b. Des Shopping Mall

Le premier shopping mall ouvert à Daiba, le « Decks Tokyo beach », est contrôlé par le groupe Sumimoto et inauguré en juillet 1996. Le bâtiment fait face à la baie, avec le centre ville de Tôkyô en arrière plan dont il semble être une terrasse d’observation. Il propose une offre variée d’établissements de restauration dans un cadre « marin » qui consacre la fonction touristique et ludique du lieu (photo 7).

Devant le succès grandissant de la fréquentation, c’est l’ensemble de l’aménagement qui est alors réorienté vers la construction d’installations de loisirs basés sur la promenade et la consommation occasionnelle.

Photo 7 : « Decks Tokyo Beach », le premier shopping mall de la zone 13.
Photo 7 : « Decks Tokyo Beach », le premier shopping mall de la zone 13.

© Scoccimarro 2007.

En 1999, deux parcelles de la zone sud-ouest accessibles par la même gare du Yurikamome (Odaiba kaihinkôen) puis par la gare Téléport de la ligne Rinkai, sont accordées pour dix ans à Mori biru, associé à Mitsui Fudôsan. L’opérateur en fait un mini parc d’attraction, Pallette Town (photo 8). Il comporte une grande roue, un mini-circuit automobile géré par Toyota et un shopping mall à thème, Venus Fort . L’intérieur du bâtiment de ce dernier reproduit une rue italienne à la façon kitch des répliques de lieux célèbres que l’on peut visiter à Las Vegas 58 . Les motifs picturaux du plafond évoluent au gré de la journée pour créer l’illusion. Cette galerie marchande se veut un espace « pour les femmes » (d’où le nom de Venus) visant les populations de jeunes femmes actives, célibataires et à fort revenus. C’est aussi un lieu de promenade : le long de la rue, on déguste des crèmes glacées aux terrasses, il y a même une scène de spectacle avec des animations tout au long de la journée commerciale.

Photo 8 : Entrée de
Photo 8 : Entrée de Palette Town, à droite la partie Venus Fort.

Autour des shopping malls, les parcelles vides sont reconverties en parkings. Avec l’autoroute côtière et le Rainbow Bridge, le lieu est très bien relié au réseau routier du Kantô. La foule des familles qui se pressent les week-ends et fréquentent les centres commerciaux contribuent à la notoriété du Rinkaifukutoshin.

Le filon semble ainsi trouvé, le TMG s’y engouffre en orientant par la suite tous les aménagements dans le but d’attirer un public de touristes urbains. Moins ambitieux que la « ville du XXIe siècle », ce changement d’orientation permet en revanche de viabiliser les parcelles vides dans le cadre d’aménagements temporaires et facilement convertibles.

Du fait, après Sumitomo sur Daiba, Moribiru sur Aomi, avec Aqua city en 2000, (un shopping mall sur la parcelle Daiba-C), c’est Mitsubishi jisho qui fait son apparition sur le RTF. Parallèlement, le Decks Tokyo Beach est agrandi pour occuper toute la parcelle B de Daiba. Il accueille le premier restaurant MacDonald de la Zone 13 qui est aussi le premier de toute la zone des terre-pleins du port de Tôkyô.

En 2002, une nouvelle liaison relie, enfin, le Rinkaifukutoshin à la Yamanote par la ligne Rinkai depuis Ôsaki (fig. 33) : la fréquentation annuelle progresse de quatre millions et dépasse les 40 millions.

Figure 33 : Les infrastructures de raccordement des terre-pleins du port de Tôkyô depuis 1988.
Figure 33 : Les infrastructures de raccordement des terre-pleins du port de Tôkyô depuis 1988.

Ce n’est cependant qu’en 2003, alors que le Yurikamome transportait toujours la majorité du trafic de visiteurs (42%), que la ligne Rinkai se place en deuxième position à 28% 59 . Ce sont les usagers de la voiture qui sont en baisse, passant de 28% à 24% entre 2002 et 2003. Ce changement est peut-être le plus significatif de l’intégration du terre-plein de la zone 13 dans l’espace urbain ordinaire de Tôkyô. Viennent ensuite les bus, les cars et en dernière position les 1% d’usagers de la navette fluviale Hiromi qui relie Daiba à Hinode et Asakusa.

