2. La ville du « troisième secteur »

L’aménagement des avancées sur la mer par les grands projets urbains a été exclusivement l’affaire de sociétés mixtes de développement, dit de « troisième secteur » (dai san sekutâ 第三セクター). Ces partenariats publics privés (PPP) ont été considérés, depuis les années 1980, comme l’outils idéal de l’aménagement urbain parce qu’il permettait, en théorie, le financement privé d’aménagements publics.

Les rôles se répartissaient pourtant de la même façon que lors de la HCE : infrastructures et équipements financés par les autorités publiques et cession des terrains gagnés au secteur privé. On retrouve, dans les mégaprojets urbains, les grands groupes traditionnels de l’aménagement littoral de la baie, Mitsubishi et Mitsui, avec lesquels les autorités locales fonctionnent de concert. La collaboration se faisait à l’aide de cycles de conférences organisées entre les branches « projets et aménagement urbains » des différentes entités, auquel participent également des universitaires et de futurs clients comme les équipementiers et les constructeurs..

L’opération RFT avait poussé cette logique au point de prévoir un financement complètement autonome. Les déboires financiers de ce projet montrent que ce modèle a en grande partie échoué à atteindre les objectifs fixés, à savoir financer des équipements publics par des fonds privés. Pour Minato Mirai 21, l’adaptation de l’opérateur privé conduit au dévoiement de l’opération tant dans son aspect fonctionnel que paysager 145 .

Après le dégonflement de la Bulle l’idée que les fonds privés peuvent financer les équipements publics s’est révélée in fine une politique assez hasardeuse parce que trop dépendante de la conjoncture. Le secteur privé peut se désengager, ou remettre à plus tard ses investissements ; il n’en est pas de même pour les collectivités locales investissant dans des structures dont elles ne peuvent se retirer (Schebath, 2001).

Dans les opérations plus récentes, paradoxalement, la répartition des tâches à l’intérieur des sociétés mixtes semble s’être inversée. Le secteur public, ou semi-public comme la Toshisaisei, collabore pour apporter de la matière à des opérations initiées par le secteur privé. On assiste ainsi à la généralisation du modèle suivant :

  1. Délocalisation ou fermeture des activités industrielles et cession à la branche foncière du groupe.
  2. Constitution d’une société mixte entre l’immobilière privée et la Toshisaisei.
  3. Remembrement urbain (kukakuseiri) dans lequel la Toshisaisei construit ses logements pour les familles de la classe moyenne et moyenne supérieure, et l’immobilière privée, des tours de logements de luxe.
  4. Construction de l’offre commerciale autour d’un centre commercial avec galerie marchande.

Cette forme de collaboration sert de base à la reconversion accélérée des zones du front de mer à Tôkyô ou à Yokohama. Ce mode opératoire accouche de formes urbaines homogènes qui ont entraîné la mutation paysagère, sociale et démographique de ces quartiers de la Ville basse des ports.

Notes
145.

Voir supra Chapitre 5