Enseignants d’éducation spéciale, années 80

Voyons ce que se passe aux années 80, en tenant comme point de départ le tableau que se suit :

Tableau 17 – Enseignants d’éducation spéciale, années 80
Années Terminologie adoptée Concepts
dominants
Conceptions pédagogiques
dominantes
Contexte social, politique et éducatif Profils et objectifs de formation Institut de formation
Années 80 -Enseignants d’éducation spéciale
-Spécialisation dans les problèmes de la communication, motricité, cognition (ESE, Lisbonne)
-Spécialisation dans les problèmes auditifs et de langage, visuels, handicap mental, problèmes moteurs, …
(ESE, Porto)
-Besoins éducatifs spéciaux
-Education spéciale
-Accompagnement de tous les élèves dans le système régulier d’enseignement
-Construction et expérimentation de situations innovatrices
-Réflexion sur la pratique et approfondissement théorique sur les questions que celle-ci suscite
-Précocité dans la détection et dans l’accompagnement
-Types différenciés de soutien pédagogique
-Sciences de l’éducation
-Accompagnement des besoins éducatifs spéciaux
-Recherche et innovation pédagogique
-Professeur réflexif
-Professeur chercheur
-Objectifs sociaux, politiques : démocratie et développement
-Entrée dans la CEE
-Création des Polytechniques
-Formation universitaire pour tous les professeurs
-Loi des bases du système éducatif (Loi 48/ 86)
-Réforme du curriculum
-Exercice de l’enseignement d’enfants à besoins éducatifs spéciaux -Ecole Supérieure d’éducation de l’Institut Polytechnique de Lisbonne 125
-Ecole Supérieure d’éducation de l’Institut Polytechnique de Porto

Dans tout le pays, à peine deux institutions situées à Lisbonne et à Porto forment des enseignants d’éducation spéciale, ce qui devient insuffisant pour parvenir aux besoins des écoles, dans lesquelles un plus grand nombre d’enfants et de jeunes révèle des besoins éducatifs et requiert un soutien pour mener à bon port son parcours scolaire. Le manque d’enseignants spécialisés 126 déclenche l’entrée, dans ce secteur, d’un nombre élevé de personnes qui, par manque de placement dans les proximités de sa résidence et/ou par difficulté d’enseignement dans les classes normales, voit ici son problème résolu. Evidemment, dans plusieurs cas, cette situation subvertit le principe d’une éducation spéciale.

Les soucis vis-à-vis de la formation visent leur répercussion dans les pratiques des professeurs et ont à voir avec la considération de l’individu, dans son ensemble, en tenant compte que son handicap est un des aspects à examiner pour définir son intervention pédagogique contextuelle, quant aux aspects sociaux, scolaires et familiaux. La perspective d’intervention centrée sur l’élève se maintient, mais l’intervention compensatoire de réhabilitation/rééducation va évoluer vers une intervention (moins d’enseignement, plus d’éducation), qui a comme grand objectif le développement des domaines faibles, en partant des domaines forts de celui-ci, c’est-à-dire de ce qu’il sait pour le mener à un développement global et équilibré.

Les enseignants d’éducation spéciale commencent à sortir de leur domaine de spécialisation pour essayer de répondre aux demandes des écoles et des enseignants ordinaires, en ce qui concerne les difficultés au niveau des apprentissages, intimement liées à des problèmes de comportement et d’indiscipline dans la salle de classe. Il est préconisé que la réponse soit individuelle, pertinente, opportune et adaptée à l’élève et au contexte où il s’insère, ce qu’on essaye d’obtenir en spécialisant ces professeurs sous un rapport de professeur-chercheur, c’est-à-dire, un professeur qui à partir de l’analyse et de la compréhension de la situation, cherche à déchaîner les réponses adéquates.

La législation spécifique, qui soutient et oriente les pratiques que l’on souhaite que les enseignants mettent en action dans les écoles, n’est pas publiée. En conséquence, certaines écoles voient d’un bon oeil l’intégration des élèves à problèmes et mettent en action ces pratiques alors que d’autres continuent à révéler une certaine prudence par rapport à celles-ci.

Le stigmate du handicap, qui caractérisait l’individu et qui le remplaçait essaye de se diluer progressivement grâce à l’introduction d’une catégorie : les « besoins éducatifs spéciaux » qui englobe et « (con)fond » les nombreuses , anomalies/ handicaps pour miser sur une réponse éducative qui doit être construite pour lui et avec lui et qui peut avoir besoin: (i) de moyens complémentaires qui facilitent l’accès au curriculum (langage gestuel, Braille, machine, ordinateur,…) ; (ii) d’utiliser une méthode plus analytique dans les apprentissages (détail ou division des matières) et (iii) de transformer le climat et l’organisation de la salle de classe 127 .

Les enseignants d’éducation spéciale, groupés par Equipes d’éducation spéciale, sont concernés par un règlement, à travers l’Arrêté 36/ SEAM/ SERE, du 17 Août 1988. Le régime itinérant est progressivement remplacé par le régime fixe, le soutien individuel est graduellement alterné/ remplacé par le soutien aux élèves, par petits groupes, dans des salles/ centres de soutien vers lesquels ceux-ci se dirigent, en sortant de leurs salles de classe et où l’enseignant d’éducation spéciale développe son travail d’intervention. Caractériser ce que chaque enseignant fait avec les élèves sur lesquels il intervient est un travail difficile, étant donné que quand la question est posée, la réponse est invariablement la même : « chaque cas est un cas ».

L’éducation spéciale se développe parallèlement à l’éducation normale, en termes de moments et d’espaces. Nous soulignons qu’une fois qu’elles sont parallèles, elles ne se rencontrent jamais. L’éducation spéciale est donc un sous-système du système général et de l’enseignement, aussi bien pour les enseignants que pour les élèves. Selon le discours des enseignants, l’enseignant d’éducation spéciale est rarement vu comme un partenaire, il est parfois (beaucoup de fois, on peut dire) considéré «celui qui en sait sur les handicapés et qui les soigne», « celui qui fait perdre son temps » ou bien « l’embêtant », ou encore « celui qui est ici seulement pour nous obliger à passer de classe le petit ».

Certains élèves commencent à rejeter la salle/centre de soutien parce que là-bas seul « ceux qui n’apprennent pas » ou les « handicapés » y vont. Cet état fait réfléchir les acteurs de la situation, ceux qui n’ont peut-être jamais pensé à combien c’est anti-naturel de retirer l’élève de son groupe pour qu’il aille apprendre avec l’adulte. Ira-t-il vraiment apprendre ou ira-t-il perdre les liens avec ses collègues et avec les apprentissages que ceux-ci sont en train de réaliser ?

Notes
125.

La terminologie utilisée par l’ESE de Lisbonne s’éloigne plus des désignations employées antérieurement que celle de l’ESE de Porto.

126.

En 1990/ 91, à la maternelle, 23,9% des professeurs étaient spécialisés, à l’école primaire 23,6% et au collège, 7,7% (Sanches, 1995).

127.

Sérgio Niza cite Mary Warnock, I Séminaire sur l’éducation spéciale, Université Lusófona de Humanidades e Tecnologias, 21 Mai 2004.