2. Une certaine mixité sociale

Avant d’être un processus socio-démographique, la mutation est d’ordre fonctionnel. Ce sont en effet des parcelles industrielles qui sont transformées, les une après les autres, en parcelles de logements. Les deux terre-pleins du Chûô-ku (Tsukishima et Harumi) et ceux du Kôtô-ku (Shinonome et Toyosu) sont ainsi passés d’espaces à dominante portuaro-industrielle à des espaces à dominante résidentielle. L’installation des nouveaux migrants sur ces parcelles industrielles n’a donc pas eu pour effet de chasser les anciens habitants. Cela se produira peut-être, mais il est plus difficile de remembrer les quartiers d’habitations. Dans les logements collectifs de Harumi, en locatif, les anciens occupants ont été maintenus sur place et réinstallés dans le bâti rénové grâce à la politique de subventions de l’arrondissement de Chûô.

Par ailleurs la pression du foncier d’affaires reste faible dans cette partie du Chûô-ku. Les trois tours X Y Z de Harumi Triton Square ou la tour NTT à proximité de la gare de Toyosu (ligne Yûrakuchô) sont des exceptions construites sur les plans conçus pendant la Bulle.

Les opérations de logements intègrent en leur sein une certaine mixité sociale. Celle-ci est autant horizontale que verticale. À l’intérieur des tours, entre les différents étages où se répartissent des appartements de tailles très variables, du studio au trois pièces, de l’appartement familial au loft. On le constate autant dans les tours Mitsui de River City 21 que dans les immeubles de la Toshisaisei. On retrouve cette même diversité de l’offre dans d’autres immeubles plus cossus comme les Towers Daiba sur RFT (Daiba-H). Le parc privé comporte à la fois des appartements en location et d’autres en copropriété au sein d’une même tour.

À l’intérieur des périmètres d’aménagement, la collaboration systématique entre la Toshisaisei et l’opérateur privé induit de fait une mixité sociale, verticale cette fois. Les prix pratiqués mais aussi les charges varient considérablement : de quelques milliers de yens pour les appartements de la Toshisaisei à plus de 20 000 yens (un peu plus de 120€) dans les tours Mitsui. Ce sont au final des populations socialement différentes qui sont visées dans l’offre globale de ces opérations et qui cohabitent néanmoins sur une même parcelle.

Cette mixité sociale des populations est particulièrement visible sur la parcelle Shinonome avec l’opération Shinonome Canal Court Codan 120 (東雲キャナルコートコーダン, voir fig.67 p.111). L’aménagement est dirigé par le propriétaire des lieux, Mitsubishi, dont la branche industrie lourde (Mitsubishi Jûkô三菱重工) possédait le terrain sur lequel était implantée une aciérie. La gestion passe à la branche immobilière qui s’est alliée avec la Toshisasei dans une entreprise mixte.

Photo 16 : Appartements de la Toshisaisei à Shinonome (Kôtô ku)
Photo 16 : Appartements de la Toshisaisei à Shinonome (Kôtô ku)

© Scoccimarro 2005.

Mitsubishi Jisho y construit deux tours de logements de luxe de 45 et 50 étages. La Toshisaisei prend en charge un parc de barres de logements situées dans un bloc compact au centre de la parcelle (photo 16). En tout, 6 000 appartements doivent être construits. Dans ceux de la Toshisaisei, les loyers varient de 100 400 à 271 000 yen/mois 121 pour des appartements dont la taille varie du 1-K au 4-LDK.

Cinq autres tours de logements sont en construction à l’est et à l’ouest de la parcelle. Le ravitaillement des habitants est assuré par un supermarché Aeon et par quelques petits commerces de proximité au pied des barres de logements.

Photo 17 : Tours Mitsubishi jisho sur Shinonome (droite), en arrière plan les barres de logements de la Toshisaisei. Au premier plan, des immeubles d’habitat collectif dans la partie non rénovée du terre-plein de Shinonome.
Photo 17 : Tours Mitsubishi jisho sur Shinonome (droite), en arrière plan les barres de logements de la Toshisaisei. Au premier plan, des immeubles d’habitat collectif dans la partie non rénovée du terre-plein de Shinonome.

© Scoccimarro 2007.

L’opération Shinonome (photo 17) consacre aussi une évolution chronologique dans l’adaptation aux conditions du marché. Alors que sur River City 21 et Harumi Triton Square un parc de bureaux était inclus dans les plans, à Shinonome les constructions se limitent à un triptyque logements - centre commercial - rénovation du front d’eau.

Ces opérations permettent l’installation de populations plus variées qu’il n’y paraît. Il ne s’agit pas des plus hautes classes sociales de la capitale mais de familles aisées qui peuvent s’offrir aujourd’hui la proximité du centre ville jusque là inaccessible. Elles tranchent cependant fortement avec le bâti environnant, au plan architectural, social et générationnel.

Notes
120.

Il s’agit bien de Codan, un anglicisme et non de Kôdan

121.

De 600 € à 1 600 €.