3.1. A propos des enseignants de soutien éducatif: concept, fonctions et pratiques

Le mouvement de l’école inclusive/éducation inclusive, dans une perspective d’éducation pour tous, vient introduire, dans les systèmes éducatifs, un nouveau concept: le soutien éducatif, qui remplace la traditionnelle désignation éducation spéciale. La dénomination enseignant de soutien succède au terme d’enseignant d’éducation spéciale, ce qui déplace la perspective d’intervention centrée sur l’élève vers une action ciblant l’enseignant et la classe. Le but du soutien à l’enseignant, selon Soriano (1999: 12), est d’ «aider indirectement les élèves à besoins spécifiques, à travers un travail professionnel réalisé en collaboration avec les enseignants de classe». C’est à Porter (1991, 1997) que l’on va chercher le fondement de cette nouvelle désignation, bien qu’il ait appelé ce nouveau professionnel «enseignant de méthodes et de ressources».

On préconise que l’enseignant de soutien éducatif soit une ressource de l’école, de l’enseignant de classe et de la classe (Porter, 1991, 1997); qu’il travaille avec ses semblables en les aidant à développer des stratégies et des activités; qu’il privilégie le travail en équipe dans la salle de cours; qu’il dirige son action vers tout le groupe et non pas vers un élève spécifique; qu’il aide à résoudre les problèmes et à utiliser les meilleures stratégies pour l’enseignement. Cette dynamique recommandée à l’enseignant de soutien éducatif se trouve directement liée à une autre, beaucoup plus élargie: celle des écoles inclusives et de l’éducation pour tous (Ainscow, 1991, 1995), qui encourage, dans une perspective d’éducation inclusive, l’accès et l’équité des élèves reconnus à besoins éducatifs spéciaux (Wang, 1994).

Selon Porter (1997: 41), les fonctions suivantes sont attribuées aux enseignants de méthodes et de ressources 101 :

  • élaborer le projet et le développement programmatique ;
  • accomplissement du programme ;
  • services d’évaluation et d’orientation ;
  • actions de supervision ;
  • communication et coordination ;
  • enseignement direct.

Selon le même auteur, ces enseignants ne doivent pas être considérés comme des spécialistes tenus de donner une solution aux problèmes qui surgissent dans la salle de classe, mais ils doivent plutôt être vus comme quelqu’un qui aide à les résoudre. Pour un plus grand prestige auprès de leurs collègues, il est important qu’ils aient des expériences valables réalisées dans les classes d’enseignement régulier et qu’ils possèdent des «connaissances spécifiques importantes pour l’éducation d’élèves à besoins éducatifs spéciaux» (p.41).

L’éventail de demandes requis à ces enseignants est vaste, ce qui oblige à un travail conjoint avec l’administration de l’école, les enseignants de classe, les parents, les techniciens de l’éducation, de la santé et de la sécurité sociale, l’élève lui-même, quand ceci s’avère nécessaire. Tout cela exige:

  • disponibilité ;
  • ouverture quant à l’analyse des situations ;
  • ouverture à l’expérimentation et à l’apprentissage à travers l’action ;
  • attrait pour les défis ;
  • détermination de collaborer quant à la résolution de problèmes difficiles ;
  • rapports humains salutaires ;
  • expectatives positives face au changement et aux compétences des élèves ;
  • confiance vis-à-vis du travail des enseignants de classe ;
  • observation attentive et valorisation des détails ;
  • « écouter » les autres ;
  • réponse à des imprévus ;
  • coopération et co-responsabilisation ;
  • travail en équipe ;
  • interaction et communication adéquates aux situations ;
  • flexibilité d’horaires ;
  • vision globale et optimiste,
  • dévouement à la profession et au développement personnel et professionnel ;
  • valorisation du travail, comme forme d’accéder au succès soutenu.

En plus de cette conception globale de cet enseignant, ses compétences spécifiques doivent embrasser divers savoirs déjà confirmés par la communauté éducative et d’autres qu’il devra construire grâce à l’expérience et à la réflexion qu’il fera sur celle-ci avec d’autres participants, entre lesquels se détachent les élèves eux-mêmes, dans un processus continu et continuel de recherche-action. Le savoir et le savoir-faire sont importants en terme de gestion du curriculum, qui est compris comme l’ensemble des expériences et des activités qui sont mises à la disposition de l’élève pour mettre en oeuvre son apprentissage, non seulement pour garantir le succès social de l’école, mais plutôt pour soutenir le développement personnel et académique de l’élève. Il est du devoir de l’enseignant de soutien éducatif d’acquérir les compétences pour savoir opérer la flexibilité du curriculum, tout en garantissant la distinction inclusive de celui-ci, laquelle émerge du projet éducatif de l’école et des caractéristiques spécifiques de la classe en question. Cette flexibilité aura pour but l’élaboration, en collaboration avec les enseignants de classe, du projet de la classe. Le savoir et le savoir-faire sont aussi importants en ce qui concerne l’intervention, étant donné la diversité des stratégies et des activités, méthodologies différenciées (Bailey, 1997), que celle-ci exige bien comme à l’évaluation continue et continuelle du processus et des produits.

