2. Calibré pour la Bulle

a. Le mythe foncier

En 1988, lorsque le projet est présenté officiellement, la spéculation foncière bat son plein au Japon. Un rapport de 1985 du Secrétariat d’état au Territoire (SET) a prévu une pénurie de plus de 5140 hectares en surfaces de bureaux à Tôkyô à l’horizon 2000. Cela est interprété comme un signal par les investisseurs qui parient sur une hausse quasi certaine des prix fonciers. La prévision apparaîtra plus tard largement fantaisiste (Obase, 1996), mais elle a donné un coup de fouet au secteur de la construction avec la modernisation du parc de bureaux d’affaires de la capitale. Cela au moment où celle-ci en avait besoin, lors de son accession au statut de ville mondiale.

Dans le contexte de la Bulle, la principale qualité des terre-pleins du port de Tôkyô était de pouvoir faire abstraction des contraintes traditionnelles du remembrement urbain au Japon. La structure du foncier japonais est en effet une des principales difficultés rencontrées par ce capitalisme financier pour s’emparer des sols. Les parcelles sont atomisées et les petits propriétaires rechignent à vendre. Lorsque les opérations sont possibles, les procédures de remembrement (kukakuseiri 区画整理) sont compliquées par le nombre et la nature des acteurs, comme par les modalités de l’indemnisation des ayant droits (Bourdier, 1994 ; Aveline, 1997).

Or les terre-pleins offrent de grandes parcelles, facilement libérables, avec comme interlocuteurs, des personnes morales, les autorités locales ou les grands groupes industriels. A proximité des centres villes, ces parcelles sont extrêmement bien situées, pour peu que des infrastructures de liaison les raccordent à la terre.

En revanche, bâtir un nouveau quartier sur terre-pleins nécessite la construction de lourdes infrastructures de raccordements. De ce fait, dès le début, la note est plutôt salée, mais le TMG compte bien utiliser la « force du secteur privé » pour dynamiser son opération publique.