1.3. Hypothèse

Hypothèse, comme l’a définie Carbonnel (1995) 150 , n’est «qu’une conjecture douteuse mais vraisemblable par laquelle l’imagination anticipe sur la connaissance». Elle est aussi une « réponse prématurée», un «diagnostic provisoire» de la responsabilité du chercheur et de son idéologie ou de son expérience ou de la lecture qu’il fait de la réalité objet de son étude.

Prenant comme point de départ les présupposés énoncés par l’auteur cité, une première esquisse d’hypothèse fut élaborée, à laquelle succédèrent diverses reformulations tout au long du travail de recherche, jusqu’à obtenir une version stable que nous avons posée comme temporairement définitive. Cette ultime version nous a donné alors les indices pour le choix des méthodes de construction des données de terrain pertinentes pour la mise à l’épreuve de la conjecture, ou encore vérification empirique selon l’expression deQuivy et Campenhoudt (1998).

Cette présupposition nous a aidée à établir de manière ordonnée et rigoureuse le fil conducteur, sans cependant sacrifier l’esprit de découverte et la curiosité critique requis par le travail scientifique. Elle nous a aidée à déterminer le focus de la recherche et à délimiter la question de départ, en obligeant à la sélection des variables pertinentes.

Notre étude se centre sur la recherche des signes d’inclusivité dans les pratiques des enseignants de soutien éducatif, résultants de la co-responsabilisation politique dans le processus impulsé, dans les compromis assumés dans la Déclaration de Salamanque (1994) et dans les traités internationaux qui suivirent.

L’éducation inclusive est le résultat de multiples variables qui interagissent et convergent vers une attitude commune, à savoir, la capacité à vivre et grandir ensemble, les uns avec les autres, indépendamment des différences que nous présentons entre nous. Cette attitude peut être facilitée ou rendue difficile par la convergence des politiques éducatives, par les formes d’organisation et de fonctionnement bureaucratiques et administratives, par l’action des responsables du processus éducatif, depuis les plus proches, les autres élèves et les enseignants, jusqu’aux plus distants, les auxiliaires de l’action éducative et les fonctionnaires de l’école/communauté éducative. Elle peut être la résultante des représentations et des attentes en relation au rôle de l’école dans la société et aux performances de ses publics, d’une tradition culturelle de ségrégation et de désinvestissement à l’égard de ceux qui sont désignés comme les moins capables, d’un ensemble de fantasmes et de peurs qui défient le savoir institué et les routines sociales et éducatives. Celles-ci et d’autres variables peuvent être considérées et déterminantes dans la recherche du résultat, sans oublier l’interaction qui se produit entre elles et qui peut invalider le résultat de cause à effet entre les deux variables sélectionnées.

En considérant que ce que nous faisons ici est, dans sa globalité, le résultat de ce qu’ici nous pensons et nous désirons faire, nous avons formulé ainsi notre hypothèse centrale : les enseignants de soutien éducatif mettent en œuvre des pratiques d’éducation spéciale (depuis 1970) qui restent éloignées d’une éducation inclusive (en référence à la Déclaration de Salamanca, 1994). Ces pratiques pédagogiques mêmes contribuent alors à maintenir l’écart qu’on constate entre le discours des experts et des politiques et la réalité éducative, elle-même.

L’hypothèse formulée n’est pas davantage qu’un aspect que nous nous proposons de tester empiriquement, non pour atteindre un savoir irréfutable, mais un premier pas qui puisse provoquer de nouveaux questionnements à partir des connaissances provisoirement acquises.

Notes
150.

Cité par Paillé et Mucchielli (2003: 17).