Le recueil de l’information

Nous considérons que notre appartenance au champ d’investigation, le fait que nous soyons connue dans le milieu ainsi que le fait d’avoir assumé le statut de collègue dans tous les contacts, nous a facilité l’accès au puzzle. Ces moments furent gratifiants car il nous ont permis, parfois, de nous confronter à de longues conversations sur les temps passés et les souvenirs anciens, avec des ex-collègues et même d’ex-élèves. Le moment de recueil des données se révéla ainsi une des meilleures étapes de tout le processus de recherche, dans la mesure où ce contact n’en est pas resté à ce niveau, et fut suivi d’autres qui se réalisèrent pour d’autres expériences et vies personnelles et professionnelles.

La nouvelle organisation des écoles en regroupements et les équipes de coordination des soutiens éducatifs avec des fonctions peu bien définies font qu’alors les enseignants de soutien éducatif s’organisent différemment selon leurs équipes respectives et les regroupements. Les uns ne font que des réunions dans les regroupements, les autres dans les regroupements et les équipes de coordination, et d’autres, comme nous pouvons le vérifier, d’aucun côté. Les équipes de coordination ne se réunissent pas régulièrement avec les enseignants de soutien éducatif et ceux-ci, n’étant pas tenu d’y être présents, n’y participent pas.

Ce fait a rendu difficile les contacts, déjà que, dans certains cas, il ne nous fut pas possible de contacter le groupe puisqu’aucune réunion n’était prévue dans des périodes proches de celle du recueil des données (de février à juillet 2004)

Expédier par courrier postal directement à la personne après un contact téléphonique a été une démarche lourde, d’autant plus qu’après il est nécessaire de rappeler par téléphone que le questionnaire doit être retourné.

Les situations qui ont eu le plus succès, en terme de retour de questionnaires, furent exactement celles où nous avons pu participer à une réunion d’équipe de coordination avec les enseignants de soutien éducatif, pu parler avec eux, leur formuler notre demande, leur donner du temps pour remplir le questionnaire et le recueillir aussitôt après. Cela nous a donné aussi une indication sur le taux élevé d’absence à ces réunions.

Cette démarche a permis d’entrer directement en contact avec les agents de soutien, les enseignants de soutien éducatif et leurs coordinateurs, et de constater, d’une certaine façon, les problèmes, les difficultés, la motivation et l’engagement. Nous avons fonctionné comme si nous étions l’une d’eux en assistant aux réunions d’information et à la formation, chaque fois que la réunion présentait ce versant, et en apportant même parfois notre contribution. Nous avons eu accès au discours de formation véhiculé à propos de la dyslexie et de la réponse apportée aux besoins éducatifs spéciaux, dans la salle de cours, par exemple. Par le biais de ce contact direct, nous avons pu affiner notre sensibilité à l’insécurité et aux peurs éprouvées par les enseignants de soutien éducatif ainsi qu’aux raisons qui leur donnent origine.

Nous avons pu encore constater que des enseignants sans une quelconque formation dans le domaine et, parfois, aussi très jeunes, certains vivant leur toute première expérience d’enseignant, étaient placés dans la situation de devoir donner un soutien éducatif aux élèves considérés avec des besoins éducatifs spéciaux, sans aucun appui. Les perplexités générées par le système éducatif sont nombreuses. Comment comprendre que tout à la fois soit mis en avant le pré-requis de 5 années d’expérience enseignante pour avoir le droit d’accéder à la formation spécialisée en éducation spéciale, et soit mis en situation d’exercer une tâche de soutien éducatif auprès d’élèves avec des besoins éducatifs spéciaux, des enseignants débutants sans aucune expérience en salle de classe ? Ce fait, au delà du discrédit qu’il engendre dans la relation avec les enseignants de soutien éducatif, provoque aussi l’éloignement de nombre des plus capables.

Nous avons aussi pu vérifier que près de 50% des enseignants de soutien éducatif ne sont pas spécialisés, ce qui nous surprend compte tenu du fait que nous nous situons dans la région de Lisbonne où il y a sans doute le plus de ressources de qualité.

Il appert que le discours contradictoire entre les lignes de force du discours politique, dans une perspective d’éducation inclusive, et les pratiques d’attribution des postes aux enseignants basées sur la catégorisation médico-psychologique des élèves fait prendre les repères à ces enseignants novices que comprennent le discours et espèrent d’autres orientations par rapport aux pratiques provoquées par le système.