2.1. De l’intégration scolaire/éducation spéciale…

Après que le droit de tous à l’éducation a été consacré dans la Constitution de la République Portugaise 79 (1976), les principes [bases] d’orientation de l’éducation des élèves relevant de la catégorie des individus avec des besoins éducatifs spéciaux (NEE), dans une perspective de droit à l’éducation dans des structures ordinaires d’enseignement, dans le cadre le moins restrictif possible, au Portugal, sont consacré(e)s aux diplômes suivants:

  • Loi n°46/86, 14 octobre 80 — Loi de bases du système éducatif, consacre la droit de tous à l’éducation, dans les institutions ordinaires d’enseignement, si possible;
  • Loi n°9/89, 2 mai — Loi de Bases sur la prévention, la réhabilitation et l’intégration des personnes avec déficience 81 ;
  • Décret n°35/90, 25 janvier — établit la gratuité et l’obligation scolaires pour les élèves avec des besoins éducatifs spéciaux, d’origine physique ou mentale;
  • Décret n°319/91 du 23 août 82 — établit le régime éducatif spécial pour les élèves avec des besoins éducatifs spéciaux;
  • Arrêté Conjoint 36/SEAM/SERE/88 du 17 août — règlement des équipes d’éducation spéciale.

Tous ces documents législatifs faisaient référence à l’accueil des élèves avec des besoins éducatifs spéciaux basé sur une perspective centrée sur le déficit de l’élève et sur sa réhabilitation/rééducation, en s’appuyant sur un programme spécifique, élaboré et développé par des spécialistes ou placé sous leur contrôle.

L’intégration des enfants et des jeunes en situation de déficience sensorielle fut initiée au début des années 60, sous la responsabilité du ministère de l’éducation, sans un encadrement légal 83 , mais appuyée par la division de l’enseignement spécial (Direction générale de l’enseignement de base) et par la division de l’enseignement spécial et professionnel (Direction générale de l’enseignement secondaire) qui ont compétence pour organiser des structures éducatives pour «déficients ou inadaptés».

La Loi de bases du système éducatif (Loi nº46/86, du 14 octobre) fixe comme objectif «assurer aux enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, dus, nommément, à des déficiences physiques et mentales, des conditions adéquates à leur développement et à la pleine jouissance de leurs capacités.» (Art.7), mais, faute de réglementation, elle n’eut pas de répercussions, dans l’immédiat, en termes d’orientation des pratiques.

Le décret n°35/90, du 25 janvier, a rendu obligatoire l’école pour tous, aucune école ne pouvant, en termes formels, refuser l’inscription à aucun élève. Cependant on ne vérifie pas la dotation des écoles en moyens nécessaires pour répondre à la diversité des publics qui, par suite, vont chercher l’école, par volonté propre ou par nécessité d’obtenir le certificat d’inscription pour pouvoir accéder aux subsides payés par l’État (aide financière pour la famille, salaire minimum, par exemple). Dès lors, chaque fois qu’elles le peuvent, les écoles tentent de refuser l’inscription des enfants avec des besoins éducatifs spéciaux en arguant du manque de conditions.

En 1991, le Décret 319, vint réglementer et proposer des mesures à suivre pour l’intervention éducative auprès des élèves relevant de besoins éducatifs spéciaux. Ces mesures expriment, en partie, les pratiques déjà développées dans les écoles qui découlent de l’évolution des pratiques et du concept d’intégration:

  • (i) la catégorisation des élèves, fondée sur des critères médicaux est remplacée par le concept d’«élèves avec des besoins éducatifs spéciaux» basé sur des critères pédagogiques 84 ,
  • (ii) l’école ordinaire acquiert la charge et la responsabilité en ce qui concerne les «problèmes des élèves avec une déficience ou avec des difficultés d’apprentissage»,
  • (iii) l’école s’ouvre à tous, dans une perspective de l’«école pour tous»,
  • (iv) le rôle des parents dans l’orientation éducatif de leurs enfants est reconnu,
  • (v) un ensemble de mesures consacre le «régime éducatif spécial», pour les élèves avec des besoins éducatifs spéciaux qui doit «se réaliser dans un milieu le moins restreint possible».

Le régime éducatif spécial est un ensemble de mesures qui conduisent à l’«adaptation des conditions dans lesquelles se réalise l’enseignement-apprentissage des élèves avec des besoins éducatifs spéciaux» (Art.2). Ce sont: des équipements spéciaux de compensation, des adaptations matérielles et curriculaires, des conditions spéciales d’inscription, de fréquentation (de présence) et d’évaluation, d’adéquation dans l’organisation des salles de classe ou des groupes-classes, de soutien pédagogique accru et d’enseignement spécial. La Division de l’éducation spéciale consacra ses efforts, en particulier, dans la mise en œuvre de ce décret, en ayant produit divers matériels de soutien et des normes d’orientation, parmi celles-ci, on trouve l’Arrêté 173/ME/91, du 23 octobre qui renforce la nécessité de mettre en œuvre les mesures du régime éducatif spécial dans un milieu le moins restrictif possible, de telle que les conditions de fréquentation s’approche au plus près du régime éducatif commun.