En salles de classe hétérogènes, l’action dont l’enseignant de soutien éducatif est co-responsable doit être supportée par un processus d’où découle de nouvelles questions et de nouvelles/ autres approches des situations à travailler ; un processus continu et systématique de planning/ action/ réflexion/ évaluation avec tous ceux qui y interviennent et qui devra tenir en ligne de compte, dans une perspective d’éducation inclusive, des principes conseillés:

  • débuter toujours de ce que l’élève/ groupe sait déjà ;
  • élaborer des objectifs passibles d’être atteints par l’élève/ groupe ;
  • évaluer systématiquement les objectifs déterminés et travaillés ;
  • inclure les nouveaux apprentissages dans les expériences, intérêts et besoins de l’élève/ groupe ;
  • définir le contexte des apprentissages et les rendre fonctionnels ;
  • déclencher les apprentissages au sein du groupe et avec le groupe d’élèves, en imprimant une dynamique coopérative ;
  • utiliser les élèves comme ressource éducative ;
  • établir, avec les professeurs de la classe, un travail pédagogique d’équipe ;
  • impliquer, aussi souvent que possible et nécessaire, d’autres techniciens ;
  • engager la famille dans tout le processus, depuis le rassemblement de l’information jusqu’à l’évaluation ;
  • impliquer l’école et sa dynamique, en tant que communauté éducative. (Sanches, 2005: 177)

Que pouvons-nous attendre du rôle à jouer par les enseignants de soutien éducatif 102 quant à la construction des réponses à donner aux élèves ? Selon Ainscow (1997: 27), les réponses peuvent cheminer vers le (i) «maintien non intentionnel du status quo», vers (ii) l’adaptation des conditions éducatives existantes ou vers le (iii) «changement, effectué à partir du travail réalisé avec les collègues, de ces mêmes conditions, en en faisant jaillir de nouvelles, capables de faciliter l’apprentissage de tous les élèves». L’enjeu d’Ainscow, quand il travaille avec les responsables et avec les enseignants, dans différents pays, tout en encourageant et en construisant des écoles plus inclusives, est le changement.

Quand surgissent des cas difficiles, pourquoi venir en aide au professeur titulaire de classe/ équipe éducative? Il faut comprendre les craintes qui assaillissent les professionnels car elles créent des obstacles à l’accueil et au développement des stratégies nécessaires à l’apprentissage et qui encouragent le succès de chacun. Ces craintes sont variées et se trouvent liées, entre autre :

  • à la méconnaissance des moyens matériels et humains que l’école, la classe et l’élève lui-même possèdent – les écoles en font toujours moins que ce qu’elles peuvent vraiment faire et les élèves sont eux-mêmes de vrais guides d’utilisation pour aider à résoudre leurs problèmes (si on fait attention, on remarquera les façons astucieuses trouvées par certains élèves pour manipuler les matériaux ; comment ils se font comprendre, quand ils ont des problèmes de communication, ou bien comment ils trouvent des ruses pour accéder aux objets dont ils ont envie) ;
  • au sentiment de ne pas être à la hauteur pour répondre aux attentes des parents ;
  • à la surcharge de travail exigée par le planning, développement et évaluation continue et systématique des activités différenciées et implantées en salle de classe ;
  • aux représentations liées à la différence, spécialement au handicap, au sentiment d’incapacité et au manque de connaissances spécifiques ;
  • au questionnement de son identité professionnelle ;
  • au sentiment d’être envahi de l’extérieur et d’être observé dans sa pratique (Detraux & Biot, 2003).

Notes
101.

Tout le fondement relatif à ces professeurs a été adopté, toutefois, la désignation suggérée par Porter n’a pas été admise. Ces professeurs sont aujourd’hui appelés professeurs de soutien éducatif.

102.

Ainscow (1997) n’emploie pas la désignation “professeurs de soutien éducatif”, il étend sa reflexion à tous les spécialistes.