3. Le réaménagement de Toyosu (Kôtô-ku)

Le terre-plein de Toyosu est constitué de deux parties construites à des dates différentes. La zone Toyosu d’origine (1er, 2e, 3e, 4e, et 5e chôme) a été construite entre 1910 et 1930 dans le cadre des travaux d’aménagement de l’embouchure de la Sumida pour traiter les boues de dragage et construire des quais. Elle est cédée au secteur privé dès la fin des travaux.

La partie Toyosu Futô, (6e chôme) date de l’après guerre, construite en plusieurs étapes de 1948 à 1958, elle est restée en grande partie sous le contrôle du TMG. Ces 110 hectares sont aménagés pour la réception et le stockage des hydrocarbures : quais à charbon en 1958, et à gaz en 1959. Une centrale électrique thermique est construite en 1960.

Figure 75 : le terre-plein Toyosu avant sa reconversion.
Figure 75 : le terre-plein Toyosu avant sa reconversion.

La partie nord-est de Toyosu est plus industrielle, dans le prolongement de la Ville basse (photo 14 ci-après). Les deux parcelles sont vendues en 1937 par la mairie de Tôkyô au groupe Ishikawajima-Harima, pour des chantiers de constructions navales. Autour, ce sont des quartiers typiques de la Ville basse : tissu de PMI-PME, entrepôts, et kiba dans les bassins attenants. Largement privatisée, cette partie est plus hétérogène et n’est pas incluse dans les projets de réaménagement du TMG.

Jusqu’au début des années 2000 (fig. 76), la zone est une mosaïque d’habitations populaires (zones pavillonnaires privées ou grands ensembles gérés par le TMG), d’établissements industriels, et de superettes comme commerces de proximité.

Les premiers plans de rénovation du TMG touchent en priorité le réaménagement de Toyosu Futô. La zone comporte un faible nombre d’acteurs: deux propriétaires privés (Tôkyô Denka, et Tôkyô Gaz) et le TMG lui-même propriétaire des quais à coke et de la zone de prévention des risques.

Photo 14 : Axe central de Toyosu Ouest. À gauche les entrepôts des quais à coke.
Photo 14 : Axe central de Toyosu Ouest. À gauche les entrepôts des quais à coke.

© Scoccimarro 1999.

Les parcelles de Toyosu Futô sont progressivement libérées entre 1995 et 2000. Elles sont incluses dans le plan de Suzuki Shun.ichi pour établir un vaste quartier d’affaires sur le front de mer annoncé dans la foulée de l’opération RFT. La rénovation de Toyosu doit permettre la connexion du Rinkaifukutoshin avec l’hypercentre en supportant deux axes routiers, dans le prolongement de Harumi et Tsukishima. Ces axes sont terminés en 2006 et relient en ligne directe la zone Ariake Nord du Rinkaifukutoshin à Ginza.

Pour le réaménagement de Toyosu Futô, les ambitions du TMG ont été revues à la baisse. Le terre-plein accueillera en 2012 le nouveau marché de gros de la capitale, déménagé du quartier de Ginza pour la troisième fois et occupera quarante et un des 110 hectares de Toyosu Futô 115 . Le reste de la zone mêlera habitats en immeubles collectifs, espace commercial de proximité et au centre, une zone d’affaires et commerciale autour de la gare du Yurikamome.

Le plan actuel, avec l’installation du marché de gros sur une grande partie du terre-plein, marque une limite de la conversion de cette partie du port en zone urbaine. Il met aussi un terme au projet de restructuration globale de l’intérieur de port de Tôkyô, en coupant la dynamique entreprise par le Rinkaifukutoshin. C’est peut-être l’abandon des vues du gouverneur Suzuki pour cette partie de Tôkyô.

En revanche, la partie est de Toyosu a entamé une reconversion profonde, sur un mode autonome et plus pragmatique, impulsée par le déménagement des chantiers navals IHI. Comme pour River Side 21, les usines et les entrepôts sont délocalisés progressivement et les terrains libérés sont reconvertis en zones mixtes : logements, centres commerciaux zone d’affaires. C’est toujours le groupe Mitsui qui mène l’opération, renforçant sa présence dans cette partie de la baie.

Figure 76 : Le terre-plein Toyosu début 2007.
Figure 76 : Le terre-plein Toyosu début 2007.

Le succès des zones du front de mer du Rinkaifukutoshin ou de Minato Mirai 21 a inspiré les aménageurs du groupe privé pour la construction du shopping mall « Lalaport » (photo 15 ci-après). En effet, celui-ci utilise un des bassins de radoub et une grue, conservés des chantiers IHI pour son décor extérieur. Ce bassin de radoub sert d’embarcadère à la navette fluviale Himiko qui relie Asakusa, Toyosu et Rinkaifukutoshin.

Autour, c’est une zone mixte de 50 hectares qui comprend un parc de logements sur 8 hectares, géré par Mitsui Fudôsan 116 et la Toshisaisei, trois tours de bureaux (TX, TA et NTT 117 ), le siège rénové de IHI (8,4 hectares) ainsi qu’un campus universitaire (Shibaura Kogyô Daigaku) (fig. 77).

Photo 15 : « Toyosu Lalaport », un opération pilotée par Mitsui Fudôsan sur les anciens chantiers de constructions navales Ishikawajima-Harima
Photo 15 : « Toyosu Lalaport », un opération pilotée par Mitsui Fudôsan sur les anciens chantiers de constructions navales Ishikawajima-Harima

© Scoccimarro 2007.

L’aménagement de Toyosu Futô (6e chôme) correspond plus à l’utilisation traditionnelle des terre-pleins du port : une réserve foncière pour implanter les infrastructures peu valorisantes etlibérer la place qu’elles occupent sur des terrains de haute valeur dans le centre ville. Les nouveaux emplacements choisis marquent ainsi la frontière entre les quartiers urbanisés et ceux qui restent des espaces de report d’infrastructures peu valorisantes.

Le fait que ce déménagement soit effectué sur Toyosu et non sur un terre-plein du sud du Rinkaifukutoshin indique que ce dernier reste encore hors de la centralité urbaine de Tôkyô. Ainsi la mise en chantier du RTF a eu pour conséquence de renforcer les liaisons des terre-pleins du port avec le centre ville et de proposer un modèle pour aménager le front de mer de Tôkyô, sur la base d’infrastructures commerciales destinées au public. La reconversion effective des terre-pleins du port s’est cependant faite à partir des quartiers proches du Toshin, en direction du sud, sur la base d’opérations mixtes de logements. Ces dernières ont percé le bâti de la ville basse en modifiant quantitativement le nombre d’habitants. River City 21 et Harumi Triton Square comptaient en 2005 un peu plus de 13 000 habitants (Saitô et Tano, entretiens 2005). Cela représente près de la moitié de la croissance démographique de l’arrondissement de Chûô entre 1998 et 2004. Ces populations ont également modifié le profil social des quartiers, entraînant des phénomènes certains de gentrification.

Notes
115.

L’affaire n’est cependant pas tout à fait conclue : l’ancien propriétaire, Tôkyô Gaz peine à décontaminer la zone des taux de benzène qu’elle contient, ce qui pourrait compromettre l’installation du marché d’alimentation (Tsukiji fish market relocation plan draws toxin gripes, The Japan Times, 7 mars 2007).

116.

Opération Park City Urban Dock.

117.

Nippon Telegraph & Telephone.