b. Politique de relance de la construction

Nous avons vu précédemment comment le dégonflement de la Bulle avait mis en échec l’aménagement du Rinkaifukutoshin. De tels déboires se sont multipliés au long des années 1990. La déflation foncière persiste depuis 1991 de façon globale sur l’ensemble de l’archipel, laissant en plan de nombreuses friches tertiaires. L’impact frigorifiant a été d’autant plus fort que la taille des opérations étaient basée sur un marché spéculatif et une forte demande en espaces de bureaux.

Pour relancer le secteur une série de mesures de relance de la construction sont prises à partir de 1997, elles aboutissent en 2002 à la promulgation de la loi de renaissance urbaine sous le gouvernement de Koizumi Junichirô 小泉純一郎 (2001-2006). Ces mesures pour relancer le développement urbain dans la capitale sont de deux ordres : libéralisation des COS et promotion de la construction de logements en manshon.

La loi du 21 janvier 1997, libéralise les règles de COS. Elle favorise la construction de logements de moyenne et grande hauteur pour une occupation plus intensive des sols. Cela se fait en particulier par une modification du calcul des COS qui vise à masquer l’augmentation réelle de la hauteur du bâti. Ainsi certaines parties ne sont plus comptabilisées dans le COS permettant ainsi son augmentation. Par ailleurs il est désormais possible pour un même propriétaire de transférer des points de COS d’une parcelle dont les limites n’ont pas été atteintes vers un autre terrain qui voit ainsi son COS augmenter d’autant et déroger aux limites en vigueur (Ishida , 1998).

La loi Urban Renaissance (toshisaiseihô 都市再生法) du 21 avril 2002 élargit encore la déréglementation. Elle permet la création de périmètres spéciaux de relance urbaine dont la définition est attribuée aux autorités locales. Sept domaines sont privilégiés pour l’usage des sols au sein de ses périmètres : TIC, biotechnologie, échange internationaux, port, et industrie du recyclage. À l’intérieur, les COS sont libéralisés et les investisseurs bénéficient de subventions et d’exemptions de taxes foncières.

Dans le même temps, la révision de la loi sur les normes de construction fait passer les limites de COS de 1000% à 1300%, avec simplification des procédures.

Ces déréglementations s’accompagnent également de la modification du statut de la régie immobilière. La Toshiseibikôdan  都市整備公団 se transforme ainsi en Toshisaiseikiko 都市再生機構 98 en 2004 et elle devient une entité administrative indépendante 99 . C’est une quasi privatisation, avec, entre autres, une réduction de près de 50% de son personnel (Ebizuka, entretien 2005).

La Toshisaisei est calibrée pour établir plus facilement des coopérations avec le secteur privé. Il en résulte une transformation de l’offre. L’objectif n’est plus de construire un parc de logements abordables aux classes moyennes, mais de faire de l’habitat financièrement rentable. Cela se traduit par la construction préférentielle d’appartements en location pour les classes moyennes supérieures.

Cette voie vers la privatisation des opérations urbaines est prolongée par le gouvernement central qui investit par l’intermédiaire du ministère de l’Aménagement du Territoire, des Infrastructures et des Transports, dans la construction de logements en centre ville, à la manière d’un opérateur privé, avec retour sur investissements. Le MLIT a ainsi créé un fond de « revitalisation urbaine » destiné spécialement à la construction d’immeubles d’habitations dans les centres-villes 100 .

Cette politique de libéralisation des organismes publics, autonomisation et impératifs d’autofinancement, accroît le rôle du marché foncier, et de ses variations cycliques, dans la conduite et le devenir des projets d’urbanisme à Tôkyô.

Par ailleurs, la transformation de la Toshisaisei a largement contribué à réorienter certaines opérations basées au départ sur de l’immobilier de bureaux. La participation de la Toshisasei au projet mis en œuvre par les opérateurs privés permet ainsi de construire sur ces parcelles des parcs de logements de haut standing.

La rénovation et le repeuplement du Chûô-ku sont certains. Cependant nous avons vu que ce phénomène touche plus la zone des terre-pleins de l’arrondissement que des terrains du centre à Ginza. En cela les données fondamentales de ce « centre vide » restent valables et il ne s’agit pas d’une mutation fondamentale de la structure du CBD.

L’augmentation de la population dans le centre de Tôkyô n’est donc pas en mesure de modifier fondamentalement la distribution démographique dans le Tôkyô-to. Le schéma « centre vide et tertiaire » face à une périphérie plus peuplée est toujours d’actualité, même si cette dernière tend à se contracter du fait des migrations internes et du vieillissement de la population qu’elle connaît. Il s’agit d’avantage d’une rénovation qualitative que d’une transformation quantitative du Toshin.

En revanche, les terre-pleins de l’arrondissement jouent un rôle de réserve foncière qui permet le repeuplement par la rénovation du tissu industriel et portuaire vieillissant.

Notes
98.

De Régie publique de consolidation urbaine à Entité administrative indépendante pour le mécanisme de renaissance urbaine.

99.

Nous emploierons ci-après l’abréviation Toshisaisei, plus usitée par les professionnels du secteur.

100.

The Asahi Shimbun, 05/17/2005.