Partie III. Reproduction de l’espace, production de la ville : Le passage au wôtâfuronto ウォーターフロント

Vue sur le centre de Tôkyô depuis Daiba, Rinkaifukutoshin, 2007
Vue sur le centre de Tôkyô depuis Daiba, Rinkaifukutoshin, 2007

Que ce soit au sein de grandes opérations d’urbanisme ou sur de plus petits périmètres, des quartiers urbains entiers ont été créés en remplacement des espaces portuaires et industriels des villes japonaises.

Les aménageurs ont présenté les projets de ces nouveaux quartiers sur terre-pleins comme des villes nouvelles du XXIe siècle. Ce fut l’occasion de construire une ville originale. Leur dessein était facilité par les moyens dont ils disposaient, des surfaces vierges permettant tous les possibles.

Les nouveaux quartiers créés sur les terre-pleins du front de mer tranchent en effet avec la ville japonaise « traditionnelle » des arrondissements centraux, de la Shitamachi ou encore de la grande banlieue. Mais au-delà des appellations promotionnelles de villes du XXIe siècle » ou de « villes du futur », quelles sont les vraies innovations de ces quartiers ? Nous consacrerons un premier chapitre à l’analyse du produit urbain des opérations de reconversion des terre-pleins de la baie.

La reconversion du front de mer, initiée avec l’opération Rinkaifukutoshin, poursuivie dans les terre-pleins du centre du port de Tôkyô, met un terme partiel à la monopolisation du front de mer par l’industrie et à la relégation des activités les moins valorisantes dans cette partie de la mégapole. C’est une mutation de taille face aux pratiques qui ont marqué la HCE d’après-guerre. Mais même depuis Edo, pour la première fois, la zone littorale n’est plus consacrée à la production et aux quartiers populaires, mais est un lieu d’implantation de classes plus aisées.

Ce retournement n’est pas uniquement lié au progrès technologique qui sécurise les constructions sur ces zones. En effet, le front de mer et son paysage sont des éléments de mise en valeur de ces nouveaux quartiers dans le cadre de la globalisation paysagère de la ville.

Les nouveaux paysages urbains créés à cette occasion sont devenus des hauts lieux de la mégapole et c’est désormais la fréquentation touristique et commerciale qui sert de base au redéveloppement de ces aménagements. Le littoral ressemble ainsi de plus en plus au modèle établi en Amérique du Nord et exporté par la suite au reste du monde, celui du waterfront auquel nous consacrerons le deuxième chapitre de cette partie.

Enfin, nous consacrerons le dernier chapitre de cette partie au problème de la gestion du « trop-plein de terre-pleins » sur le littoral, à l’encontre des théories sur le manque d’espace dans les mégapoles japonaises. Les terre-pleins aménagés aujourd’hui datent des années 1950 pour les plus récents. Or pour Tôkyô, c’est déjà à 10 km au large du Rinkaifukutoshin que se terminent les derniers terre-pleins construits, ceux du brise lame central (Chûôbôhatei 中央防波堤). Une surface de 500 hectares d’espaces vierges à aménager.