travaillons, microcosme social, est loin d’accomplir ces prérogatives, mais il y a un chemin à parcourir et un rêve à diriger la vie (Gedeão 1956) 23 : la participation à la construction d’une société démocratique, au sein de laquelle la justice, le respect d’autrui et l’équité sont les grands principes d’être et d’exister avec les autres et avec soi, ce qui, naturellement, sera générateur d’écoles véritablement inclusives. Ce positionnement oblige à adopter un autre regard et un autre sentir en relation à la richesse sociale, à la diversité humaine, dans ses formes les plus variées et dans ses différents contextes de co-habitation. Ce nouveau regard sur la diversité humaine a enclenché un mouvement en Angleterre et aux USA (Hegarty, 2005) 24 qui culmina avec la signature de la Déclaration de Salamanque (1994) par laquelle 92 pays et 25 organisations internationales se sont engagées à mettre en pratique le principe fondamental des écoles inclusives:

Les écoles intégratices 25 partent du principe fondamental que tous les élèves d’une communauté doivent apprendre ensemble, dans la mesure du possible, quels que soient leurs handicaps et leurs difficultés. Elles doivent reconnaître et prendre en compte la diversité de leurs élèves, s’adapter à des styles et à des rythmes d’apprentissage différents et assurer une éducation de qualité grâce à des plans d’études, une organisation scolaire et une utilisation des ressources adaptés, ainsi qu’à un partenariat avec la communauté. Il faut assurer que l’appui et les services fournis correspondent exactement aux besoins spéciaux quels que soient leurs niveaux. (Déclaration de Salamanque, 1994: 11-12 26 ).

Selon Thomas, Walker et Webb (1998), le Center for studies on inclusive education (CSIE) définit une école inclusive comme une école qui:

Nous avons réussi à trouver dans cette définition les grands principes énoncés dans la Déclaration de Salamanque, quand elle propose que l’éducation se doit d’instaurer au sein des écoles régulières, des écoles inclusives, qui doivent mettre en œuvre les moyens les plus efficaces pour combattre les attitudes discriminatoires, en créant des communautés ouvertes et solidaires, en construisant une société inclusive et en atteignant l’éducation pour tous et, par delà, qui offrent une éducation adéquate à la majorité des enfants et promeuvent l’efficience, dans une relation coût/qualité optimale, de tout le système éducatif.

Cet ensemble de principes, encore loin d’être pris en compte dans les pratiques quotidiennes, nous conduit vers des communautés d’apprentissage (Mialaret 2003; Canário, 2005; Armstrong & Barton, 2003) 27 ouvertes à tous, où la disponibilité pour enseigner et pour apprendre émerge de chacun de ses membres, sans espaces et sans temps obligatoires et prédéterminés.

Une des idées clé de l’école inclusive est justement que l’école doit être pour tous (Ainscow, 1995; Rodrigues, 2001; Correia, 2001; Armstrong, 2001; Warwick, 2001 pour ne citer que quelques auteurs), tous les élèves, indépendamment de leur sexe, couleur, origine, religion, condition physique, social ou intellectuelle, ce qui pose le problème de la gestion de la différence, en considérant la différence comme une force et une base de travail:

L’école inclusive est une école où l’on célèbre la diversité, en l’envisageant comme une richesse et non comme quelque chose à éviter, en ce que les complémentarités des caractéristiques de chacun permettent d’avancer, au lieu d’être vues comme des menaces, comme un danger qui fait courir un risque à notre propre intégrité, juste parce qu’elle est culturellement différente de celle de l’autre que nous avons comme partenaire social. (César 2003:119)

L’école inclusive, l’école de qualité et d’équité pour tous les élèves (Ainscow, 1991) se fait, d’un côté par ceux qui se trouvent dans des situations problématiques et, de l’autre, par tous ceux qui, dans le même temps, ne sont pas à l’épreuve de ces situations. Les premiers doivent désirer et vouloir dépasser, au plus qu’il soit possible, la situation dans laquelle ils se trouvent tandis que les seconds s’obligent à être ouverts et à se rendre disponibles pour les laisser aller jusqu’où il est possible, et à aider à créer les conditions nécessaires à cette réalisation. Les uns et les autres ont à gagner et à perdre sur la trajectoire à parcourir, mais le résultat final sera à coup sûr positif pour les deux parties, une fois que «si, comme disait João dos Santos 28 (…), nous ne construisons notre identité que par contrepoint à l’existence des autres qui se distingue de nous, alors l’inclusivité fait tout le sens.» (César, 2003:119).

La construction de l’école inclusive est aussi une tâche qui incombe aux des professeurs, aux des parents et aux des gouvernants, en leur qualité d’agents générateurs et gestionnaires des conditions et des ressources, et encore protagonistes exemplaires de mentalités ouvertes au changement et au respect et à la célébration de la diversité humaine (Ainscow, 1999, Mittler, 2000).

