(ii) Ce que les enseignants de soutien éducatif, cible de cette étude, disent sur leurs pratiques éducatives

Relativement au second point (ii), les enseignants de soutien éducatif qui ont répondu, disent que leur travail ensemble avec l’élève considéré avec des besoins éducatifs spéciaux se déroule prioritairement selon la modalité du soutien direct et individuel, et qu’ils collaborent avec les autres intervenants dans le processus éducatif de l’élève 216 .

La modalité d’intervention déclarée comme la plus pratiquée est celle qui oriente le soutien individuellement vers l’élève, ce qui s’inscrit dans la continuité du modèle introduit dans les années 70 (XX ième siècle), à l’époque de l’intégration scolaire. L’éducation spéciale, pour des élèves spéciaux, mise en œuvre avec des enseignants spécialistes, fondée sur un programme éducatif conçu à la mesure de la déficience et pour "compenser" cette déficience même, se développe presque parallèlement à l’éducation ordinaire, avec peu de points de contact entre elles, ce que ne favorise pas les pratiques de l’éducation inclusive.

Selon Wang (1997: 63),

Au lieu de rechercher à identifier un déficit générique, sous-jacent aux élèves qui nécessitent un soutien en plus, les programmes éducatifs pour les élèves avec des besoins éducatifs spéciaux devraient se centrer sur les adaptations curriculaires, capables d’assurer le domaine des disciplines curriculaires. Ainsi la promotion de l’égalité des chances pour la réussite éducative peut être caractérisée en termes d’utilisation du temps scolaire, de qualité d’enseignement, de contenu de l’instruction et des pratiques de groupe.

Conformément à ce qu’on peut vérifier dans la Partie 3 de ce mémoire, cette modalité de soutien éducatif est la plus déclarée comme étant pratiquée chez les enseignants de soutien éducatif sans formation dans ce domaine ; chez ceux qui, ayant une formation, l’ont suivie dans le cours de Formation spécialisée, cette spécialisation étant dans des catégories de la déficience ; chez ceux qui ont entre 1 et 14 ans d’ancienneté et appartiennent à la tranche d’âge des 22 à 41 ans. En termes statistiques, nous avons identifié une corrélation significative à niveau de risque α = 0,05 entre cette variable et les variables suivantes : Formation en éducation spéciale, Ancienneté de service en éducation spéciale/soutien éducatif. Serait-ce que les générations les plus jeunes sont en train de régresser relativement aux conquêtes réalisées par leurs aînés dans les années 60 et 70 (XXième siècle)?

Si, en accord avec la perspective de l’éducation inclusive dans laquelle l’élève est d’autant plus inclus qu’il réussit à développer ses apprentissages avec les autres, nous pourrons affirmer que ce sont les enseignants spécialisés les plus âgés, c’est à dire la tranche des 42 à 65 ans, et qui ont le plus d’ancienneté de travail dans ce domaine, c’est à dire, entre 15 et 29 ans, qui pratiquent des formes de soutien les plus en accord avec le cadre de l’éducation inclusive.

En accord avec ce que nous avons traité dans la Partie 1 de ce mémoire, il est ressorti que la modalité de soutien considérée par les approches théoriques en la matière comme la moins inclusive 217 ; est en l’occurrence celle du soutien direct à l’élève individuellement. La modalité considérée théoriquement la plus inclusive, à savoir le soutien à l’élève avec l’ensemble de la classe (partenariat pédagogique), s’avère être la moins déclarée comme pratiquée par ces enseignants de soutien.

Pour le lieu où se réalise le soutien direct et individuel, ces enseignants de soutien éducatif choisissent la table de l’élève, en se plaçant assis à son côté, pour l’"aider" à réaliser les activités qui lui sont proposées, amplifiant ainsi la discrimination de l’élève et de lui-même. L’élève a réduit les chances de socialisation avec ses pairs au travers des apprentissages et l’enseignant de soutien éducatif, assumant le statut de l’ "élève", perd son statut d’enseignant partenaire de l’enseignant de la classe, et, par conséquent, perd son identité professionnelle inhérente à cette fonction spécifique.

La collaboration avec les intervenants du processus éducatif plus directement liés à l’élève : enseignant, techniciens de santé et psychologue, parents et gestion de l’école dans les contextes respectifs, est aussi une priorité pour ces enseignants. Bien que, en moyenne, moins de la moitié de ceux-ci (46,54%) soit impliquée dans des activités de collaboration avec les autres intervenants du processus, ce qui crée des difficultés pour le processus de l’éducation inclusive, ces enseignants représentent un pas en avant vers l’ouverture de l’école à d’autres dynamiques.

L’enseignant de la classe est l’intervenant privilégié en termes de collaboration. L’activité la plus développée est la réflexion/évaluation qui est déclarée comme étant presque toujours ou toujours pratiquée par 88,6% des enseignants qui ont répondu. Le travail avec l’ensemble de la classe implique 23,2% de ceux.

Relativement aux autres intervenants avec lesquels une collaboration se réalise, 61,2% des enseignants de soutien éducatif déclarent collaborer avec les autres professionnels, savoir le psychologue et les professionnels de la santé et de la réhabilitation (rééducation). La collaboration avec la communauté n’est déclarée que par 27,7% de l’échantillon.

Il ressort aussi le travail développé avec la gestion de l’école : conseil des enseignants et conseil exécutif. Bien qu’en moyenne moins de la moitié, soit 44,7% s’est prononcée sur le développement du travail avec la gestion de l’école, ces enseignants marque un commencement important, voire déterminant, dans la construction des écoles plus inclusives.

Nous pouvons estimer à un maximum de 40%, la proportion des enseignants de soutien éducatif sur la population cible qui conduit un travail de collaboration avec le conseil exécutif. Ce niveau minoritaire peut être une des causes des difficultés dans la création d’une dynamique de l’éducation inclusive, par l’insuffisante implication des principaux professionnels en ce qui concerne le soutien éducatif des enfants et des jeunes considérés reconnus avec des besoins éducatifs spéciaux.

Une position forte de leader est un des facteurs énoncés par Ainscow (1997), Porter (1997), entre autres, pour le développement des écoles qui luttent pour la transformation, l’expérimentation et plus d’équité.

Notes
216.

Affirmation découlant de l’analyse quantitative. Voir Partie 2, Chap.2.

217.

Avec toute l’attention à avoir quant au raisonnement statistique mis en oeuvre pour soutenir nos énoncés.