La ligne Rinkai, aux normes de la capitale poursuit sa progression avec 34% du trafic contre 38% pour le Yurikamome en 2004. La voiture se stabilise à 23% alors que les 5% restant utilisent un autre transport collectif, bus, cars de tourisme ou navettes fluviales « Himiko ».

La ligne Rinkai est en passe de devenir le lien principal pour l’accès au terre-plein. Même si elle est moins « amusante » que le Yurikamome, elle met la première gare de la zone 13 (Tôkyô Teleport) à 23 minutes de Shinjuku, alors que le Yurikamome, lent et cher, reste à 28 minutes de la gare de Tôkyô.

Figure 34 : Évolution du nombre de visiteurs sur le Rinkaifukutoshin de 1997 à 2006
Figure 34 : Évolution du nombre de visiteurs sur le Rinkaifukutoshin de 1997 à 2006 Source : Heisei 15 rinkaifukutoshin no nenkan raihôsha kazu et Sûji de miru rinkaifukutoshin数字で見る臨海副都心 (Le Sous-centre de bord de mer en chiffres), TMG, Bureau des affaires portuaires, http://www.kouwan.metro.tokyo.jp/business/rinkai/suuji/index.html. .

À partir de 2003, la fréquentation du Rinkaifukutoshin dépasse donc le seuil des 40 millions de personnes (fig. 34). Cela représente un niveau plus de deux fois supérieur au nombre de visiteurs de Tôkyô DisneyLand Resort (18 millions par ans en moyenne depuis l’ouverture en 1984). Le nombre de visiteurs croît d’ailleurs à chaque nouveau bâtiment ouvert, un peu à la manière du renouvellement des manèges des parcs Disney. En 2006, le record de 2003 est battu avec 42,8 millions de visiteurs.

La hausse de la fréquentation bénéficie aussi au centre d’exposition internationale Tokyo Big Sight, qui connaît pourtant peu de manifestations d’importance, contrairement à Makuhari Messe à Chiba. Sa fréquentation est ainsi en hausse régulière et polarise l’activité sur la zone sud d’Ariake (fig. 35).

Figure 35 : Évolution du nombre de visiteurs du centre d’exposition « Tôkyô Big Sight » (Ariake Minami) de 1999 à 2006
Figure 35 : Évolution du nombre de visiteurs du centre d’exposition « Tôkyô Big Sight » (Ariake Minami) de 1999 à 2006 Source : Bureau des affaires portuaires de du TMG. .

Plus de dix ans après les débuts des constructions sur le RFT, la réussite de l’aménagement tient à la fréquentation du public. Si les entreprises qui gèrent le RFT sont toujours en crise financière, les aménageurs ont réussi à créer ex-nihilo, un lieu qui en moins de cinq ans, est passé d’une fréquentation anecdotique 62 à trente millions de visiteurs, puis quarante millions depuis 2003.

Le produit urbain reste difficile à cerner, d’autant plus que les réalisations concrètes et les POS 63 , même modifiés, sont loin de correspondre. Guidée par un opportunisme mâtiné d’attentisme, la tendance générale semble être de faire de ces 442 hectares un vaste complexe de loisirs urbains.

Notes
58.

Gravari-Barbas Maria, Journée d’étude Imaginaires urbains du tourisme – Imaginaire touristique de l’urbain, Bruxelles, 8 décembre 2006.

59.

Heisei 15 rinkaifukutoshin no nenkan raihôsha kazu平成15年臨海副都心の年間来訪者数 (Décomptes des visiteurs sur le Rinkaifukutoshin pour l’année 2003), janvier 2004, extrait (1 page) fourni par le bureau des affaires portuaires (Préf. de Tôkyô).

60.

Source : Heisei 15 rinkaifukutoshin no nenkan raihôsha kazu et Sûji de miru rinkaifukutoshin数字で見る臨海副都心 (Le Sous-centre de bord de mer en chiffres), TMG, Bureau des affaires portuaires, http://www.kouwan.metro.tokyo.jp/business/rinkai/suuji/index.html.

61.

Source : Bureau des affaires portuaires de du TMG.

62.

Nous n’avons pas les chiffres pour la fréquentation du RFT avant 1996, nous nous appuyons donc sur nos terrains, effectués régulièrement d’avril 1995 à mars et août 1996.

63.

Nous entendons par POS Plan d’occupation des sols au sens littéral et non l’équivalent actuel français du Plan local d’urbanisme (PLU).