A. Une ville globale à la tête d’une mégalopole de 90 millions d’habitants

1. Une Mégalopole

Avec un réseau multiséculaire de villes dont la taille a été accrue par un exode rural intense au XXe siècle, le Japon est un pays de très forte urbanisation et héberge la plus grande agglomération du monde, la mégapole de Tôkyô. La mégalopole, un axe urbain qui s’étend dans son acceptation maximum de Sendai au nord-est, dans le Tôhôku, jusqu’à Kumamoto au sud-ouest dans le Kyûshû rassemble 79% de la population japonaise, soit prêt de 90 millions d’habitants vivant en majeure partie dans de l’espace urbain 22 (fig.10).

Figure 10 : Importance de la population urbaine (zone en DID) par département.
Figure 10 : Importance de la population urbaine (zone en DID) par département.

Cette mégalopole concentre sur l’axe Sendai-Tôkyô-Nagoya-Ôsaka-Fukuoka la quasi-totalité des villes millionnaires, les principales régions industrielles et la majeure partie des activités tertiaires et concentre la richesse (fig.11). À sa périphérie, c’est un Japon rural, vieillissant, plus pauvre et de plus en plus dépendant. Le Hokkaidô et sa métropole millionnaire Sapporo est longtemps resté un cas à part, mais il fait partie désormais des régions qui connaissent chaque année un solde migratoire négatif.

Cette concentration des hommes et des activités au sein de la mégalopole ne forme pas un ensemble homogène, ni un continuum d’espace urbanisé. Les pôles qui se dégagent correspondent aux mégapoles de Tôkyô, Ôsaka et Nagoya (fig.12). Dans le peuplement comme dans les paysages, les activités s’organisent autour de quelques pôles de taille très variable. La mégalopole n’est pas non plus une nappe urbaine continue : dans les interstices mégapolitains, les densités moyennes tombent par endroit sous le seuil des 4 000 habitants au kilomètre carré 23 .

Figure 11 : PIB par habitant et par département.
Figure 11 : PIB par habitant et par département.
Figure 12 : Part de population vivant en DID (zones d’une densité de 4000 h/km2 et peuplées de plus de 5000 h.) par département.
Figure 12 : Part de population vivant en DID (zones d’une densité de 4000 h/km2 et peuplées de plus de 5000 h.) par département.

Ces interstices moins denses forment cependant des espaces métapolitains 24 dont les migrations pendulaires inter-départements peuvent indiquer les limites (fig.13). Ces limites résultent d’une configuration des départements très inégale, mais l’aire d’influence de Tôkyô sur les départements limitrophes et la zone de la mégalopole se détache clairement.

Figure 13 : Les migrations journalières à l’échelle des départements
Figure 13 : Les migrations journalières à l’échelle des départements

Les quinze départements 25 qui regroupent les aires d’influence des métropoles qui forment le daitoshiken大都市圏(la sphère des daitoshi), en fait les espaces mégapolitains (Pelletier 2000b), sont ainsi plus qu’un simple assemblage de villes. C’est un système interdépendant avec une polarisation au sein d’espaces spécialisés, qui échangent d’avantage entre eux qu’avec le reste du pays (les 32 autres départements, les chihôken  地方圏, la sphère régionale).

La hiérarchisation de cet ensemble urbain est cependant de plus en plus centrée sur Tôkyô. Le mouvement de concentration locale et nationale de la mégapole renforce le statut particulier et dominant de la capitale.

Notes
22.

Soit les zones classées en DID (Densely Inhabited District, jinkôshûchûchiku人口集中地区) selon la nomenclature adoptée au Japon en 1960 : secteurs ayant une densité démographique d’au moins 4 000 habitants au kilomètre carré et peuplés d’au moins 5 000 habitants.

23.

Donc hors DID.

24.

« Ensemble des espaces dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire) d’une métropole » (Ascher, 1995).

25.

Les ensembles de départements formant une sphère métropolitaine (shutoken首都圏, Nagoyaken名古屋圏 et Ôsakaken大阪圏) : Tôkyô Kanagawa-Saitama-Chiba-Gumma-Tochigi-Ibaraki-Yamanashi, Aichi-Mie-Gifu et Ôsaka-Hyôgo-Kyôto-Nara.