c. Du CBD au condominium de luxe

Le plan final est officialisé en 1988, la même année que le Rinkaifukutoshin. Ces deux projets partagent d’ailleurs de nombreuses caractéristiques communes, comme le téléport, l’ambition de « ville pour le 21e siècle », des immeubles intelligents, l’accent mis sur un espace public de qualité, ou la construction de zones d’affaires pour déconcentrer l’hypercentre de Tôkyô. Le projet entre aussi dans une politique d’amélioration qualitative du port avec la mise en valeur du front de mer. Il est aussi présenté dans les brochures de l’époque comme un lieu d’avant-garde devant servir de canevas aux autres projets urbains (fig.79).

Figure 79 : POS des 186 ha de Minato Mirai 21.
Figure 79 : POS des 186 ha de Minato Mirai 21.

La fonction « affaires » prédomine clairement sur toutes les autres au départ (fig.80). Les plans prévoient une population au travail de 190 000 personnes et 10 000 habitants.

Figure 80 : Répartition de l’usage des sols sur Minato Mirai 21.
Figure 80 : Répartition de l’usage des sols sur Minato Mirai 21. « Minatomirai21 no keikaku gaiyô to kôbetsu jigyô » (Minato Mirai 21, aperçu des aménagements et cas par cas des travauxみなとみらい21の計画概要と個別事業). Minato Mirai 21 infomêshon, Vol.72, édition spéciale, Avril 2004.

En 1983, quand le projet est lancé on pense en effet qu’il sera terminé pour 2000. Dans l’euphorie de la Bulle le périmètre ne cesse de s’agrandir pour atteindre 186 hectares.

De mars à octobre 1989, la zone centrale de Minato Mirai 21 dont le terre-plein est fraîchement terminé (1987), accueille l’exposition internationale YES 89 (Yokohama Exotic Showcase) dans le cadre des festivités marquant le 150e anniversaire de la ville. Cette manifestation connaît un certain succès en termes d’image de ville et vis-à-vis de la population qui se rend sur le terre-plein pour les attractions proposées, en particulier la grande roue. Cette manifestation a aussi pour conséquence de retarder d’une année le lancement de l’opération Minato Mirai 21. Ainsi, ce n’est qu’en novembre 1990 que les premiers terrains sont mis sur le marché avec la parcelle 24 pour le Queen’s Square, (bureaux et centre commercial géant), ouvert en 1997 après trois ans de travaux débutés en 1994, dans le prolongement de la Landmark Tower ouverte en 1993.

En 1995, le plan d’urbanisme est de nouveau modifié mais cette fois ce sont les délais qui sont étendus à 2003. Une nouvelle modification en 1999 reporte à 2005 l’achèvement du projet. Initialement prévu pour loger 10 000 résidents, la zone n’héberge aucun habitant avant 2004. Comme sur le RFT, les parcelles n’ayant pas trouvé preneur sont louées temporairement pour des aménagements de type shopping mall en préfabriqués.

Cette opération, où la distribution des rôles est plus traditionnelle, n’a pas engendré les controverses qu’a connues le Rinkaifukutoshin. La présence du propriétaire originel des lieux, le puissant groupe Mitsubishi, induit en revanche d’autres rapports de force dans les processus décisionnels, d’autant plus aigus lorsque le déroulement des opérations est perturbé par l’éclatement de la Bulle.

Lors de la révision de plan de 1999, un périmètre « résidentiel » a été tracé sur la plus grande partie de la zone centrale afin d’y permettre la construction d’infrastructures urbaines et surtout de logements. Sous la direction de Mitsubishi Jisho, l’ensemble est réorienté vers la construction d’immeubles d’habitations de haut standing. La Toshisaisei prend une place plus importante avec la redéfinition du POS pour permettre la construction de logements sur pratiquement tout le périmètre.

En juillet 2002 l’opération Minato Mirai 21 est intégrée aux nouvelles zones de rénovation urbaine de réajustement rapide (Toshisaisei kinkyûseibi chiiki都市再生緊急整備地域) dans le cadre de la loi de renaissance urbaine (voir infra chapitre 4). En 2004 de nouvelles mesures de promotion de Minato Mirai 21 sont mises en place pour accélérer la marche de l’opération, en particulier un système de subventions par exonération de 5 ans de taxes foncières.

À cette période 34% seulement des terrains sont occupés définitivement, 16% sont occupés par des constructions temporaires 128 . C’est particulièrement le cas des shopping malls (Jack Mall, World Porters), des show-rooms (Leaf Yokohama et les vastes halls d’exposition pour les meubles Ôtsuka) ou encore un complexe de services aux cérémonies de mariages. Sur d’autres parcelles ce sont des revendeurs automobiles : Toyota Joy Park, Nissan Car Place ou encore Jac Carlet Yokohama. Sur une parcelle prévue pour une deuxième tour de Mitsubishi Heavy Industrie, ce sont des lotissements modèles pour les pavillons construits et commercialisés par l’immobilière Mitsubishi (fig. 81).

Figure 81 : Yokohama Minato Mirai 21 en 2007.
Figure 81 : Yokohama Minato Mirai 21 en 2007.

La population active atteint en 2004 50 000 personnes dans 903 entreprises installées sur le site. En 2005, ce sont 56 000 personnes qui travaillent sur la zone (derniers chiffres que nous possédons en 2007), réparties en 1 140 entreprises 129 . Le nombre d’employés correspond à pratiquement une fois et demi l’effectif du RTF (39 000 en 2006).

