Régler la question environnementale en reproduisant la nature

Les revendications environnementales de la fin des années 1960 ont fini, au Japon comme dans les autres pays industrialisés, par être prises en compte dans les politiques publiques. Cela s’est traduit par la création d’institutions chargées de l’environnement et du cadre de vie. La question de la nature, de sa protection, devient alors un enjeu pour le corps politique et un objet pour les aménageurs.

Le résultat prend la forme d’une offre de « Nature à consommer ». Le processus mis en place sur Rinkaifukutoshin fonctionne bien et il semble reproductible pour l’aménagement futur des derniers terre-pleins du port avec le projet de Tôkyô no mori prévu sur les terre-pleins décharges au sud du port. Tel que le projet est présenté, il est le moyen de répondre à la demande en cadre de vie (plus d’espaces verts) mâtiné de politique « écologiste » : planter des arbres contre l’effet de serre.

C’est un tour de passe-passe qui n’est pas nouveau (Anselme et al., 1981) : produire des masses d’usagers de la Nature pour régler la question de la revendication de la Nature. C’est d’autant plus efficace que les revendications pour préserver la nature, ou les pratiques naturelles de l’espace, comme le ramassage des coquillages sur les estrans de la baie de Tôkyô, ont disparu en même temps que l’espace naturel à protéger. Il n’est plus question de préserver la Nature, mais de l’aménager ou de la reproduire dans un cadre consumériste.

Le conflit autour de la zone humide de Sanbanze est en cela très significatif : les pêcheurs sont favorables à la destruction de leur zone d’activité pour pouvoir toucher des compensations liées à la disparition des zones de pêche. De leur côté, les groupes de défense de la zone humide, dont aucun n’est riverain, bataillent pour l’aménagement d’une zone humide… artificielle (jinkôhigata 人工干潟).