a. Décharges en mer

Le traitement des déchets par leur rejet en mer ne date pas de l’industrialisation du Japon, mais de l’occupation humaine sous forme de villes dans la baie de Tôkyô. Ainsi, dès 1655 un décret du Bakufu interdit les rejets d’ordures dans les rivières et les canaux d’Edo. Il désigne alors une zone à l’Est de l’embouchure de la Sumida pour entasser les ordures diverses, ouvrant la voie aux premiers terre-pleins décharges (fig. 103). Cette zone forme actuellement l’île d’Eitaijima dans l’arrondissement de Kôtô. Les zones de dépôt d’ordures sont également agrandies par les remblais des matériaux issus du curetage des canaux, un point commun à la plupart des villes portuaires situées sur des espaces estuariens.

Figure 103 : Les terre-pleins décharges du port de Tôkyô.
Figure 103 : Les terre-pleins décharges du port de Tôkyô.

Source : TMG

Lors de la période contemporaine le front de mer est utilisé pour traiter les déblais des destructions de la ville. Ainsi les déblais issus du séisme de 1923 puis ceux des destructions des bombardements de la deuxième guerre mondiale servent à combler les canaux de la Shitamachi et à construire de nouveaux terre-pleins dans les arrondissements de Chûô et de Kôtô.

Dans la période d’après la guerre, ce sont les terre-pleins de Shiomi (zone 8), Yumenoshima (zone 14) puis Wakasu (zone 15) utilisés jusqu’en 1973. Le premier élément du Central Break Water (le Brise-lame central ou Chûô bôhatei中央防波堤), au sud des zones 10 et 13 du port, est construit de 1973 à 2003. Parallèlement, l’extension de l’aéroport de Haneda intègre de 1977 à 1991 des déchets ménagers, des boues portuaires et l’utilisation des matériaux du BTP.

En 1973, avec la révision de la loi portuaire sur les terre-pleins, les digues de terre-pleins décharges sont gérées par les bureaux des affaires portuaires (kôwan kyoku港湾局) et sont incluses dans les plans d’aménagements portuaires. Ce sont ces plans qui organisent les terre-pleins décharges. À Tôkyô le traitement des ordures du département est prévu par remblaiement jusqu’en 2016 (fig. 103).

Pour autant le problème ne concerne pas de façon égale tous les départements de la baie. Ainsi, le département de Chiba n’utilise pas d’ordures ménagères pour ses ASM, mais les sables du centre de la baie. Les déchets sont eux enfouis à l’intérieur des terres.

Le département de Tôkyô également n’est pas physiquement forcé de déverser ses ordures dans la baie. Il y a virtuellement de la place dans la partie rurale du département. Mais les communes et les habitants s’opposent en général à l’implantation de telles décharges. Dans la baie, l’opposition est quasi nulle et le coût peut être plus intéressant, d’autant plus que le réseau des incinérateurs est implanté opportunément sur les terre-pleins du port.

Le traitement des ordures n’est par ailleurs pas qu’un simple problème domestique. En 1973 on assiste à « guerre des poubelles » (gomi no sensôごみの戦争) entre l’arrondissement de Suginami et celui de Kôtô qui gère la décharge de Yumenoshima. Le Kôtô-ku s’oppose alors au transit des camions bennes en provenance de Suginami, lui intimant de traiter ses déchets ménagers sur son territoire.

Au début des années 1980, le gouvernement lance un programme, le Plan phénix, destiné à faire d’une pierre deux coups. C’est un plan de recyclage des ordures urbaines, mais « recycler » signifie utiliser les déchets urbains dans le cadre d’un vaste programme de remblaiement pour soutenir l’expansion d’aires urbaines. Les terre-pleins du CBW, ceux d’Ôsaka Maishima et Maishu entrent ce cadre.

Le problème reste pourtant toujours entier et les terre-pleins côtiers sont encore dans la plupart des villes portuaires, c'est-à-dire dans la quasi-totalité des métropoles japonaises, le moyen privilégié pour le traitement des ordures ménagères, du BTP, de l’industrie et des boues portuaires.