Chapitre 3.  Surproduction d’espace dans la mégapole de Tôkyô

Cinquante et unième État du monde par sa taille, le Japon est loin d’être un « petit pays » et encore moins un micro-état. La question du manque de place au Japon est souvent évoquée comme le facteur explicatif de tel ou tel phénomène, particulièrement dans le cas des avancées sur la mer. Or, même dans les micro-états ou les cité-états, cet argument est souvent contesté. Dans la revue Urbanisme, Vincent Fouchier précisait en 1995 sur Hong Kong : « La description géographique de Hong-Kong laisse penser que verticalité et densité sont des choix d’urbanisme délibérés et n’ont pas été contraints par un réel manque d’espace » ( Fouchier, 1995). Au XIXe siècle déjà, certaines opérations de conquêtes sur la mer dans cette même ville tenaient plus de la possibilité de réaliser des plus values foncières que sur la nécessité physique d’étendre la ville (Hudson, 1996). Pierre Gentelle, précise dans La géographie universelle que « des tours de plus en plus hautes, (…) témoignent plus du désir de rentabilité et de magnificence de la ville que du manque très réel d’espace au sol » (Gentelle, 1994, p.127).

Ce qui était vrai (ou pas vrai) pour Hong-Kong l’est d’autant plus pour le Japon et ses mégapoles côtières. Les opérations d’aménagement des terre-pleins de la baie de Tôkyô nous montrent que la question du « manque d’espace à Tôkyô » n’est pas un élément déterminant dans la mise en œuvre et la conduite des projets.

Nous montrerons dans le chapitre suivant que la situation actuelle du foncier et la fabrication des nouveaux terre-pleins dans le port de Tôkyô, posent au contraire un problème de « trop-plein d’espace ». Une donnée qui révèle les limites sociales et urbaines des avancées sur la mer dans la mégapole.