Chapitre 1. La démarche de problématisation

1.1. Question de départ

Si la question de départ est le fil conducteur de la recherche et, si avec elle, comme point de départ, nous pouvons donner une plus grande cohérence à tout le travail, c’est dans cette perspective que nous nous sommes investie dans la recherche en faisant de la question de départ notre première (mais non ultime !) préoccupation. Nous avons cherché à la formuler selon les caractéristiques de clarté, de faisabilité et pertinence (Quivy & Campenhoudt, 1998).

Nous avons procédé à une revue de la littérature pour situer dans les points forts des grands axes de recherche actuels et recouru surtout à notre expérience de terrain. En particulier nous avons exploité les échanges réalisés lors de conversations formelles ou informelles, avec des enseignants de soutien éducatif. Nous avons aussi exploité le fait qu’alors nous étions en train de faire la formation spécialisée destinée à ce secteur professionnel, et que, depuis de nombreuses années, nous avions discuté avec les enseignants, de leurs représentations, attentes et pratiques éducatives. Tout ceci constitue les diverses sources auxquelles nous avons puisé et qui ont renforcé notre motivation pour mieux connaître ce monde qui déjà fut le nôtre, et qui continue d’ailleurs à l’être d’une façon indirecte, et que nous aimerions voir mieux valorisé, plus qualifié et plus compétent.

Le Portugal, comme la Suède ou l’Italie, fut pionnier dans l’intégration des élèves en situation de déficience dans les classes ordinaires, dans les années soixante, ce qui provoqua de nouvelles perspectives dans l’approche de l’acte éducatif et l’entrée timide des autres professionnels, avec des fonctions pédagogiques/éducatives, dans les écoles 145 : les enseignants d’éducation spéciale, les psychologues et ensuite les thérapeutes de la parole [orthophonistes].

Dans ce monde en transformation, transformation dans les discours de formation, transformation dans les discours des professionnels de terrain, transformation parmi les publics qui sont aujourd’hui la réalité de nos classes et de nos écoles, les professionnels de l’éducation doivent avoir des préoccupations différentes, depuis l’administration jusqu’aux responsables en ce qui concerne l’acte pédagogique/éducatif. Les élèves mêmes sont aujourd’hui confrontés aux défis qui ont peu à voir avec les défis d’il y a trois décennies, qui vont de la diversité des autres élèves (autrefois ignorée et aujourd’hui qui tente d’être reconnue) aux exigences de la société.

L’école rencontre une difficulté pour répondre aux défis avec lesquels elle est confrontée par la diversité de ses publics, dès lors que les objectifs pour lesquels elle fut créée (indifférenciation, uniformisation et normalisation) ne répondent déjà pas aux aspirations du droit à la qualité de l’éducation, comme un bien inestimable de tous et pour tous, indépendamment des différences que ces publics présentent, dans des contextes de coopération et différenciation inclusives.

Actuellement le discours des experts, celui des enseignants de soutien éducatif et même celui véhiculé par les textes législatifs invite progressivement à l’éducation inclusive de tous les élèves. Cependant, l’école par les caractéristiques des pratiques pédagogiques qui s’y déroulent de manière dominante, reste globalement en retrait par rapport à ces discours. Comment pouvons-nous comprendre et expliquer cet écart qui sépare les incitations pédagogiques et éducatives et leur mise en acte sur le terrain de l’école ?

Notes
145.

Dans les écoles, au delà des élèves, seul existent les enseignants et les fonctionnaires quand il y en a.