Depuis 2004, sept nouvelles parcelles ont trouvé des acquéreurs et ont été mises en chantier. Certaines restent dans le cadre ludique, comme un complexe cinéma et des attractions multimédias du groupe Sega, ou un complexe hôtelier à visée touristique. Mais la fonction tertiaire supérieur commence à faire son apparition sur les parcelles à proximité de la gare centrale de Yokohama. Les négociations aboutissent en 2004 pour l’implantation du siège social de Nissan, et en février 2007, Mitsubishi Jisho acquiert une parcelle pour la construction d’un complexe d’affaires avec une tour de 123 m de haut. Dans le même temps, Mitsui Fudôsan 130 fait l’acquisition d’un terrain pour construire également un immeuble de bureaux, le Yokohama Mitsui Building, un ouvrage de 138 m de haut.

Ainsi, actuellement, en dépit du retard dans la vente des parcelles, le bilan n’est pas mauvais pour la municipalité. Les terrains vendus permettaient en 2003 de couvrir 73% des dépenses de la municipalité.

Le coût total de la construction de Minato Mirai 21 pour la municipalité était de 458,9 milliards de yen 131 (environs 2,9 milliards d’euros) en 2003, 82% du coût total des travaux qui s’élève à 557,6 milliards de yen (environs 3.5 milliards d’euros), soit quatre fois moins que le Rinkaifukutoshin et, même si la zone est deux fois moins étendue, Minato Mirai 21 est une opération moins onéreuse que l’aménagement de la Zone 13.

L’ensemble des taxes perçues auprès des entreprises installées sur MM21 rapporte par ailleurs plus de dix milliards de yen par an à la ville depuis 1997, ce qui est considéré aujourd’hui comme une opération rentable par les responsables actuels de l’opération à la mairie de Yokohama (Shimada, entretien 2005, confirmé par Tanabe, entretien 2007).

Cela ne permet cependant pas à la ville d’atteindre son objectif de départ : fixer sur son territoire un plus grand nombre de fonctions tertiaires supérieures (fig.82).

Figure 82 : évolution du nombre de sièges sociaux d’entreprises étrangères à Yokohama 1996- 2005.
Figure 82 : évolution du nombre de sièges sociaux d’entreprises étrangères à Yokohama 1996- 2005.

Source : Ville de Yokohama

Quant à l’emploi, il reste cantonné à plus de 80% à des personnes résidant à Yokohama ou dans le département de Kanagawa (fig.83).

Figure 83 Origine géographique des personnes employées sur MM21 (2003).
Figure 83 Origine géographique des personnes employées sur MM21 (2003).

Au contraire, la réorientation de l’aménagement vers la construction de tours de logements est à l’inverse des plans de départ. Ainsi, en 2008, ce n’est pas moins de 4 135 logements qui seront alors construits sur Minato Mirai 21, dans des tours de luxe, MMTowerMM, Towers Foresis et MM Midtown Square. Elles s’ajoutent aux tours de la Toshisaisei. L’habitat n’était pas la première des priorités pour la municipalité qui souhaitait ne surtout pas dépasser les 10 000 habitants sur la zone afin de ne pas avoir à construire de nouvelles infrastructures, des écoles en particulier, une obligation réglementaire à partir de ce nombre.

Ce n’est pas la préoccupation des autres acteurs de l’aménagement au sein de la Minato Mirai 21 Corporation, en particulier du plus puissant d’entre eux 132 , le groupe Mitsubishi qui poursuit le développement de résidences de luxe sur ses parcelles. Et peu importe si Minato Mirai 21 se transforme en cité-dortoir (photo.21).

Photo 21: Forêt de
Photo 21: Forêt de kôsô manshon en cours de construction sur Minato Mirai 21 zone centrale.

© R. Scoccimarro 2007.

Ces tours brisent les visées esthétiques des aménageurs (fig. 84) de la ville qui avaient souhaité une diminution progressive de la hauteur des bâtiments vers le front de mer (Akimoto, entretiens 2005).

Figure 84 : COS et hauteurs maximales autorisées sur Minato Mirai 21
Figure 84 : COS et hauteurs maximales autorisées sur Minato Mirai 21

Le développement de Minato Mirai 21 s’oriente ainsi aujourd’hui vers deux directions : la construction de logements de haut standing et la poursuite du développement de zones commerciales ludiques. Du même type que celle du RFT, elles connaissent avec le même succès : la fréquentation annuelle de Minato Mirai 21 dépasse également les quarante millions de visiteurs.

Notes
127.

« Minatomirai21 no keikaku gaiyô to kôbetsu jigyô » (Minato Mirai 21, aperçu des aménagements et cas par cas des travauxみなとみらい21の計画概要と個別事業). Minato Mirai 21 infomêshon, Vol.72, édition spéciale, Avril 2004.

128.

Minato mirai 21 jigyô ni tsuiteみなとみらい21事業について(Sur les opérations de travaux de Minato Mirai 21), document interne, 2 p. daté de décembre 2004, fourni par le bureau de l’aménagement urbain de la ville de Yokohama le 04/02/05.

129.

Minato Mirai 21 Informatio n, vol.18, mars 2007, Minato Mirai 21 Corp., 2007, 23 p.

130.

Déjà présente avec les condominiums de luxe « Minato Mirai Midsquare » en association avec le groupe Tôkyû.

131.

Minato mirai 21 jigyô ni tsuiteみなとみらい21事業について(Sur les opérations de travaux de Minato Mirai 21), document interne fourni par le bureau de l’aménagement urbain de la ville de Yokohama le 04/02/05, daté de décembre 2004, 2 p.

132.

Il ressort des réunions de travail de la Minato Mirai 21 Corporation que c’est bien Mitsubishi qui a le dernier mot sur la conduite des opérations (Tanabe, entretiens 2007).