L’alinéa "i" du même décret, enseignement spécial, commence à avoir un rôle de stigmatisation: les élèves ne sont déjà pas désignés par élèves avec des besoins éducatifs spéciaux, mais par les alinéa i, ils ont perdu le statut d’élèves. Ce sont les cas les plus problématiques ou auxquels on attribue la plus grande problématique. C’est pour eux qu’il est obligatoire de faire le plan éducatif individuel mais aussi le programme éducatif, documents qui doivent faire partie du processus, mais qui n’accomplissent pas les objectifs pour lesquels ils furent créés: le diagnostic éducatif bien instruit de l’élève et la programmation des mesures adaptées à ce diagnostic, obligeant à sa reformulation, chaque fois que la situation le justifie. Il y a la préoccupation de le faire parce qu’il doit faire partie du processus de l’élève et ceci fut un pas important, mais il manque ce qui le rend réellement applicable.

Le fait de ne pas avoir eu à cette époque une définition opérationnelle du concept d’«élèves avec des besoins éducatifs spéciaux» a fait que ce concept nous est parvenu avec un sens toujours plus étroit à tel point qu’aujourd’hui les besoins éducatifs spéciaux (ou de caractère permanent comme ils furent désignés après par le Décret 6/2001, du 18 janvier) sont devenus synonyme de «déficience», en ne recouvrant pas les difficultés d’apprentissage. Ceci explique le fait qu’à cette époque divers articles sont sortis pour prendre en considération les difficultés d’apprentissage (Arrêté 98-A/92 du 20 juin, Arrêté 178-A/ME/93 du 30 juin, et l’Arrêté 22/96 du 19 juin 85 ) sans articulation entre eux et sans une quelconque référence au régime éducatif spécial du Décret 319/91 (Niza, 1996; Sanches, 2000b).

Les préoccupations des enseignants d’éducation spéciale et des écoles en générale, à cette époque, se situaient principalement au niveau de la réponse aux cas de l’échec scolaire, résultants de problématiques qui n’avaient pas à voir avec les déficiences sensorielles, celles-ci dûment attestées par les rapports médicaux respectifs (l’école, leurs professeurs et les organismes de gestion ne voulurent jamais assumer la compétence que leur attribuait le Décret 319/91: faire le diagnostic pédagogique de leurs élèves) et appuyées par les enseignants de l’éducation spéciale. Pour tous les cas qui avaient à voir avec les difficultés d’apprentissage, il n’y avait pas la capacité de réponses de la part des enseignants d’éducation spéciale.

Dans un moment où se dessinait déjà le mouvement de l’inclusion, surgit le Décret qui réglementait l’éducation spéciale, avec l’intervention éducative centrée sur l’enfant, dans une perspective compensatrice, réalisée ou supervisée par des enseignants spécialistes, les enseignants de l’éducation spéciale, si possible. L’école se maintient immuable dans son essence, continue à dévaloriser les différences et à s’organiser sur l’homogénéité: les classes homogènes, l’élève moyen, la normalisation, l’enseignement individualisé, le plus possible. Il aurait été très important que ce décret soit promulgué 20 ans plus tôt, à l’époque où le processus d’intégration était à ses débuts. Il est toujours en vigueur à l’heure où nous réalisons ce travail, étant l’article législatif qui a le plus de poids dans la définition des mesures à prendre en relation aux élèves reconnus avec des besoins éducatifs spéciaux et lui même est un facteur de stigmatisation de ces élèves 86 .

La même année, le Décret-Loi n°190/91, du 17 mai, créa dans les établissements d’éducation et d’enseignement publique les services de psychologie et d’orientation qui n’eurent pas grande expression, en termes nationaux, car les mesures nécessaires ne furent pas prises pour affecter les ressources qui les rendent opérationnels.

Notes
79.

Jusqu’aux années 70, l’éducation des enfants et des jeunes en situation de déficience était assurée par le Ministère de la sécurité sociale, sous forme d’assistance, dans les écoles et les institutions de sa responsabilité et de sa gestion. Dans les années 70, il y eut des expériences d’intégration, dans l’enseignement ordinaire, d’enfants avec une déficience visuelle, sous la responsabilité du Ministère de la sécurité sociale.

80.

Elle a subi des modifications par la Loi n°115/97, du 1er septembre, mais elle reste en vigueur; la nouvelle proposition de loi présentée par le Gouvernement, en 2004, fut interdite par le Président de la République.

81.

Révoquée par la Loi n°38/2004, 18 août.

82.

Un avant-projet de Décret-Loi fut mis en discussion publique en 2004; il y eut une grande contestation publique; le Gouvernement changea; il ne parvint pas à être approuvé.

83.

Il faut considérer la circulaire 174/77.

84.

Ils ne furent jamais mis en pratique dans les écoles (Sanches, 2000b).

85.

Cet Arrêté a donné la possibilité à l’école de faire des groupes-classes avec des élèves qui connaissaient des échecs répétés, au travers d’un curriculum différent du curriculum normal. C’était la différenciation pédagogique exclusive. Les élèves, en majorité, se considéraient comme les «anormaux» et nombre d’entre eux ne voulaient pas intégrer ces classes. L’expérience prit fin peu après.

86.

Ce sont les élèves du 319 et les autres «J’ai 3 "319"»; on dit aussi dans le jargon: «J’ai 3 alinéas i».