Avec l’école inclusive, les élèves, tous les élèves, sont à l’école pour apprendre, en participant. Ce n’est pas juste la présence physique, c’est l’appartenance à l’école et au groupe, de telle manière que l’enfant/le jeune sent qu’il appartient à l’école et que l’école se sent responsable pour son élève (Rodrigues, 2003). Il s’agit de s’engager à développer une pédagogie «capable d’éduquer tous les enfants avec succès, incluant les plus défavorisés et ceux qui présentent des handicaps graves.» (Soriano, 1999:11), dans une perspective de ce que l’enseignement doit s’adapter aux besoins des élèves, bien plus que de l’adaptation de ceux-ci aux normes préétablies:

Le principe orienteur de cet Encadrement de l’action consiste à affirmer que les écoles doivent s’ajuster à tous les enfants, indépendamment de leurs conditions physiques, intellectuelles, linguistiques ou autres. Dans ce concept elles devront inclure les enfants avec déficiences ou surdoués, enfants des rues ou enfants qui travaillent, enfants des populations éloignées ou nomades, enfants des minorités linguistiques, ethniques ou culturelles, et enfants des zones ou des groupes défavorisés ou marginaux. (Déclaration de Salamanque, 1994:11)

Pour que les écoles deviennent plus inclusives, selon Ainscow (2000), il est nécessaire qu’elles assument et valorisent leurs connaissances et leurs pratiques, qu’elles considèrent la différence comme un défi et une chance de créer de nouvelles situations d’apprentissage, qu’elles soient capables d’inventorier ce qui empêche la participation de tous, qu’elles se rendent disponibles pour utiliser les ressources disponibles et en générer d’autres, qu’elles utilisent un langage accessible à tous et qu’elles aient le courage de courir des risques.

Ainscow (1995:24) propose de porter une attention spéciale à six «conditions» qui peuvent être des facteurs importants de changement dans les écoles:

Comme nous pouvons le vérifier dans les paroles de l’auteur cité ci-dessus, le processus éducatif est le résultat de l’effort de tous et tous sont co-responsables dans la résolution des problèmes qui sont les leurs. La coopération et le partage des expériences et des savoirs est une forme d’encourager le non à l’isolement et à la création d’espaces de formation, d’investigation, d’action et de réflexion. Pour que les réponses trouvées aux problèmes soient pertinentes, opportunes et adaptées, elles doivent être construites dans les contextes dans lesquels se posent les problèmes et avec les intéressés dans leur résolution, ce qui oblige a des «modifications méthodologiques et organisationnelles» (Ainscow, 1995) importantes dans l’école.

En considérant sa réflexion sur cette matière et la grande dynamique qu’il a développée dans l’accompagnement de projets de création d’écoles plus inclusives 29 , conjointement avec T. Booth, il a élaboré un manuel des bonnes pratiques d’inclusion l’«Índex for inclusion: developing learning and participation in schools» qui est en train d’être testé en Angleterre et dans les pays que les auteurs appuient et accompagnent 30 Il est développé autour de trois grandes dimensions: les pratiques, les politiques, et les cultures, obligeant les écoles à réfléchir sur elles-mêmes et à introduire des changements dans les différentes dimensions.

Sous la supervision de M. Ainscow et à l’instar d’autres pays, l’Institut de l’innovation éducationnelle a lancé au Portugal en 1995, le Projet écoles inclusives qui impliqua, dans quatre régions éducatives (académiques), des écoles du 1er, 2ème et 3ème cycles de l’enseignement de base et 154 professeurs. Le projet, initialement programmé pour un an, fut prolongé et favorablement évalué, ayant lui même provoqué la réflexion théorico-pratique et l’expérimentation de solutions innovatrices dans les écoles (Costa, 1998).

Notes
23.

«Ils ne savent pas, ni même ne rêvent/ que le rêve dirige la vie/ que toujours qu’un homme rêve/le monde saute et avance/comme une balle colorée entre les mains d’un enfant» A. Gedeão (1956) Movimento perpétuo.

24.

Conférence réalisée à la faculté de Motricité Humaine, 3 mai 2005

25.

Inclusive school, en anglais, escola inclusiva, en portugais. En France, à la Déclaration de Salamanca et à d’autres documents de L’Unesco, ou même de l’ European Agency for Development in Special Needs éducation, le mot anglais inclusive a été traduit par intégrative (voir EuroNews 13/2005, par exemple).

26.

Version française de la Déclaration de Salamanca.

27.

Armstrong e Barton (2003) donnent l’exemple de Ullswater Community College, comme une communauté inclusive.

28.

Eminent psychiatre et éducateur portugais (XXème).

29.

Cette dynamique a été aussi développée au Portugal où M. Ainscow a accompagné le développement de projets dans ce cadre.

30.

Information recueillie dans Inclusive and Supportive Education Congress «Inclusion :Celebrating DiversitY ?», Glasgow, 1-4 Août /2005 Dans le congrès divers projets furent présentés dans ce cadre.