2. Une évolution macrocéphale centrée sur Tôkyô

À la fin du XIXe siècle, les premiers planificateurs Meiji avait défini les rôles des deux grandes villes du Japon dans la continuité de la période précédente : production industrielle à Ôsaka et centre politique à Tôkyô qui accueillait désormais le siège du pouvoir impérial jusqu’à lors cantonné à Kyôto.

Ce schéma est valable jusqu’à la guerre du Pacifique, mais la croissance urbaine issue de l’exode rural des années de la HCE a plus profité à la région urbaine de Tôkyô, aux dépens d’ôsaka, qui ne fait plus jeu égal avec la mégapole du Kantô.

Figure 14 : Évolution de la population des départements de Tôkyô et Ôsaka 1945-2005.
Figure 14 : Évolution de la population des départements de Tôkyô et Ôsaka 1945-2005.

L’écart se creuse tout au long du XXesiècle aux dépens d’ôsaka (fig.14). Les années 1980 ont été celles du déménagement vers la capitale de la plupart de ses fonctions de commandement présentes à Ôsaka.

Cette domination de Tôkyô n’est pas uniquement démographique. Elle se retrouve sur le plan industriel. Le développement des zones industrielles littorales (rinkai kôgyô chitai 臨海工業地帯) sur le pourtour de la baie de Tôkyô (Keihin puis Keiyô) finissent par dominer celles d’Ôsaka, pourtant berceau d’origine de nombreux groupes industriels et financiers.

En 2001, le Tôkyô-to (0,6% du territoire Japonais) représentait près de 10% de la population e 17% du PIB (en 2000) contre 8% pour le département d’Ôsaka et 7% pour le département d’Aichi dont dépend la ville de Nagoya (fig.15). Le département compte également 54% des entreprises japonaises, 81% des entreprises étrangères au Japon, mais aussi 81% des transactions financières, 73% des banques 26 . Les sièges d’entreprises y sont supérieurs en nombre dans un rapport de trois contre un face à Ôsaka, un tiers de la production nationale de la valeur ajoutée contre un sixième. De nombreuses firmes originaires du Kansai, comme Sumitomo, ont déménagé leurs sièges sociaux à Tôkyô dans les années 1980 27 .

Figure 15 : Part du PIB des activités tertiaires par département (2003)
Figure 15 : Part du PIB des activités tertiaires par département (2003)

Source : JSYB 2007

Par ailleurs, les départements les plus riches entretiennent même des antennes dans la capitale pour soutenir des activités de lobbying auprès du gouvernement central dans le quartier de Kasumigaseki (Chiyoda ku).

Figure 16 : Part des départements dans le PIB Japonais
Figure 16 : Part des départements dans le PIB Japonais

Source : Industry and Labor in Tokyo 2001, Tôkyô, TMG, 2001, 42 p.

En termes de diffusion d’informations, Tôkyô et la région capitale ont une position dominante (fig.16) ; l’écart se creuse même puisque Ôsaka se place seulement au niveau de Yokohama (Kanagawa) 28 . Le phénomène est plus fort dans d’autres domaines. Si l’on compare par exemple le volume produit d'informations téléphoniques et télévisuelles, le Tôkyô-ken accapare alors 30% du total national (fig.17).

Figure 17 : Part du volume d'informations téléphoniques et télévisuelles émises par départements
Figure 17 : Part du volume d'informations téléphoniques et télévisuelles émises par départements

Source : Industry and Labor in Tokyo 2001, Tôkyô, TMG, 2001, 42 p.

Figure 18 : L’axe de la mégalopole japonaise.
Figure 18 : L’axe de la mégalopole japonaise.

Aujourd’hui, le département d’Ôsaka a un solde migratoire négatif et la déflation foncière, généralisée à l’ensemble du pays, ne semble pas lui profiter comme c’est le cas pour la région de Tôkyô. Le département d’Ôsaka a ainsi perdu 152 000 habitants entre 1980 et 2004, alors que Yokohama en gagnait plus de 720 000 et Nagoya 35 000. En 2005 le solde migratoire du département d’Ôsaka était négatif perdant 8 756 habitants quand le Tôkyô-to en gagnait plus de 85 000.

On retrouve ces phénomènes dans la croissance urbaine récente. Que ce soit sur dix ans entre 1995 et 2005 ou sur cinq ans entre 2000 et 2005, la région urbaine de Tôkyô, Tôkyô-to en tête, est la plus dynamique démographiquement 29 . L’axe de la mégalopole (fig.18) est toujours distinctement visible (fig.19), mais il semble être passé à un rythme de croissance moins rapide, avec des phénomènes de décroissance urbaine dans les villes périphériques des métropoles (fig.20).

Figure 19 : Croissance des villes japonaises 1995-2005.
Figure 19 : Croissance des villes japonaises 1995-2005.

Source : Pelletier 2007, recensements nationaux japonais.

Figure 20 : Croissance des villes japonaises 2000-2005.
Figure 20 : Croissance des villes japonaises 2000-2005.

Source : Pelletier 2007, recensements nationaux japonais.

Plus que la tête d’une mégalopole, Tôkyô est aussi une ville globale dont le territoire n’est pas limité à l’espace japonais. C’est un point de commandement à l’échelle mondiale et un pôle en Asie Orientale de la Triade, et dont procède aussi son organisation interne.

Notes
26.

Source: Industry and Labor in Tokyo 2001, Tôkyô, TMG, 2001, 42 p.

27.

Le mouvement se poursuit avec la crise que connaît l’aéroport d’Ôsaka qui voit toujours son nombre de vols chuter au profit de Tôkyô Narita et Haneda (« Overseas flights from Kansai nosedive », Asahi Shinbun du 08/02/2007).

28.

Source: Industry and Labor in Tokyo 2001, Tôkyô, TMG, 2001, 42 p.

29.

Nous examinerons plus en détail ce phénomène dans le premier chapitre de notre deuxième partie.