Établi sur 448 hectares dans la zone 13 du port de Tôkyô, l’opération du RTF est annoncée en 1988. Situé à six kilomètres de la gare de Tôkyô et à moins de cinq kilomètres du carrefour de Ginza 4e chôme, dont les terrains sont les plus chers de la capitale et du Japon 45 , le terrain choisi est très proche du Toshin. Les moutures du plan publiées en 1988 laissent ainsi imaginer la transformation du lieu en un deuxième Shinjuku : un quartier d’affaires, avec des tours de bureaux, des espaces verts, la mer pour décor et des promenades pour satisfaire les citadins.
L’opération apparaît pour la première fois dans le Premier plan à long terme de la ville de Tôkyô en 1982 46 , il ne s’agit alors que du téléport de Tôkyô sur 40 hectares. Sur l’exemple de ce qui ce fait alors au États-Unis, il s’agit de proposer un dispositif de services offrant aux entreprises un accès rapide et concurrentiel aux réseaux de télécommunications locaux et longue distance, de type satellite, fibre optique ou hertzien. Ce sont des concentrations au niveau local de moyens de télécommunications de portée internationale, à une époque où l’Internet n’est pas répandu dans sa forme actuelle. En plus d’être simplement des éléments de connexion à l’économie globale, ils sont au Japon des entités d’aménagement territorial, à la différence des téléports américains (Huet et Zeitoun, 1995). On retrouve de mêmes équipements en Téléport dans les opérations d’autres métropoles japonaises : Minato Mirai 21 à Yokohama, Makuhari Shintoshin à Chiba, et Cosmosquare à Ôsaka. Ce sont toutes des opérations sur terre-pleins côtiers, au sein desquelles le téléport est l’équipement de base pour l’aménagement de ces terrains en quartier d’affaires bénéficiant des NTIC pour leur développement, et moyen de l’insertion des villes japonaises dans l’internationalisation.
Entre 1982 et 1988, le minkatsu et la Bulle ont dopé les ambitions du TMG et c’est une nouvelle ville de 60 000 habitants et de 110 000 travailleurs qui est finalement annoncée.
Ce plan est un remaniement d’une première ébauche de 1987 qui ne prévoyait, sur une surface légèrement plus réduite (440 hectares), que 44 000 habitants pour 115 000 travailleurs. Cette hausse du nombre d’habitants est une concession aux associations de citoyens de Tôkyô qui réclament la construction de logements abordables près du centre ville au lieu de nouvelles surfaces de bureaux. Ce rapport entre le nombre d’habitants et celui des employés, est demeuré par la suite la principale variable d’ajustement du projet lors des modifications du plan.
L’objectif est de créer « la ville du XXIe siècle » et la vitrine urbaine de Tôkyô. Pour cela, la Zone 13 est divisée en quatre périmètres auxquels sont attribuées des fonctions directrices pour l’aménagement. Daiba 台場, le commerce et les loisirs ; Aomi 青海, Téléport, affaires et recherche high-tech. ; Ariake-Sud 有明南, la mode et les relations internationales ; Ariake-Nord 有明北, le logement dans un cadre aménitaire (fig. 31).
Le Tochô met également en chantier son propre parc d’immeubles d’affaires, les Furontiâ Biru 48 dans chaque périmètre (sauf sur Ariake-Nord). Ces bâtiments, équipés de technologies de pointe en réseaux ou en automatisation, sont destinés à être les modèles architecturaux et fonctionnels symbole de la « nouvelle frontière urbaine » que les aménageurs entendent franchir avec le RFT.
En plus de cette opération RTF, le TMG planifie entre le Toshin de Marunouchi-Ginza et la Zone 13, un nouveau quartier d’affaires de plus de 300 hectares 49 sur les terre-pleins de Tsukishima, Harumi et Toyosu.
Comme point d’orgue à la première étape des travaux planifiés pour 1996, le plan de 1988 avait prévu une grande exposition internationale Tokyo Frontier, sur le thème de « l’urbanisme du XXIe siècle ». Elle devait marquer à la même date l’ouverture de Tokyo Big Sight, le centre international d’exposition de Tôkyô situé auparavant sur le terre-plein de Harumi plus au nord.
Cette exposition constituait un appel d’offre aux investisseurs japonais et étrangers pour promouvoir l’opération Rinkaifukutoshin. Plus largement il s’agissait aussi d’annoncer au monde entier les nouvelles tendances pour l’aménagement urbain dont le Rinkaifukutoshin devait être le modèle appelé à se diffuser à Tôkyô.
Tel qu’il était présenté dans les brochures promotionnelles du TMG à l’époque, le RFT offrait en effet une rupture avec le Tôkyô classique : des trottoirs, des avenues bordées d’arbres, aucun fil électrique aérien, des espaces publics, des parcs à profusion. Le tout dans le cadre d’une débauche d’innovations techniques essentiellement centrées sur une automatisation tout azimut. Les terrains sont connectés au réseau de fibres optiques et au système intégré et « intelligent » de gestion des réseaux (gaz, électricité, eau potable, eaux usées, ordures, câblages)
© Scoccimarro 2007
Très proche géographiquement du Toshin, le RTF restait très excentré, séparé du reste de la ville par plusieurs bras de mer. Jusqu’en 1993, seulement trois ponts routiers à deux voies reliaient directement Ariake à la terre ferme, par le terre-plein de Shinonome. La première étape dans l’aménagement du RFT est ainsi la construction, par l’intermédiaire d’une société mixte gérée par le TMG, du Rainbow Bridge レインボーブリッジ 50 . C’est un pont géant (photo 5) qui enjambe à plus de 100 m de hauteur les 1 300 m d’eau qui sépare la Zone 13 des terre-pleins de l’arrondissement de Minato (Shibaura, Hinode). Terminé en 1993, il accueille sur trois étages une autoroute, une route et un train automatique, le Yurikamome ゆりかもめ, inauguré plus tard en 1995. Il permet dans un premier temps une liaison directe et rapide avec l’arrondissement de Minato-ku.
Entre temps la Bulle s’est dégonflée. Peu après le plan d’avril 1991, les valeurs financières, puis les valeurs foncières ont chuté après un relèvement des taux d’intérêts directeurs de la banque du Japon (Aveline, 1994 Bourdier et Pelletier 2000). La tendance foncière s’inverse dévoilant, en plus de pratiques bancaires douteuses, une surproduction généralisée en espaces de bureaux dans les centres urbains du Japon. La zone 13 est pourtant en plein chantier.
Le terrain le plus cher en 2005 était situé toujours à Ginza, mais dans le 5e chôme, à 15 120 000 yens / m² (un peu plus de 98 000 euros). Source : Secrétariat d’état à la Taxation, cité par Japan Almanach 2006, Asahi Shinbun, 2005, 290 p.
Tôkyôto chôkikeikaku maitauntôkyô nijûichi seiki wo mezashite東京都長期計画マイタウン東京- 21世紀をめざして (Plan à long terme de la ville de Tôkyô, My town Tôkyô, une ville pour le XXIe siècle), TMG, 1982, 184 p.
Voir annexe III p. 225 pour la carte au grand format
De l’anglais Frontier buildings.
Rinkaifukutoshinkaihatsu Chikubetsu jishikeikaku II臨海副都心開発地区別実施計画II (Plan des opérations par secteur du projet de sous-centre de bord de mer n°2), Tôkyô, TMG, 1991, 26 p.
Nous utiliserons les versions « en lettres latines » de ces aménagements tel que présentées (le plus souvent en anglais) dans les brochures et documents de présentation qui mêlent les différentes graphies.