B. Le projet et les acteurs de l’opération RFT

1. Contrôlé par le TMG et Suzuki

Propriétaire des terrains, le TMG du gouverneur Suzuki Shun.ichi, entend diriger l’opération sur tous les plans. La gestion de la zone est sous le contrôle direct de l’administration du Tochô, pilotée par les fonctionnaires du bureau des affaires portuaires (kôwan rinkaibu) et la division « Tôkyô frontier » créée spécialement à cet effet en 1988. Cette opération relève donc totalement du TMG, de sa conception à la réalisation.

Une des particularités de cette opération est que le TMG n’accorde que des baux emphytéotiques. Il ne cède aucune parcelle au secteur privé comme c’est généralement le cas dans les opérations sur terre-pleins (Berque 1976 ; Pelletier, 1992). En revanche, le développement est confié à des sociétés mixtes cotées en bourse dans lesquelles le TMG est majoritaire et collabore avec le secteur privé, c’est le « troisième secteur » (daisan sekutâ第三セクター). Ces partenariats public-privé sont alors considérés, au Japon comme au États-Unis ou en Europe, comme la panacée pour mener à bien des opérations urbaines à coût réduit pour les pouvoirs publics.

L’omniprésence du TMG à tous les stades de l’opération est perçue alors comme une volonté de faire jeu égal avec les grands investisseurs fonciers de la capitale dans le contexte de la bulle (Hiramoto, 2000). L’immobilière Mitsubishi (Mitsubishi jisho) voit par ailleurs d’un mauvais œil la mise sur le marché de cette vaste parcelle (Bourdier, 1992) : elleentrerait directement en concurrence avec son opération « Manhattan Project 21 40  », la rénovation totale de ses terrains de Marunouchi prévue sur une cinquantaine d’hectares.

Suzuki Shun.ichi sert aussi ses amis du secteur du BTP (Okabe, 1993) : un chantier de cette taille est une aubaine pour les zenekonゼネコン 41 , soutien habituel du Parti Libéral Démocrate 42 , le parti au pouvoir à Tôkyô. Le montage financier lui donne les moyens d’imaginer, après avoir redressé les finances du TMG, un projet à coût zéro, par le miracle du minkatsu de Nakasone, alors au pouvoir (1982-1987) et ami de Suzuki.

Notes
40.

Dont on ne parle plus aujourd’hui chez Mitsubishi, mais qui finalement se met en place, par à coup dans le quartier de Marunouchi.

41.

De l’anglais general contractor, le secteur du BTP.

42.

PLD (Jiyûminshutô自由民主党contracté en Jimintô自民党), droite conservatrice, au pouvoir pratiquement sans interruption depuis l’après-guerre.