La notion de pratique de classe

Les recherches sur les pratiques de classes, de plus en plus nombreuses à nos jours, prennent un intérêt scientifique grandissant. L’importance de ces enjeux est liée à la « forte demande sociale en matière de réussite scolaire, de qualité et d’efficacité de l’enseignement d’une part, et le développement et l’ampleur que prend la formation des professeurs afin de faire de l’enseignement un vrai métier dont les pratiques seraient théorisées d’autre part » (Malkoun, 2007, p. 11). Le but de ces recherches est double : d’abord il s’agit de comprendre les modalités des pratiques de classes (leur organisation, leur fonctionnement et les processus en jeu), ensuite les relations qu’elles peuvent entretenir avec l’apprentissage des élèves.

En regardant le dictionnaire TLF en ligne « le Trésor de la Langue Français », nous remarquons que le mot pratique s’utilise dans la langue française de deux manières :

  • comme substantif au féminin, auquel cas deux niveaux de définition nous sont proposés : « action qui vise à appliquer une théorie ou qui recherche des résultats concrets, positifs ou fait d’exercer une activité particulière, de mettre en œuvre les règles, les principes d’un art ou d’une technique (pratique de la dense, d’un métier, d’un sport etc) » 
  • comme adjectif et, dans ce cas, il est défini comme une notion « qui concerne l’action, l’intervention de la volonté humaine sur le réel pour le transformer ».

On peut lire dans un autre site (http//fr.wikipédia.org/wiki/Pratiques) : « une pratique est une façon de procéder dans la réalisation d’une action ou qualifie une action particulière (elle peut se pratiquer seul ou en groupe, elle peut être innée, issus de tradition, d’une religion d’un métier etc ».

Nous remarquons donc que l’usage du mot « pratique » renvoie à une action quelle que soit la définition prise (substantif ou adjectif). Ainsi, dans l’utilisation du substantif, la définition nous renvoie à des expressions du genre : « exercer une activité particulière », « mettre en œuvre des règles, des principes ou une technique ». Ceci montre que pris comme substantif, le mot est associé à plusieurs autres termes, on parle de pratique d’enseignement, d’apprentissage, d’enseignants, d’élèves, pédagogiques, culturelles, professionnelles, institutionnelles, familiales, sociale etc. Donc une définition univoque n’est pas pratiquement envisageable, mais plusieurs, selon les disciplines, les champs d’application et les problématiques. Dans ce qui va suivre nous explicitons l’usage de ce terme et les caractéristiques que quelques chercheurs lui ont données suivant leur champ de recherche ; puis notre position par rapport à cette notion terminera ce paragraphe.

Du point de vue sociologique, les pratiques sociales regroupent tout ce qui fait référence aux affaires humaines (loisir, travail, activité domestique, acquisition des savoirs, développement personnel et engagement). En ce qui concerne l’acquisition des savoirs, les travaux du sociologue Bourdieu (1980) ont influencé de nombreuses recherches orientées sur les pratiques sociales dans le champ de l’éducation.

Dans le champ des sciences de l’éducation. Martinand (1986) parle de pratique sociale de référence « qui consiste à mettre en relation […] les activités didactiques, avec les situations, les tâches et les qualifications d’une pratique donnée. Ces activités concernent l’ensemble d’un secteur social, et non des rôles individuels et la relation avec les activités didactiques n’est pas d’identité, il y a seulement terme de comparaison » (http//fr.wikipédia.org/wiki/Pratiques)

Beillerot (1998) fait référence aux gestes, aux conduites et aux langages dans une première dimension, aux objectifs, aux stratégies et idéologies qu’il identifie à une deuxième dimension. Chevallard (1999) considère quant à lui, que toute activité humaine consiste à accomplir une tâche particulière par une technique, justifiée par une technologie qui découle d’une théorie. Pour lui le système de tâches, c’est-à-dire d’activités bien circonscrites, permet d’analyser toute pratique de classe. Enfin Altet (2002) identifie dans la pratique enseignante, les dimensions pédagogiques et didactiques. Selon elle, il s’agit de comprendre l’articulation fonctionnelle et cohérente entre les deux.

Ces caractérisations de la pratique qu’elle soit sociale, d’enseignement ou autres, se focalisent sur l’action (ce que font les individus et comment ils le font). Certains font référence à la sphère institutionnelle où se déroule cette action. Dans notre approche, nous considérons que la classe, qui est notre objet d’étude est une institution, au sein d’autres institutions, l’établissement et le système éducatif du pays. D’après Sensevy (2007), la pratique de classe peut être prise sous deux angles : action d’enseigner et action d’apprendre dans un lieu appelé classe, que ce lieu soit physique ou virtuel. Ces deux actions ne sont pas exclusives, elles ne se déroulent pas dans la classe de manière séquentielle, mais de manière conjointe et simultanée (Sensevy, 2007). C’est pourquoi nous prenons cette orientation en disant que la pratique de classe, sous sa dimension didactique est une action conjointe entre élèves et professeur :

‘« Ce qui semble caractériser avant tout autre chose l’action didactique ce sont deux dimensions particulières. Tout d’abord, le fait qu’une action didactique est nécessairement conjointe. Le terme enseigner, d’une certaine manière, demande le terme apprendre. Le terme apprendre demande le terme enseigner. [...] Ces lignes banales sont relativement importantes. Elles signifient que la description et la compréhension de l’action, fondée sur une communication dans la durée entre le professeur et les élèves, donc sur une relation qui actualise l’action didactique, et qui est actualisée en retour par celle-ci. Second aspect, cette relation est centrée sur un objet bien précis : le savoir qui doit être transmis, en donnant à ce dernier terme (transmis) le sens anthropologique général de la transmission.
De fait, donc l’action didactique est une action conjointe, produite en général dans la durée au sein d’une relation ternaire entre le savoir, le professeur et les élèves (la relation didactique). Cette action est conjointe, c’est-à-dire organiquement coopérative. Je ne produis pas ici un énoncé normatif, ou prescriptif, mais un énoncé de fait. Que l’on considère n’importe quel acte didactique, et l’on constatera que dans chaque action du professeur l’élève trouve une place, même minime, et la même chose peut se dire de chaque action de l’élève » (Sensevy, 2007 p. 14).’